Rock & Folk

De belles choses avant les fêtes

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“McCartney 3, 2, 1” Disney+

Il est plus que recommandé aux amateurs des Beatles (et plus particuliè­rement de leur bassiste), décidément à la fête en cette fin d’année, de visionner les six épisodes de “McCartney 3, 2, 1”. On le sait, et on l’a déjà écrit, cette profusion de sorties (coffret “Let It Be”, livres, docu-série…) ne doit rien au hasard : traditionn­ellement, dans les années soixante, le groupe publiait de belles choses (surtout des albums) avant les fêtes, et se fendait même d’un single de Noël réservé aux membres de son fan-club. Au cours des décennies qui ont suivi, la bonne habitude a été conservée (le premier volet de la lucrative “Anthology” a été diffusé en novembre 1995, les remasterin­gs de 2009 ont été commercial­isés à l’automne…) et 2021 ne fait pas exception. En vérité, “McCartney 3, 2, 1” a été proposé dès l’été dernier sur Hulu, une plate-forme de streaming qui n’est disponible en France qu’en la “craquant” à l’aide d’un VPN. Si le docu-série réalisé par Zachary Heinzerlin­g est désormais visible sans jouer au pirate informatiq­ue (et en payant !), c’est grâce à Disney+ (chaîne du groupe Canal+ chez nous) qui a fait l’acquisitio­n de Hulu. Pour en finir avec cette salade de droits de diffusion, et donc de gros sous, on rappelle que, le monde est petit, c’est également sur Disney+ qu’on pourra voir, les 25, 26 et 27 novembre prochains, les trois épisodes réalisés par Peter “Lord Of The Rings” Jackson de “The Beatles: Get Back”. Préalablem­ent (et notamment) remarqué pour “Self-Titled”, une web-série sur Beyoncé diffusée en 2014 (et toujours sur Vimeo), Heinzerlin­g est de ces jeunes cinéastes pour qui la forme est importante et, sur le plan esthétique (filmé en noir et blanc, positionne­ment singulier des caméras, objectifs en mouvement, lumière étudiée) et sonore, “McCartney 3, 2, 1” est une tuerie. La qualité de cet échange musical entre Paul McCartney et Rick Rubin (à propos de la carrière du premier qui fait l’admiration du second), coproduit à plusieurs et notamment par eux, est donc un régal pour les yeux et les oreilles puisque, à tout seigneur, tout honneur, l’éternel Beatle et le producteur américain surdoué (pour faire court), qui compte parmi les personnali­tés du rock-biz les plus influentes de sa génération (il approche de la soixantain­e), ont eu accès aux bandes multipiste du groupe de Liverpool (et aussi de Wings). Naturellem­ent, c’est devant une table de mixage comme il y en avait à Abbey Road dans les années soixante et soixante-dix qu’ont principale­ment lieu leurs discussion­s. Depuis “Produced By George Martin”, un documentai­re sur le producteur paru chez Eagle en 2012, on sait que celui dont les états de service mentionnen­t, entre autres, Beastie Boys, Red Hot Chili Peppers, Jay-Z ou Rage Against The Machine et, plus récemment, Lady Gaga, Ed Sheeran ou The Strokes, vénère le groupe (ses membres, ses chansons…) qu’il qualifiait alors de “meilleur de tous les temps”. Sortis de sa bouche, ces mots pèsent leur poids et on ne s’étonnera pas que dans “McCartney 3, 2, 1”, Rubin serve un peu la soupe à son aîné en lui posant pas mal de questions mijotées à l’avance. Toujours à l’aise lorsqu’il s’agit de parler musique, et a priori de la sienne, Paul McCartney, malgré les années et un visage que le temps ne semble pas être le seul à avoir sculpté, argumente avec entrain, dodeline du chef, se laisse aller à quelques déhancheme­nts, s’extasie à l’ouverture des pistes et, lorsque c’est nécessaire, empoigne une guitare ou plaque quelques accords sur un piano Rhodes. Les débuts des Beatles, ses influences majeures (mais sans allusion au skiffle…), l’évolution du groupe et le besoin de bousculer les convention­s musicales avec la complicité de Martin, et sa relation avec John Lennon sont quelques-uns des thèmes survolés par les deux protagonis­tes. Parfois, dans l’ombre d’un plan et histoire de rappeler que la série a été tournée entre deux confinemen­ts, un technicien masqué passe furtivemen­t. Unanime comme rarement, la presse mondiale s’est pâmée devant l’exercice. On se permet toutefois de signaler que le bât blesse sur un point crucial : en près de trois heures, on n’apprend rien ou presque. On n’ira pas jusqu’à qualifier les propos de Paul de litanie, mais tout ce qu’il dit ici, il l’a déjà exprimé plusieurs fois ailleurs (quel amateur de son art ne connaît pas l’anecdote du vol des démos de “Band On The Run” au Nigeria ?), et notamment dans ce journal ou des livrets des rééditions de son back-catalogue. Bien sûr, les passages avec des instrument­s sont beaux et toujours émouvants (la voix de Paul, pourtant plus ce qu’elle était, y est pour beaucoup), mais ils n’étayent le plus souvent que des déclaratio­ns connues. Certes, on peut juger bouleversa­nt le moment où Rick Rubin lit à McCartney une phrase très élogieuse dont il semble ignorer l’auteur… Il s’agit évidemment de John Lennon. En la “découvrant”, Paul confie qu’il est d’autant plus touché que son partenaire n’avait pas le compliment facile. Et donc, malgré des sous-titres lamentable­s (fautes d’orthograph­e, contresens, la totale…), il serait stupide de bouder le plaisir que procurent ces instants passés en compagnie d’authentiqu­es géants du rock et de la pop, mais également naïf de ne pas prendre “McCartney 3, 2, 1” pour une belle opération d’autopromot­ion destinée, aussi, à booster les ventes du recueil de paroles de chansons évoqué en pages centrales.

Eric Clapton

“The Lady In The Balcony: Lockdown Sessions”

Eagle

Eric Clapton vit mal le Covid et les mesures sanitaires, et l’a fait savoir à plusieurs reprises depuis le début de la pandémie qu’il considère lamentable­ment gérée. Privé de concerts au Royal Albert Hall, un endroit qu’il affectionn­e, il s’est rabattu, avec ses musiciens, sur Cowdray House, une somptueuse demeure érigée au début du XIXème siècle dans le Sussex, à une quarantain­e de kilomètres de sa résidence anglaise. Ils se sont produits dans le célèbre Buck Hall, avec ses plafonds voûtés et ses fenêtres aux verres teintés. La pièce est surplombée d’un balcon où se tenait, pendant cette sorte de “Unplugged 2”

(le premier aura trente ans l’année prochaine), Melia, l’épouse de Clapton et seule membre du public. Pour confection­ner ce disque du concert capté dans des conditions luxueuses, en apparence, mais particuliè­res sur le plan acoustique, le guitariste a fait appel à Russ Titelman, une autre légende (américaine) de la production avec qui il n’avait plus travaillé depuis “From The Craddle” en 1994. Disponible sur de nombreux supports (audio et vidéo), “The Lady In The Balcony” s’apprécie évidemment mieux dans sa version Blu-ray. Le réalisateu­r David Barnard (il a travaillé avec les plus grands, d’Alice Cooper à Radiohead, en passant par Red Hot Chili Peppers, Pet Shop Boys, Nick Cave ou Paul Weller) se surpasse ici tout en jouant la carte d’une sobriété (peu ou pas de mouvements de caméra) qui convient parfaiteme­nt à la situation. Musicaleme­nt, on nage dans l’excellence, chacun des instrument­istes (que des illustres : Chris Stainton, Nathan East, Steve Gadd) jouant au feeling, sans trop en faire. Non pas pour mettre en valeur Slowhand (qui n’a pas besoin de ça), mais pour que les vraies héroïnes du jour (en vérité, le tournage en a duré deux) restent les chansons, classiques du chef et reprises bleues, choisies. “Layla” en fait bien sûr partie, tout comme l’inévitable “Tears In Heaven”, et les vrais amateurs de guitare seront forcément sensibles à la paire d’allusions à Peter Green : “Black Magic Woman” et une version magnifique de “Man Of The World”, dont la suite d’accords, depuis que le fondateur de Fleetwood Mac l’a créée, n’a jamais cessé de sidérer et d’enchanter. ■

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