Dinosaur Jr

“Sweep It Into Space”

Jay Mascis a toujours été ce vieillard qui chante loin du monde, même quand il était encore un jeune homme tout mou et ironique. Depuis les débuts de Dinosaur Jr, ce faux hippie enregistre des disques qui ne ressemblent à aucun autre, drôle de mélange d’électricité maladive et de voix presque douces, de mélodies indélébiles et d’éclats de barbelé. Ce nouvel album ne déroge pas à la règle même s’il offre, ici et là, quelques chansons plutôt inédites chez Dinosaur Jr, comme ce “Garden”, digne et épuré, ou “Take It Back”, sorte de comptine bricolée et ludique. Lou Barlow, qui a composé et interprète deux titres sur le disque, et Murph sont au rendez-vous, évidemment. “I Ain’t”, chanson d’ouverture, est une complainte à la paresse ensorceleuse, avec la guitare qui tournoie comme il faut. Tout comme “To Be Waiting”, jolie mélancolie saturée et “I Ran Away”, plus acoustique et dépouillée. “I Met The Stones” affiche un gros riff quasi metal et reptilien, nickel. On peut penser sans rougir à Thin Lizzy. “Hide Another Round”, plus méchant, mord d’entrée, avant de muer en cette pop accélérée et insoumise, avec un solo foutraque parfait. “And Me” a l’intro The Cure, la guitare acoustique croisant l’électrique pour une cavalcade tout en cassures jubilatoires. “I Expect It Always” s’écoutera au volant, sur une route sans fin, la nuit de préférence, en compagnie d’amis sûrs. On pourra l’enchaîner avec “N Say”, du même calibre de bitume, et “Walking To You”, tube non officiel mais diablement fédérateur. Enfin, “You Wonder” est une conclusion presque en retenue avec sa batterie d’après la bataille. Ce “Sweep It Into Space” démontre que Dinosaur Jr doit moins au Jurassique qu’à une furieuse envie d’encore écrire des titres puissants et sans la moindre prétention. Impeccable. ✪✪✪1/2