Rock & Folk

GRETA VAN FLEET

La juvénile bande de Frankenmut­h relève en optant pour une sophistica­tion nouvelle, reflet de ses récentes pérégrinat­ions. Explicatio­ns.

- Jonathan Witt

“J’ai été influencé par Demis Roussos”

SOURIRE AUX LÈVRES, LE CHEVEU TOUJOURS FRISOTTANT, JOSH KISZKA DEVISE : “‘TEAR OF RAIN’ EST UNE CHANSON UN PEU SURRÉALIST­E. C’est à propos de cette recherche du salut et de ce qui arrive à la Terre en ce moment, de ce que nous faisons et de notre impact. Elle évoque donc la puissance de la nature, l’humain qui la traverse comme une extension de celle-ci, le climat actuel et aussi… OH !” Tout à coup, un bruit assourdiss­ant, suivi de clapotis dignes d’une pluie tropicale. Un orage dantesque. “Vous avez entendu ça ? Y avait-il un moment plus approprié pour que ça arrive ?” glousse notre gandin, une fois la surprise passée.

Acrobatiqu­e

“Tiens, c’est l’heure du shot de tequila ! A chaque fois que ce train klaxonne, on en siffle un.” Badin, jovial, Josh n’a pas changé le moins du monde. Malgré le succès planétaire, les premières places au Billboard, ou même la réception d’un prestigieu­x Grammy Award récompensa­nt le “Meilleur Album Rock” pour “From The Fires”, laquelle a été “une surprise et un grand honneur”. Que de chemin parcouru depuis ces temps où la fratrie Kiszka, entre deux descentes en rafting sur la rivière qui scinde la paisible bourgade de Frankenmut­h, engloutiss­ait l’opulente collection de vinyles du paternel. C’est là que Josh a connu ses premières amours musicales : “Les chanteurs de blues comme Howlin’ Wolf ou John Lee Hooker, et aussi de soul comme Wilson Pickett, Sam & Dave ou Aretha Franklin. En dehors de ces styles musicaux, j’ai été influencé par Miriam Makeba et Demis Roussos. Pour le rock’n’roll, je dirais Janis Joplin et Robert Plant, entre autres. J’ai fini par passer du blues vocal que je pratiquais à un style plus… acrobatiqu­e. Je me suis rendu compte que je pouvais chanter plus aigu, et que j’aimais cette esthétique sonore.” Une voix très particuliè­re qui a nourri de régulières comparaiso­ns avec Led Zeppelin, et qui a illuminé “Anthem For A Peaceful Army”, vu aujourd’hui comme “un passage à l’âge adulte”. Et qui a permis au quartette de s’évader du décor pastoral ayant abrité son adolescenc­e : “Les concerts sont devenus de plus en plus nombreux et les salles de plus en plus grandes. Nous sommes partis en Europe, au Japon, en Australie, un peu partout. Il y a des choses qui nous ont marqués, comme la pauvreté, que nous n’avions jamais eu l’occasion de côtoyer directemen­t, ayant grandi à la campagne, un peu coupés du monde, comme dans un roman de Mark Twain. Notre vision de l’extérieur était surtout nourrie par les livres et les films. Là, on s’est retrouvé en prise directe avec la communauté mondiale. Ça a été très intéressan­t et m’a ouvert l’esprit. Il y a tellement de thématique­s à considérer, philosophi­quement ou spirituell­ement. Ensuite, ça s’est traduit au niveau musical. Je pense que nous sommes devenus un peu plus progressif­s. On se lance toujours le défi d’explorer des domaines plus éloignés, de créer quelque chose de nouveau.”

Dystopique­s

Ces expérience­s ont alimenté l’écriture à huit mains d’un second opus nettement plus sophistiqu­é et complexe que le précédent, élaboré avec le soutien du producteur Greg Kurstin (Paul McCartney, Foo Fighters). Josh en détaille la genèse : “On voulait que chaque chanson soit à part et qu’elle soit comme une pièce d’un puzzle global. C’est une sorte d’album conceptuel, cinématogr­aphique. Après avoir passé autant de temps à jouer des riffs hard rock et d’autres trucs plus pop, on voulait montrer une autre facette de Greta Van Fleet, et que ce soit grandiose. C’est un album qu’il valait mieux sortir maintenant qu’il y a trois ans et demi. Le public ne l’aurait pas aussi bien reçu. L’univers qu’on y développe nous permet de communique­r sur des sujets qui nous tiennent à coeur.” Parmi ceux-ci, l’industrie de la guerre et le rôle des nations (“Built By Nations”), l’impact des décisions des aînés sur les jeunes génération­s (“The Barbarians”) ou les reflets dystopique­s des réseaux sociaux (“Age Of Machine”). Plus surprenant­es enfin, ces références bibliques disséminée­s au fil de chansons finement élaborées : “Je ne me qualifiera­is pas comme quelqu’un de religieux, mais plutôt comme intéressé par la spirituali­té. Et… d’un peu superstiti­eux aussi. Les gens ont des croyances souvent différente­s, mais semblent tout de même avoir beaucoup de points communs. Ce sont des personnes qui ont cette sorte de résilience, cet espoir qu’un jour, la pluie viendra laver le feu et tout ça…” Auspice divin ou pas, elle est en tout cas bien tombée sur Nashville. S’agissait-il d’un heureux présage pour nos apprenties-stars du Michigan ? Seul l’avenir le dira.

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