Entre deux concerts et une manifestation
Face aux dures réalités du quotidien, de nombreux musiciens se partagent désormais entre plusieurs groupes et différents projets. Ainsi, parmi les huit sélectionnés du mois sur les vingt-neuf arrivages à la rédaction, la moitié rassemble des participants qui ont évolué au gré des circonstances.
Formé l’an dernier à Bruxelles, Paradoxant a été créé par Antoine, le bassiste/ claviériste de BRNS, pendant une pause de son groupe. Pour mettre en forme ses compositions, il a été rejoint par Antoine et Romain, croisés lors de leur participation commune au projet Namdose, et par ailleurs membres respectifs de Monolithe Noir et Ropoporose. Ce premier album s’apparente à cette mouvance de l’indie rock expérimental : entre cold pop, post-punk et electronica, il égrène des morceaux étranges qui alternent phases apaisées et soubresauts noisy, mélopées chuchotées et choeurs majestueux, plages electro planantes et déferlements tribaux (“Earworm”, Humpty Dumpty Records, facebook.com/paradoxant).
Formé en 2010, Institut réunit Emmanuel, un producteur arrangeur (Hyperclean, Holden, Superbravo) et Arnaud, membre d’Emma (deux disques chez Lithium à la fin des années 1990) qui avait collaboré avec The Married Monk. Ces antécédents positionnent le duo — rejoint pour l’enregistrement par la chanteuse Nina Savary — sur le créneau d’une pop arty et expérimentale. S’appuyant sur un environnement synthétique qui alterne mélopées new wave et quelques échappées electro plus musclées, ce troisième album cultive, au fil de longs récitatifs poétiques, une étrangeté textuelle au diapason de son titre (“L’Effet Waouh Des Zones Côtières”, Rouge Déclic, facebook.com/ INSTITUTmondial, distribution Believe).
Au départ, en 2006, les Marteaux Pikettes étaient un groupe féminin né à Paris entre deux concerts et une manifestation. Au fil des années, elles sont devenues un quatuor mixte mais n’ont rien abandonné de l’engagement féministe de leur punk rock militant. Leur second album entretient la flamme tribunicienne grâce à des rythmiques offensives et des textes pugnaces et décapants : “A toi le brillant barbu/ Qui met les femmes au rebut/ Toutes religions confondues/ Voilà pour toi/
A toi l’énorme pénis/ Qui n’a jamais comprisse/ A quoi sert un clitoris/ Voilà pour toi” (“Racine Carrée De Vos Utopies”, lesmarteauxpikettes. com, distribution LaDestroy).
Quatre ans après ses débuts, le trio parisien Order89 (devenu quartette pour les besoins du disque) sort un second album qui reste fidèle à sa volonté de s’inscrire dans une “french wave” : si Noir Désir est l’une de ses influences revendiquées, la plus perceptible est celle d’Indochine, que ce soit au niveau de la voix affectée ou du parti pris maniériste des chansons francophones qui prennent leur envol quand elles s’écartent de ce modèle pour affirmer leur mélange de post-punk, de cold wave et de techno en cultivant leur mélancolie rageuse entre guitares, synthés et vocaux enflammés, comme sur le bien nommé “Vertige” (“L’Eté Des Corbeaux”, Icy Cold Records, facebook.com/OrderEightyNine).
Fondé à Lyon en 2009, Bye Bye Theresa a connu bien des aléas, et c’est seul que Ben, le chanteurcompositeur-parolier, a terminé l’enregistrement de ce premier album. Il revendique l’héritage des Sheriff et surtout d’OTH, d’où le choix de leur chanteur Spi que l’on retrouve à la réalisation. Malgré un chant parfois fluet, les morceaux les plus probants sonnent la charge comme savait le faire le groupe de Montpellier, et la reprise de “Laisse Pas Traîner Ton Fils” de NTM rappelle une époque où rap et rock radical faisaient bon ménage (“Second Souffle”, facebook.com/byebyetheresa, distribution Kebra’s Records).
Depuis 2010, le quartette parisien (devenu quintette) Old Mountain Station (déjà remarqué dans ces colonnes) se délecte d’une indie pop sous influence américaine qui avait su prendre ses aises avec un second album produit par Kid Loco. Pour son troisième essai, il a eu la bonne idée de faire appel à un claviériste (également chanteur de My Thinking Face) qui renforce la dimension harmonique basée sur les guitares. Epaulé par des choeurs soyeux, le chant retenu confère un charme décalé à d’élégantes chansons pop au charme troublant (“The Summer Ends”, We Are Unique Records, oldmountainstation.com, distribution Bigwax).
Avec son quatrième album depuis 2012, le quintette Jim Younger’s Spirit poursuit sa plongée dans un rock psychédélique anglophone dans la lignée de Jefferson Airplane ou du Brian Jonestown Massacre. Tout au long des huit morceaux de plus de quatre minutes chacun, on est happé par l’aspect incantatoire des atmosphères et par le caractère hypnotique que leur confèrent la voix de la chanteuse ainsi que par les instrumentations obsédantes, nappées de guitares fuzz, d’orgues lancinantes et d’ajouts, tels que maracas, guimbarde ou tambourin
(“El Malpais”, Watonwan Records, facebook.com/JimYoungersSpirit, distribution InOuïe).
Venu du plateau des Fourgs, dans le Doubs, le quatuor Bysshe a choisi son nom en hommage au poète anglais Percy Bysshe Shelley, ce qui explique le parti pris romantique et poétique de son rock psychédélique anglophone qui bénéficie de deux chants (masculin et féminin). Les sept morceaux de son second album aiment prendre le temps d’installer des climats cultivant le spleen, d’où leur longueur rarement inférieure à cinq minutes, propice à des ballades planantes, des montées en puissance et des alternances de phases d’apaisement aérien et d’emballement convulsif (“Forever In The Eye Of Change”, M &O Music, facebook.com/ Bysshe.band, distribution Differ-Ant) o