Courtney Barnett
“Things Take Time, Take Time”
MILK! MARATHON ARTISTS
Une madeleine à courte distance : la première écoute de “Avant Gardener”, récit ahuri d’une séance de jardinage déraillant en crise de panique, le tout dévidé sur une ligne de basse valant celle de “Cannonball”. Un classique instantané, le surgissement d’une évidence et l’immédiateté d’une joie, tant les meilleures chansons de cette angoissée chronique rayonnent. “Things Take Time, Take Time” est, dit-on, plus personnel ; il est surtout plus dépeuplé. Confinée dans l’appartement d’un ami pendant pratiquement un an, Courtney Barnett a bricolé ses démos à l’aide d’une boîte à rythmes Roland CR-8000, conservée au moment de l’enregistrement pour lequel elle s’est volontairement privée de son groupe, pourtant pas manchot. Choix peu convaincant pour “Sunfair Sundown” mais probant sur “Before You Gotta Go”, où la batterie (tenue par Stella Mozgawa, aux fûts chez Warpaint, qui produit également l’album) fraternise idéalement avec la machine. La férocité de “Pedestrian At Best” manque un peu : ici, nous n’avons droit qu’à la seule douceur. L’Australienne semble avoir trouvé dans le confinement une sorte de tranquillité provisoire qui se paie de peu de mots : l’écriture est plus simple qu’à ses débuts, moins foisonnante. “Rae Street”, la plus classiquement barnettienne du lot, ouvre l’album avec panache, mais le sourire aux lèvres vient surtout avec “If I Don’t Hear From You Tonight”, digne des premiers White Stripes, ou “Oh The Night”, à la simplicité délibérée, menée par un piano et une batterie presque hésitants. Paradoxe des “albums Covid” : leur tonalité souvent introspective qui tranche avec notre présent besoin de boucan et d’espace.
✪✪✪1/2