Rock & Folk

FILM DU MOIS

DE JULIEN MAURY ET ALEXANDRE BUSTILLO

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Il y a quelques années encore, tourner un pur film d’horreur made in France relevait du parcours du combattant.

Pascal Laugier (“Martyrs”), Xavier Gens (“Frontière(s)”) ou Doug Headline (“Brocéliand­e”) en savent quelque chose. Et Julien Maury et Alexandre Bustillo aussi. En coréalisan­t leur premier long-métrage en 2007, le grand-guignolesq­ue et néanmoins psychologi­que “A L’Intérieur”, les deux joyeux compagnons du gore décomplexé se sont fait remarquer avec ce film où le sang n’a jamais le temps de coaguler. Et si “A L’Intérieur” ne marche pas spécialeme­nt au pays de Christian Clavier (avec un nombre d’entrées bien en deçà des “Visiteurs 1” et “2”), il se vend comme des petits pains à l’internatio­nal. Comme d’ailleurs la plupart des pellicules d’horreur frenchies produites pour moins de trois millions d’euros. Leurs deux films suivants (“Livide” et ses séquences colorées à la Mario Bava, “Aux Yeux Des Vivants” et son ambiance post-Stephen King) ne marchant pas non plus vraiment en salles, Bustillo et Maury s’exilent alors aux Etats-Unis pour mettre en boîte une préquelle tardive du traumatiqu­e “Massacre A La Tronçonneu­se”. Si le tournage se passe plutôt correcteme­nt, la post-production leur échappe. Remonté dans leurs dos, leur “Leatherfac­e”, qui — s’il conserve une belle ambiance mortifère et mélancoliq­uopoisseus­e — n’est pas vraiment leur “director’s cut” à eux. Car telle est la loi à Hollywood : vous tournez en presque totale liberté et après on remâche votre travail sans vous demander votre avis. Après trois ans d’errance et de projets avortés (dont un remake d’ “Hellraiser” qui devait être produit par les frères Weinstein), Bustillo et Maury peuvent revenir au bercail où le cinéma cauchemard­esque commence enfin à s’ouvrir. En partie certaineme­nt grâce aux chaînes à péage (Netflix, Amazon et compagnie) très demandeuse­s en films et séries de genre. Du coup, en 2020, et pour la première fois de leur vie, les deux collègues du fantastiqu­e distingué enchaînent coup sur coup deux longs-métrages : “Kandisha” (une histoire de créature maléfique qui devrait sortir cette année) et “The Deep House”, incontesta­blement leur meilleur travail à ce jour. Ne fût-ce que pour son excitant concept qui n’avait jamais été pensé par personne jusque-là : une maison hantée sous l’eau ! Soit une vieille bâtisse planquée au fin fond d’un lac visité au ralenti (puisque sous l’eau) par un couple d’explorateu­rs kamikazes qui, visiblemen­t, ne croit pas aux fantômes en apnée. Bien mal leur en prend... Munis de leurs combinaiso­ns de plongée, les deux nageurs (elle, interprété­e par le mannequin internatio­nal Camille Rowe, lui interprété par James Jagger, le fils de Mick) se retrouvent vite coincés entre les murs mouillés de cette maison qui ne semble pas être habitée par des anges. En dire plus serait faire du spoil contre-productif... Car l’atout principal de “The Deep House”, est de découvrir ce qu’il se passe juste après le visuel de l’affiche (montrant les deux plongeurs se dirigeant sous l’eau vers la maison immergée). L’autre intérêt est évidemment l’exploit technique du projet. Qui ne cesse de nous hanter durant toute la projection. Mais comment ont-ils fait ? Car cinq millions d’euros de production, ce n’est vraiment pas énorme pour tourner un film se déroulant à 90% dans un décor rempli d’eau jusque bien au-delà du plafond et du toit. Décor dont les pièces ont été reconstitu­ées dans un immense bassin d’un tout aussi immense studio bruxellois. Presque le plateau d’un tournage de James Bond, en quelque sorte. Et surtout, le film donne réellement l’impression (puisque c’est le cas) d’avoir été tourné intégralem­ent sous l’eau. Et non avec de l’eau et des décors reconstitu­és numériquem­ent à la façon du grotesquem­ent kitsch (et pénible) “Aquaman”, qui a coûté cent soixante millions de dollars. Soit trentedeux fois le budget de “The Deep House”. “Dans l’espace, personne ne vous entend crier” disait la mythique phrase d’accroche sur l’affiche d’ “Alien”. Eh bien, dans l’eau, personne ne vous entendra crier non plus (en salles le 30 juin) !o

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