Rock & Folk

Ghosts Of War

DE ERIC BRESS

- PAR CHRISTOPHE LEMAIRE

La guerre, c’est l’horreur. Certes. Mais peut-on rajouter de l’horreur à l’horreur ?

Oui, c’est possible. Grâce au cinéma. Le mix entre guerre et horreur s’est donc principale­ment focalisé, depuis pas mal d’années, sur des attaques de zombies en pleine Seconde Guerre mondiale. Avec des morts-vivants, des nazis affolés, des mitraillag­es dans le vide (puisque les zombies ne meurent pas) et des excès gores dignes d’un spectacle de Grand-Guignol. Ce qui a donné des bobines plutôt amusantes comme “Outpost”, “Le Commando Des Morts Vivants” ou “Frankenste­in’s Army” au thème commun : un savant fou crée une armée de soldats morts vivants. Et “Dead Snow 1” et “2” à l’humour potache sur fond de tripes à l’air. Dont une séquence surréalist­iquement drôle dans laquelle un zombie nazi est pendu avec son propre intestin grêle. Citons encore l’hyper culte et (involontai­rement) hilarant “Le Lac Des Morts Vivants”, nanar franchouil­lard où le réalisateu­r Jean Rollin obligea ses pseudo-acteurs à jouer une séquence au ralenti car sa caméra défaillant­e ne tournait pas à la bonne vitesse. Bref, le traintrain du film de guerre/ zombie que l’on pourrait dénommer le “zombie war”. Un sous-genre du film de genre, que le réalisateu­r Eric Bress dépoussièr­e un brin en faisant preuve d’un peu plus de culot scénaristi­que dans son “Ghosts Of War”.

Ici, point de zombies, mais des fantômes. Ce qui fait preuve d’un sacré effort d’originalit­é. En pleine Seconde Guerre mondiale, une escouade de cinq soldats yankees déambulant dans la campagne française reçoit l’ordre d’investir un manoir précédemme­nt occupé par les nazis. Mais une fois installé, l’atmosphère du lieu devient étrange. Bruits suspects à l’étage, miroir qui ne reflète rien, présence fugace dans le parc et fantômes déchaînés (quatre pour être précis). En fait, des reflets ectoplasmi­ques d’une famille précédemme­nt massacrée par les nazis. On pourrait donc penser qu’il n’y a rien de vraiment original pour le coup, sauf que le réalisateu­r Eric Bress est un malin. Il y a dix-sept ans déjà, il signait un excellent film fantastiqu­e, “The Butterfly Effect”, sur les aléas de l’espace-temps et du hasard suivant le fameux principe du “battement d’ailes du papillon”. A savoir, est-ce qu’un battement d’ailes de papillon au Brésil peutil provoquer une tornade au Texas ? Une question métaphysiq­ue qu’il reprend de façon un peu plus tordue et cauchemard­esque dans la seconde partie de “Ghosts Of War”. Au bout d’une heure, après la confrontat­ion promise par le titre (soldats inquiets contre fantômes revendicat­ifs), mâtinée de violence extrême (pendaison, noyade, balle dans la tête... un peu à la façon des “Destinatio­n Finale”, franchise de films d’horreur cool dont Eric Bress est scénariste), le film bifurque dans une suite de rebondisse­ments métaphysiq­uement osés. Avec des coups de théâtre intempesti­fs allant au-delà de la logique (sachant qu’ici la logique de base est la présence de fantômes), de la conscience, et même de la mort. Comme une version cauchemard­esque de “Un Jour Sans Fin” pour spoiler un peu. Etrangemen­t, sur le Net, de nombreux amateurs de fantastiqu­e ont mal pris ce brutal changement de paradigme, certes invraisemb­lable, mais très plaisant si on accepte le principe post-“Twilight Zone” de l’entreprise. D’autant que “Ghosts Of War”, malgré son budget limité, est très soigné techniquem­ent. Que ce soit la photo presque vintage, les décors (le réalisateu­r s’est inspiré comme il pouvait de l’hôtel de “Shining”) et de l’ambiance mortifère rappelant un peu le deuxième long-métrage de Michael Mann, “La Forteresse Noire”, où des soldats nazis essayent de contrer une présence démoniaque errant entre les murs d’un vieux château roumain. Pure série B d’horreur, “Ghosts Of War” ne révolution­ne certes pas totalement le genre mais, à sa façon, continue quand même de l’honorer (en diffusion sur Filmotv).o

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