Rock & Folk

Klaus toujours

Klaus Voormann, le bassiste, ami et graphiste se souvient.

- RECUEILLI PAR JÉRÔME SOLIGNY

“Ce que je me rappelle, c’est la bonne humeur de John ; Ringo était là, c’était fantastiqu­e. Quand il se mettait au piano ou à la guitare, John n’avait pas besoin de nous donner la moindre consigne. On savait ce qu’on avait à faire. J’ai pris beaucoup de plaisir à écouter les chutes de studio du coffret, car je ne me souvenais pas de tout ça. On a fait de nombreuses prises, John n’était pas tout le temps certain d’avoir raison. Dans mon souvenir, nous jouions aussi certains titres à un tempo plus élevé… Il lui arrivait de différer l’enregistre­ment car il n’était pas dans le bon mood. C’est la raison pour laquelle on a pas mal jammé entre les morceaux… Dès que ça commençait à groover, il était content. Et pour l’album de Yoko, enregistré au même moment, nous avons agi de la même manière. Elle ne nous donnait pas de grilles d’accords ou d’indication­s de tempo. On faisait le boeuf et dès qu’elle le sentait, elle se mettait à faire ses vocalises. ‘Why Not’, par exemple, est née exactement comme ça. Il y a des gens qui ne l’aiment pas en tant que musicienne, mais j’ai toujours considéré que c’était une artiste superbe. Mon équipement était relativeme­nt rudimentai­re : une basse Fender Precision, un ampli Ampeg. Je me répète, mais John était très heureux à l’époque et, honnêtemen­t, je ne l’avais jamais vu comme ça. Il était impatient d’enregistre­r ses chansons, il débordait d’émotions. Il riait, il pleurait, il s’amusait, il était sympa avec nous, tout paraissait naturel. En réalité, on s’est posé beaucoup moins de questions que les gens qui continuent de disserter sur ce disque. Le concert de Toronto ? Franchemen­t, c’était une blague ! Comment quelqu’un de la stature de John Lennon a-t-il pu oser se produire à la tête d’un groupe avec lequel il n’avait jamais joué, qui ne connaissai­t pratiqueme­nt pas les chansons, et dont les membres, en arrivant sur la scène, ignoraient quel micro était allumé et dans quel ampli ils devaient se brancher ? C’était dingue ! Vous savez, j’ai rencontré John bien avant la Beatlemani­a et à Hambourg, il n’était obsédé que par l’idée d’être un rocker, il n’y connaissai­t rien à l’art. Sur scène, John était vraiment dans son élément, aussi parce qu’il était incroyable­ment drôle. Ensuite, il a été obligé de se tenir correcteme­nt en live… Au moment d’enregistre­r ‘John Lennon / Plastic Ono Band’, on ne se doutait pas que, un demi-siècle plus tard, il serait considéré comme une oeuvre majeure de l’histoire du rock, mais surtout, on ne pensait pas à ça. Et dans cent ans, on en parlera encore ! C’est un disque bien plus important qu’il en a l’air.”

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