Marianne Faithfull With Warren Ellis
“She Walks In Beauty”
Rocker intégriste, passe ton chemin. Ici, nul beat de batterie, aucun accord de guitare. Même pas de chant. Rien que de la poésie romantique anglaise — datant donc du début du dixneuvième siècle — récitée par Marianne Faithfull, sur laquelle une discrète musique instrumentale a été ajoutée par Warren Ellis, avec l’aide ponctuelle d’amis : Nick Cave a joué un peu de piano, Vincent Ségal du violoncelle et Brian Eno a créé quelques textures sonores. Il faut un certain panache — et un certain courage — pour produire ce genre d’album aujourd’hui. Mais c’est un projet que Marianne portait depuis longtemps, elle qui a reçu une éducation très classique, bercée par les poèmes de Percy Shelley, John Keats, Lord Byron, William Wordsworth, Alfred Tennyson ou Thomas Hood qu’elle reprend ici. Elle a pu le réaliser grâce à la ténacité de François Ravard, son manager, dans des circonstances assez difficiles, puisqu’elle a failli mourir du sale virus au moment où elle enregistrait. Sa voix, plus cassée que jamais, est magnifique. Ce n’est pas la première fois qu’elle chante les poètes (Brecht en 1998, sur “The Seven Deadly Sins”, Shakespeare dix ans plus tard avec Vincent Ségal). Mais un tel disque force le respect.
Question : à qui s’adresse-t-il dans un pays notoirement nul en anglais et pas franchement passionné par la poésie ? Réponse : à tous ceux qui voudront bien faire l’effort de l’écouter attentivement. Ils en sortiront enchantés et un peu plus cultivés, ce qui ne fait jamais de mal à personne. On ne sait pas si les textes seront inclus dans l’album, vu que les chroniqueurs ne reçoivent plus qu’un lien d’écoute, mais on conseille de les lire en l’écoutant — on les trouvera partout sur Internet. Qui, pour une fois, servira une noble cause. ✪✪✪