Des fourmis dans les jambes
Si certains privilégient la tension rock, la douceur folk ou la force des textes, d’autres font le choix du groove et des musiques issues de la soul ou des traditions africaines et latines. Cette tendance est souvent
Avec le second album anglophone de The Buttshakers, on plonge dans un bain revigorant de soul soyeuse et de rhythm’n’blues torride porté par la voix rugissante de Ciara Thompson (une Américaine originaire du Missouri, installée à Lyon) et de la formation cuivrée de cinq musiciens qui lui sert d’écrin depuis douze ans. Rien de forcé, rien d’hésitant, rien de parachuté : aux antipodes de l’exercice de style, tout semble couler de source au fil de dix morceaux originaux qui palpitent d’un groove contagieux et imposent la valeur d’un groupe soudé autour d’une performance vocale digne des plus grands (“Arcadia”, Underdog Records, thebuttshakers.com, distribution Bigwax).
L’aventure solo Bison Chic de l’artiste plasticien normand Alex Grouldinsky est devenue quartette pour donner une ampleur musicale à sa pop mélancolique. Ce premier EP 4 titres intrigue déjà par sa pochette, qui donne un aperçu de l’univers graphique et esthétique qui entoure le projet, mais aussi par le charme insidieux de ces ballades electro, portées par un chant lancinant et attachant qui peut monter en voix de tête pour égrener des textes empreints d’un sentimentalisme nostalgique (“Bison Chic”, Lilie Records/
We Do No Harm, facebook.com/ bisonchic, distribution PIAS).
La création de Same Player Shoot Again se fit autour de la volonté de rendre hommage au guitariste de blues, Freddie King. Ce coup d’essai incita à la persévérance ce septette de musiciens parisiens dont la virtuosité n’est jamais prise en défaut. Trois ans après, il récidive avec cette célébration haut de gamme de l’oeuvre d’Albert King,
“le bulldozer de velours”, dont ils adaptent l’oeuvre d’une manière judicieuse, tout en respectant l’esprit original du chanteur et guitariste américain, au croisement du blues et de la soul musclée de Stax (“Our King Albert”, Five Fishes, facebook.com/ spsamusic, distribution Socadisc).
L’idée du duo formé par Marc Nammour et Loïc Lantoine est née à l’occasion d’un concert de soutien et se concrétise onze plus tard avec cet album. D’un côté, un rappeur qui cultive sa particularité avec son groupe, La Canaille, ou avec Serge Teyssot-Gay, de l’autre un chanteur qui croisa souvent La Rue Ketanou. Portés par la même passion du verbe, ils unissent leurs forces pour croiser leurs styles et leurs influences, et, sur des boucles obsédantes, réaffirment la force d’une poésie rebelle : “Nos chansons ne se chantent pas/ Leurs chansons ne me tentent pas/ Poétique est l’attentat/ Je frappe où l’industrie ne l’attend pas”. (“Fiers Et Tremblants”, Association La Canaille, facebook.com/ lacanaille, distribution L’Autre Distribution).
Depuis vingt ans, le big band marseillais Cumbia Chicharra propulse sa fusion métissée originaire de Colombie sur les scènes internationales. Son quatrième album hispanisant permet de comprendre les raisons de ce succès : les neuf musiciens y délivrent un mélange savoureux de rythmes d’Amérique latine, de dub et d’electro qui met des fourmis dans les jambes et constitue une invitation permanente à la danse et à la transe grâce à un groove irrésistible où les percussions sont relayées par les voix et les cuivres (“El Grito”, Discos La Chicharra/ Music Box Publishing, lacumbiachicharra. com, distribution L’Autre Distribution).
Trio grenoblois, Cherry Pills réunit une chanteuse et ses deux complices. Après avoir défendu leur précédent projet, Cheyenne, il a décidé de faire allégeance à un rock offensif et, à la suite d’un single bien accueilli (“Short It Out”), il bat le fer tant qu’il est chaud avec un album anglophone plein de peps et de fraîcheur. Moins probants quand ils baissent la garde et le tempo, la majorité des dix titres se distinguent par leur aspect pétillant et dansant, dans la lignée d’une réjouissante entrée en matière (“Euphoria”) qui fait plusieurs émules aussi enthousiasmants dans son sillage (“Blackjack”, Underhouse Records, cherry-pills.fr, distribution InOuïe).
Quintette rennais en piste depuis 2016, Moonwise a attendu plusieurs années pour sortir son premier album, après un EP paru l’an dernier. Si les cinq musiciens ont fait leurs premiers pas sur la scène jazz, et en ont conservé la rigueur et quelques beaux éclats, ils s’en sont écartés pour ouvrir largement leur champ d’action à leurs autres influences. Avec l’aide de complices, ils offrent une mixture attrayante qui tient à la fois du trip hop, de l’acid jazz, de l’afro-jazz et de la soul : leurs neuf morceaux originaux et anglophones resplendissent d’un groove moelleux et d’une gouleyante fluidité tant vocale qu’instrumentale (“Common Ground”, Turn Turn Turn Records, https://www.moonwise.fr).
Formé à Bordeaux en 2016, Télégram réunit cinq musiciens de divers groupes (Les Hurlements D’Léo, In Vivo, La Cafetera Roja), avec pour particularité l’intervention d’instruments exotiques, et son second album impressionne par sa force vocale et mélodique. L’ouverture enlevée fonctionne comme un leurre avec son chant fiévreux à la Bertrand Cantat, tout comme la parenthèse chanson française : le groupe révèle toutes ses potentialités et son originalité quand il entremêle les voix, cultive un chanté-parlé insidieux, mixe chanson et hip-hop ou déploie ses charmes pop (“Le Long Des Méridiens”, 10H10, facebook.com/Telegram. officiel, distribution Baco). ■