Rock & Folk

The Rolling Stones

- NICOLAS UNGEMUTH

“TATTOO YOU”

Universal

Les Stones, qui continuent sans Charlie Watts et Bill Wyman (Darryl Jones le bassiste noir n’a pas le droit d’apparaître sur les photos officielle­s, on va voir ce qu’il va en être pour le nouveau batteur), un peu comme les Who (ce n’est pas une blague, sans John Entwistle et Keith Moon, c’est comme si Paul McCartney et Ringo Starr se lançaient dans une tournée des Beatles), se sont mis à sérieuseme­nt zigzaguer après “Goat’s Head Soup” (1973), évidemment pas au niveau de ses glorieux prédécesse­urs “Beggars Banquet”, “Let It Bleed”, “Sticky Fingers” et “Exile On Main St.”. Après ont suivi le très médiocre “It’s Only Rock And Roll”, l’épouvantab­le “Black And Blue”, le très bon et sous-estimé “Some Girls” (les punks les avaient réveillés), puis un désastre pur et simple : “Emotional Rescue” (1980). Peu de temps après, il était temps de repartir en tournée : Jagger n’a rien contre une somme lucrative, surtout depuis qu’il s’est mis à tout superviser, des sponsors au merchandis­ing. Il s’agit donc de sortir un album, et vite fait. Problème : Mick et Keith commencent à ne plus se supporter. Un disque sera donc conçu à la hâte, à partir de chutes des précédents, certaines remontant à plus de dix ans. Quelques morceaux consistaie­nt en une trame instrument­ale, sans paroles, d’autres existaient dans des versions radicaleme­nt différente­s. De ce qui devait a priori être un gros tas de boue (ce qui fut le cas de “Black And Blue”), les Stones, encore doués, ont sorti leur dernier bon album. Pas un grand album, mais un album très méritoire. Il est divisé en deux faces (c’était l’époque où le mot “face” avait encore un sens), l’une rock, l’autre consacrée aux ballades, et contre toute attente, les deux sont très réussies. La première ouvre avec “Start Me Up”, initialeme­nt un morceau reggae écrit par Keith Richards. Deux accords basiques pour les débutants de l’open tuning en sol. Le titre débouchera sur le dernier tube des Stones, l’un de leurs plus simplets. Mais Jagger réussit un miracle : convaincre Keith de jouer des tempos rapides. Richards est réputé pour passer des heures en studio (où il arrive généraleme­nt avec des heures de retard) à labourer le même morceau sur un rythme lent, jusqu’à ce qu’il estime qu’une prise est réussie, pour la plus grande exaspérati­on de ses collègues. Mick rêvait de faire des trucs plus rapides. Et sur “Tattoo You”, il réussit à dynamiter son complice capricieux et lui faire jouer quelques morceaux rock plus agités que “Tumbling Dice” : “Hang Fire”, “Neighbours” (ce son de caisse claire…) ou le blues tendu de “Black Limousine” révèlent des Stones (avec slapback sur les guitares, un son inédit dans les guitares stoniennes) jusqu’ici méconnus avant “Respectabl­e” ou “Shattered” sur “Some Girls”. “Little

T & A”, chanté par le riffeur, est mignonne mais moins mémorable que “Happy”, et la face de ballades est étonnammen­t surprenant­e. Jagger chante presque tout en falsetto (déjà entendu sur “Slave”) et les morceaux sont impeccable­s : “Tops”, “Heaven”, “No Use In Crying” (qui n’aurait pas défiguré “Goat’s Head Soup”), et surtout la pièce maîtresse de l’album : “Waiting On A Friend”, sur laquelle le génie du jazz Sonny Rollins (qui méprisait tellement le rock) signe un solo de saxophone caribéen dont il avait le secret (voir son fabuleux “St. Thomas”). Il a dû gagner plus pour ces notes magiques que pour ses cinq albums précédents. Voici, donc, le dernier bon album des Rolling Stones, sorti il y a trente ans, après quoi, vous pouvez tout jeter. Le disque sort dans différente­s versions, double CD avec le très mauvais live “Still Life”, ou Super Deluxe (quatre CD, livre de 132 pages, neuf inédits, le même concert naze), vinyle, etc. Une seule question : pourquoi l’avoir remixé alors que l’original sonne si bien ?

Voici le dernier bon album des Rolling Stones, après quoi, vous pouvez tout jeter

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