Rock & Folk

De “Let It Be” à “Get Back”

Les cinéastes Michael Lindsay-Hogg et Peter Jackson auront opéré un drôle d’aller-retour dans l’intimité des Beatles au mois de janvier 1969.

- LH

Comme le rappelle Michael Lindsay-Hogg, la perception de son “Let It Be” comme film requiem est un malentendu historique. Le film lui-même montre certes un groupe en hiver, cheveux gras, yeux rougis par les pétards, moral parfois dans les chaussette­s, mais il est rempli de jam, d’éclats de rire, de clins d’oeil complices et d’une performanc­e sur le toit d’Apple dont la puissance rappelle surtout pourquoi ces types étaient depuis six ans installés sur celui du monde. Le demi-siècle suivant n’a pas suffi à rétablir la vérité. Non seulement “Let It Be”, le disque, n’était pas le dernier album des Beatles (l’honneur en revient à “Abbey Road”, sorti six mois avant) mais “Let It Be” le film n’était pas non plus la captation de leur séparation, malgré son titre épitaphe et la couleur noire de la pochette et de l’affiche d’origine.

En récupérant les bandes (dont certaines nécessitai­ent une restaurati­on en profondeur), Peter Jackson s’est retrouvé avec la mission d’en changer la perspectiv­e pour redonner à ces séances — et au concert sur le toit — leur véritable place dans la trajectoir­e du groupe : loin d’être au bout de leur route, les quatre génies s’appliquent au contraire à relancer la machine et repartir de l’avant, malgré les caméras, malgré le froid de l’hiver 1969 et celui que jette la présence de Yoko en studio. Renommer l’ensemble “Get Back” (titre de travail du projet en 1969), n’est pas faire oeuvre de révisionni­sme mais bien revenir aux intentions d’origine : moins un instantané impression­niste de l’état d’un groupe (option choisie par Lindsay-Hogg) que la chronique d’un processus créatif stupéfiant, ces séances ayant tout de même accouché de “Let It Be”, “Two Of Us”, “Across The Universe”, “The Long And Winding Road”, “Get Back” et “Don’t Let Me Down”, ainsi que d’un concert historique. Comme désastre terminal, on a fait mieux… En 1970, dans “Let It Be”, les gens avaient découvert les Beatles barbus (McCartney), amaigris par l’héroïne (Lennon), moralement atteints (Starr) ou éteints (Harrison), et surtout beaucoup vieillis depuis leur dernière apparition sur grand écran (“Help!”). Tout étant affaire de contexte, ceux qui verront “Get Back” en 2021 auront à l’inverse une sensation sidérante de jeunesse et de vitalité alors que McCartney, le plus jeune des deux Beatles survivants, aura quatre-vingts ans dans moins de sept mois.

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