Rock & Folk

Carré comme une série B urbaine

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Quand votre entourage vous pousse depuis des lustres à regarder des classiques de séries vénérées dans le monde entier

(de “Soprano” à “Game Of Thrones” en passant par “Breaking Bad” et “La Casa De Papel”), on a parfois tendance à faire un peu son rebelle. Surtout que sept ou huit saisons à rattraper pour une seule série, ça prend du temps. Du coup, on se rabat sur des formats plus courts, plus rapides à voir. En espérant que le minimum qualitatif soit sur l’écran. Ce qui est le cas de “VTC”, la nouvelle série made in Canal +. Depuis que les séries sont devenues in auprès du grand public (au détriment du cinéma d’ailleurs), la chaîne cryptée fait davantage d’efforts scénaristi­ques et stylistiqu­es pour que ses production­s ne ressemblen­t plus à la télévision de papa (“Commissair­e Moulin”, “Joséphine Ange Gardien”... c’est loin tout ça). Ce qui est le cas, par exemple, d’ “Hippocrate” et son personnel hospitalie­r au bord de l’implosion ou “Le Bureau Des Légendes” et ses espions constammen­t paranoïaqu­es. Histoire de se reposer les méninges, Canal produit aussi d’autres séries, certes moins ambitieuse­s et plus courtes, mais dont le côté distrayant est plus de mise. Voir récemment la chouette saison 2 de “Validé” de Franck Gastambide, descriptio­n plus ou moins réaliste des coulisses du rap français contempora­in. Une série si addictive qu’on ne peut s’empêcher de la dévorer en deux petites soirées max. Les neuf fois trente minutes de “Validé” équivalant à la durée totale de “Autant En Emporte Le Vent” auquel on rajouterai­t une demi-heure. Avec “VTC”, c’est encore plus bref : huit épisodes de quinze à vingt-cinq minutes.

A peine, au total, la durée d’un long-métrage traditionn­el. On s’accroche donc direct à la longue nuit infernale vécue par Nora, une chauffeuse de VTC enlisée dans les ennuis. Séparée de son compagnon, elle n’a plus le moindre sou et vit dans sa voiture en espérant un jour avoir la garde partagée de sa fillette de neuf ans, sa seule raison de vivre. En acceptant, un soir, de livrer un mystérieux colis à la place de son frère, elle se retrouve entraînée malgré elle dans un trafic douteux. Trafic de quoi ? Elle ne le sait même pas. Le spectateur vit ainsi “VTC” au même rythme étonné et glaçant que Nora. Qui, pour le coup, évite de mourir dans un gunfight, côtoie des badguys machistes et frimeurs et tente de sauver son frère dans la même galère qu’elle. Et ce tout en continuant d’assurer les courses de ses clients (dont certains sont lourdingue­s) et en gérant, entre deux affolement­s, les appels de sa fille qu’elle crève d’envie de revoir. Carré comme une série B urbaine dites “à l’américaine”, “VTC”, grâce aussi à sa courte durée, ne fait jamais dans les temps morts. Les créateurs de la série, Julien Bittner et Sébastien Drouin, jonglant parfaiteme­nt entre les émois de leur héroïne, les superbes plans de coupe nocturnes de Paris et les apparition­s soudaines de personnage­s douteux, dont le plus flippant est interprété par le rappeur Gringe, épatant dans la peau d’une sorte de génie du mal.

Et, bien évidemment, “VTC” repose énormément sur le talent de Golshifteh Farahani, actrice iranienne qui, après avoir fui son pays en 2008, a mené une brillante carrière internatio­nale et éclectique, allant de Ridley Scott (“Mensonges D’Etat”) à Alain Chabat (“Santa & Cie”), son personnage étant un peu l’équivalent féminin de Jamie Foxx dans le très culte “Collateral” de Michael Mann. Un chauffeur de taxi lui aussi obligé de jongler avec le mal pour s’en sortir (en diffusion sur Canal +). ■

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VTC

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