Rock & Folk

STEVE CROPPER

Revient aux affaires avec un nouvel album solo. L’occasion de revisiter les glorieuses heures de Stax et de la soul sudiste en compagnie de celui qui en posa les fondations — de façon littérale.

- Bertrand Bouard

“Trois prises plus tard, on avait mis en boîte ‘Green Onions’ ”

LE 16 OCTOBRE 1992, BOB DYLAN CÉLÈBRE TRENTE ANS DE CARRIÈRE AU MADISON SQUARE GARDEN, À NEW YORK. La liste des invités a fière allure — Tom Petty, Eric Clapton, The Band, Stevie Wonder, George Harrison… Pour accompagne­r ces éminences, il a été fait appel à Booker T Jones (claviers), Donald “Duck” Dunn (basse) et Steve Cropper (guitare), soit les membres survivants de Booker T & The MG’s. Le choix fait sens : dès le début des années soixante, avec une économie de moyens remarquabl­e, le house band de Stax a insufflé une énergie irrépressi­ble à la soul, et partant, au rock, en influençan­t une grande partie des musiciens réunis ce soir-là. “Les artistes ont défilé tellement vite que je me souviens surtout du final, raconte le guitariste. Lorsque tout le monde est revenu sur scène, je me suis retrouvé aux côtés de Johnny Cash, que je n’avais pas accompagné pendant le concert — Reggie Young l’avait fait. C’était un sacré honneur !” On peut voir dans cette anecdote l’une des clefs d’une carrière courant sur sept décennies : Steve Cropper a beau avoir accompagné dès ses jeunes années nombre de chanteurs devenus des légendes, il n’a jamais été blasé. Ni imbu de sa propre histoire, pourtant colossale.

926 East McLemore Avenue

C’est de façon littérale que le guitariste, né en 1941 dans le Missouri, a contribué à poser les fondations de la soul sudiste : situé au coeur du quartier noir de Memphis, au 926 East McLemore Avenue, le studio d’enregistre­ment de Stax Records était à l’origine un cinéma... dans lequel il passa un samedi après-midi à arracher les fauteuils en compagnie de son camarade, le saxophonis­te Charles “Packy” Axton, avant d’aider à insonorise­r les lieux. L’oncle d’Axton, Jim Stewart, avait acquis l’endroit et l’aménagea en studio, avec une boutique de disques à l’entrée, où Cropper commença par officier. Le jeune homme sort alors du lycée et sévit dans The Royal Spades, aux côtés de Dunn. “Les guitariste­s que je voulais imiter ? Tous les plus grands, sauf que je me suis rendu compte que je ne pourrais jamais y arriver, alors il a bien fallu que j’invente mon truc ! souritil. Il n’y aura jamais un autre BB King, un autre Chet Atkins, un autre Les Paul… Mais ceux auxquels j’ai le plus emprunté sont Bo Diddley et Lowman Pauling, des 5 Royales…” The Royal Spades changent bientôt de nom, à l’instigatio­n… du guitariste. “Beaucoup de groupes à l’époque s’appelaient ‘Mar quelque chose’. Un gars d’une maison de disques voulait nous renommer les Marquee, et j’ai dit : ‘Pourquoi pas les Mar-Keys ?’, puisqu’on avait un clavier, et on est partis là-dessus…” A l’été 1961, le groupe de blancs-becs férus de rhythm’n’blues — et détestant le rock’n’roll — couche un instrument­al où cuivres et clavier s’adonnent à une bacchanale infernale, poussés par une section rythmique euphorique. On n’y entend aucune guitare, mais Cropper figure sur “Last Night”, qui a mis le feu aux pistes de danse des décennies durant. “J’ai eu l’idée du ‘ta-da’ à la fin du thème, ainsi que celle des breaks de batterie : en concert, le batteur avait pour habitude de faire un solo où il balançait ses baguettes pour jouer avec ses mains. Je lui ai suggéré de reprendre le principe avec ses baguettes, afin d’obtenir un effet d’escalier, des toms du haut vers ceux du bas... Je tiens également une note à l’orgue

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