Jac Berrocal & Riverdog
“Fallen Chrome”
Jac Berrocal, c’est Pascal Comelade qui en parle le mieux. Comme lors de cette récente interview, où il s’énervait : “Sur ces trente dernières années, est-ce qu’il y a eu dans la presse française, quotidienne ou mensuelle, des papiers conséquents sur Richard Pinhas, Jacques Thollot ou Jac Berrocal ? Pour ne citer que ces trois-là. Je dis non. Pour moi, ce sont des évidences dans le monde de la musique. Je ne trouve pas très acceptable que ces évidences soient occultées aujourd’hui.” En gros, il reprochait à Rock&Folk (entre autres) de ne pas faire son boulot. Mais pourquoi faudrait-il parler de ce musicien inclassable, en activité depuis bientôt cinquante ans, trompettiste génial — il le prouve encore sur cet album, avec des titres comme “Lint Fire” ou “A La Frontière” — et chanteur déconcertant (“Strange Song”, la bien nommée) ? Peut-être parce que la dernière fois qu’on l’a croisé, c’était lors d’un hommage à Alan Vega, organisé par Marc Hurtado, et qu’il avait livré une performance électrisante, délirante, incroyable, laissant le public pantois ? Ou parce qu’il a travaillé avec le légendaire Vince Taylor, dans les années 1970, en l’accompagnant sur le fameux “Rock’N’Roll Station” avec... une roue de bicyclette ? Pour toutes ces raisons, oui. Mais surtout parce que ce dernier album, enregistré avec Riverdog, un jeune duo franco-américain, est un truc inouï. Au sens propre : on n’entend ça nulle part ailleurs. On ne sait pas où l’on est, entre Antonin Artaud (“Prière”) et musique industrielle, certains titres évoquant la liberté d’un Robert Wyatt (“Parcours Cicatrice”), mais la plupart n’évoquant rien du tout. C’est rare, beau, poétique, fou, dérangeant, parfois flippant (“Petit Souvenir”). Du grand art. ✪✪✪✪