Ghosts Of War
DE ERIC BRESS
La guerre, c’est l’horreur. Certes. Mais peut-on rajouter de l’horreur à l’horreur ?
Oui, c’est possible. Grâce au cinéma. Le mix entre guerre et horreur s’est donc principalement focalisé, depuis pas mal d’années, sur des attaques de zombies en pleine Seconde Guerre mondiale. Avec des morts-vivants, des nazis affolés, des mitraillages dans le vide (puisque les zombies ne meurent pas) et des excès gores dignes d’un spectacle de Grand-Guignol. Ce qui a donné des bobines plutôt amusantes comme “Outpost”, “Le Commando Des Morts Vivants” ou “Frankenstein’s Army” au thème commun : un savant fou crée une armée de soldats morts vivants. Et “Dead Snow 1” et “2” à l’humour potache sur fond de tripes à l’air. Dont une séquence surréalistiquement drôle dans laquelle un zombie nazi est pendu avec son propre intestin grêle. Citons encore l’hyper culte et (involontairement) hilarant “Le Lac Des Morts Vivants”, nanar franchouillard où le réalisateur Jean Rollin obligea ses pseudo-acteurs à jouer une séquence au ralenti car sa caméra défaillante ne tournait pas à la bonne vitesse. Bref, le traintrain du film de guerre/ zombie que l’on pourrait dénommer le “zombie war”. Un sous-genre du film de genre, que le réalisateur Eric Bress dépoussière un brin en faisant preuve d’un peu plus de culot scénaristique dans son “Ghosts Of War”.
Ici, point de zombies, mais des fantômes. Ce qui fait preuve d’un sacré effort d’originalité. En pleine Seconde Guerre mondiale, une escouade de cinq soldats yankees déambulant dans la campagne française reçoit l’ordre d’investir un manoir précédemment occupé par les nazis. Mais une fois installé, l’atmosphère du lieu devient étrange. Bruits suspects à l’étage, miroir qui ne reflète rien, présence fugace dans le parc et fantômes déchaînés (quatre pour être précis). En fait, des reflets ectoplasmiques d’une famille précédemment massacrée par les nazis. On pourrait donc penser qu’il n’y a rien de vraiment original pour le coup, sauf que le réalisateur Eric Bress est un malin. Il y a dix-sept ans déjà, il signait un excellent film fantastique, “The Butterfly Effect”, sur les aléas de l’espace-temps et du hasard suivant le fameux principe du “battement d’ailes du papillon”. A savoir, est-ce qu’un battement d’ailes de papillon au Brésil peutil provoquer une tornade au Texas ? Une question métaphysique qu’il reprend de façon un peu plus tordue et cauchemardesque dans la seconde partie de “Ghosts Of War”. Au bout d’une heure, après la confrontation promise par le titre (soldats inquiets contre fantômes revendicatifs), mâtinée de violence extrême (pendaison, noyade, balle dans la tête... un peu à la façon des “Destination Finale”, franchise de films d’horreur cool dont Eric Bress est scénariste), le film bifurque dans une suite de rebondissements métaphysiquement osés. Avec des coups de théâtre intempestifs allant au-delà de la logique (sachant qu’ici la logique de base est la présence de fantômes), de la conscience, et même de la mort. Comme une version cauchemardesque de “Un Jour Sans Fin” pour spoiler un peu. Etrangement, sur le Net, de nombreux amateurs de fantastique ont mal pris ce brutal changement de paradigme, certes invraisemblable, mais très plaisant si on accepte le principe post-“Twilight Zone” de l’entreprise. D’autant que “Ghosts Of War”, malgré son budget limité, est très soigné techniquement. Que ce soit la photo presque vintage, les décors (le réalisateur s’est inspiré comme il pouvait de l’hôtel de “Shining”) et de l’ambiance mortifère rappelant un peu le deuxième long-métrage de Michael Mann, “La Forteresse Noire”, où des soldats nazis essayent de contrer une présence démoniaque errant entre les murs d’un vieux château roumain. Pure série B d’horreur, “Ghosts Of War” ne révolutionne certes pas totalement le genre mais, à sa façon, continue quand même de l’honorer (en diffusion sur Filmotv).o