Installé en Charente-Maritime
En mettant un coup d’arrêt aux concerts, l’épidémie de la Covid a frappé de plein fouet le rock indépendant pour qui le live est un moyen privilégié de se faire connaître et de vendre des disques. Pour autant, elle n’a pas stoppé la créativité de tous ces groupes, qui se sont repliés vers les studios pour continuer d’exister. Si les envois à la rédaction ont fléchi, ils n’ont jamais cessé, ce qui est un signe de vitalité dont témoigne également la pertinence des huit sélectionnés du mois, parmi trente-quatre albums reçus.
Avec cet album surprenant, Fred Nevché & French 79 (de Marseille) ont poursuivi leur projet de création : d’un côté un chanteur adepte du slam qui, en douze ans, a sorti quatre disques consacrés à Jacques Prévert, Marylin Manson et Kurt Cobain, de l’autre le fondateur d’un projet electropop concrétisé par un premier album. Ensemble, ils se sont attaqué au mythe de Lou Reed dont ils proposent, une évocation poétique grâce à des textes de plusieurs romanciers et deux traductions littérales de chansons de celui qui était “le prince de la nuit et des angoisses” selon Andy Warhol (“The Unreal Story Of Lou Reed”, IN/EX, grandbonheur. org/fred-nevche, distribution Alter-K).
En quinze ans d’existence, ZOE n’a jamais abandonné son parti pris heavy rock qui se réclame aussi bien de Motörhead que des Queens Of The Stone Age. Avec son quatrième album, le quatuor du Nord (entre Calais et Dunkerque), doté d’un nouveau bassiste impressionne toujours par sa puissance et l’efficacité de ses morceaux. En dix rounds, il assure haut la main la victoire d’un rock qui oscille entre hard, stoner et metal, propulsé par des rythmiques imparables, des guitares enflammées et un chant offensif parfaitement mis en valeur par une production acérée (“Back Into The Light”, LX Prod / Brennus Music, facebook.com/zoeisadirtylittlesister).
Après des expériences collectives du côté de Rennes, Olivier Rocabois oeuvre sous son nom en tant qu’auteurcompositeur-interprète depuis un EP paru en 2019. Avec son premier album, il célèbre la pop mélodique et anglophone dont il est féru. Pour soigner les orchestrations de neuf morceaux très ouvragés et chantés d’une voix de tête sophistiquée, il a fait appel à trois autres musiciens et de nombreux intervenants (violons, trompette, marimbas, mellotron), ce qui enrichit sa palette sonore, confère à ses chansons élégantes des couleurs chatoyantes et lui permet d’exprimer sa passion pour les Beatles (“Goes Too Far”, Microcultures, facebook.com/allifmusic).
Duo parisien né à La Mécanique Ondulatoire en 2018, Fantômes propose avec son premier album une plongée pop-rock des années quatrevingt-dix. Et il s’y révèle particulièrement friand de contrastes, voire de véritables ruptures de ton, qui peuvent évoquer alternativement Weezer, Pixies ou Nirvana, au hasard de décharges d’adrénaline post-punk, de ballades apaisées et de suaves envolées pop. On pourrait craindre un aspect patchwork, mais les dix morceaux échappent à ce piège grâce à la fougue créatrice des deux musiciens qui savent s’appuyer sur des mélodies accrocheuses et imposer leur personnalité (“It’s OK”, Pan European Recordings, facebook.com/fantomesband).
Le quatuor parisien Liquid Bear s’est formé en 2017, et son second EP mérite bien son titre. Les cinq morceaux aux textes anglophones et pessimistes évoluent entre stoner, classic rock, psyché et prog, et ce melting-pot renvoie aux parcours divers des musiciens réunis par une volonté commune de confronter leurs influences respectives. Leur potion musclée et offensive est traversée d’éclats sonores et de changements de rythme : se délectant de fuzz et de riffs, elle se démarque de la concurrence grâce à une composante très rock progressif, entérinée par le rôle important des claviers et l’influence assumée de King Crimson (“Heavy Grounds”, Liquid Bear, facebook.com/liquidbear).
Installé en Charente-Maritime,
Ali Veejay est d’abord passé par une phase électrique énervée avec le groupe 1=0, avant de découvrir les bienfaits de l’intimisme et de l’apaisement. Il lui a fallu trois ans pour concocter ce premier album solo qui donne la priorité à la formule guitare-voix, mais il sait s’entourer d’intervenants (basse, guitare, et parfois batterie) qui diversifient ses chansons veloutées. Avec sa voix haut perchée et ses arabesques vocales, il navigue dans un univers groovy qui emprunte autant au reggae et au folk qu’à la soul et à la pop (“Ali Veejay”, Dora Dorovitch, facebook.com/alivee).
Venus du Mans, les Vilaine Tracks ont débuté en 2016 comme trio, avant d’intégrer un autre membre un an plus tard. Et à l’écoute de leur premier EP anglophone, il s’avère que ce choix a été positif : la présence d’un saxophoniste doublé d’un harmoniciste étoffe la formule basique guitare-bassebatterie. Les cinq morceaux sont d’une concision revendiquée et d’une efficacité constante, tant instrumentale que vocale : placés sous le signe d’un punk rock mélodique, ils maintiennent une tension sans failles et parviennent à préserver leur potentiel offensif tout en offrant de belles envolées à l’occasion de chorus enthousiasmants (“Sunny Grave”, VT, facebook.com/VilaineTracksAreBack).
Pour son premier album solo, le Rennais Daniel Paboeuf a délaissé le groupe Unity qu’il avait initié après ses collaborations d’antan avec Marquis De Sade, Ubik ou Sax Pustuls. Dès l’impeccable morceau d’ouverture (“L’Hélico”) au charme naïf, on retrouve le son si caractéristique de son saxophone et les qualités d’esthète qui l’ont fait autant apprécier d’un Dominique A que de tous ceux avec lesquels il a collaboré. Entre morceaux à l’entrain communicatif, pauses mélancoliques et soubresauts lyriques, les huit titres suivants entraînent dans un plaisant voyage en apesanteur (“Ashes?”, Il Monstro, facebook.com/danielpaboeufunity, distribution L’Autre Distribution).