Dylanographie
NICOLAS LIVECCHI Les Impressions Nouvelles
Il paraît qu’il y a eu plus de livres publiés sur Napoléon que de jours depuis sa mort, mais peut-être pourra-t-on un jour dire la même chose de Bob Dylan et de ses albums, tant leur nombre est proprement hallucinant, et le mec n’est même pas mort. Nombreux sont ceux qui, déjà, ont essayé de mettre de l’ordre dans ce flot incessant, mais peu ont tenté la totale, l’oeuvre complète, tout inclus, tout, les pirates, les officiels, les compilations, tout on vous dit. Ce travail de forçat, c’est Nicolas Livecchi qui s’y colle dans le titanesque et labyrinthique “Dylanographie”. Titanesque, parce que Dylan a quatrevingts ans, et soixante ans d’heures de vol, mais surtout parce qu’il a produit et produit encore une quantité folle — inégalée ? — de nouveaux titres. Labyrinthique parce que la production officielle et non-officielle est tellement immense qu’il est impossible de ne pas s’y perdre. Dylan n’a publié autrefois qu’une infime portion de sa musique, éveillant ainsi la convoitise de ses fans frustrés, et déclenchant du même coup un énorme trafic de disques pirates où seuls quelques obsédés comme Livecchi arrivent à retrouver leur (blind) Willie. Ajoutez à cela une gigantesque production officielle, des éditions multiples, sous tous les différents formats, des sorties bassement utilitaires pour récupérer des copyrights, des reprises, des duos, des collaborations, des hommages, des musiques de film, et vous obtiendrez cet Everest, toujours en formation aujourd’hui — “Never Ending Tour” oblige — qu’est le corpus phénoménal de cet artiste exceptionnel. C’est à travers principalement cent soixante-seize albums, accompagnés de près de deux cents notices biographiques, que Livecchi détaille et raconte, musicalement comme historiquement, cette carrière hors normes. “Un tel travail est bien sûr vertigineux, on ne sait où commence et se termine la démarche rigoureuse de l’historien et la maniaquerie maladive du fan”, écrit Livecchi à propos d’autres dylanographes, sans se rendre compte, semble-t-il, à quel point cette phrase s’applique aussi à son propre cas de fan zinzin, forcément zinzin, comme ce boulot fou en est la preuve tangible. Parfaitement détaillée en centaines de notes pour les ultra-fans, mais tout aussi picorable pour les amateurs débutants, cette bible vous ouvrira littéralement mille pistes sur mille trouvailles de notre prix Nobel préféré et restera, c’est sûr, un indispensable de toute bonne bibliothèque rock.