L’underground helvète
Symbole de la répression policière, le massacre de Charonne du 17 octobre 1961 aura inspiré des chansonniers engagés comme Renaud, Juliette Gréco, et Leny Escudero.
Pour son soixantième anniversaire, il est l’un des points de départ du roman graphique “Elise Et Les Nouveaux Partisans” (Delcourt) de Tardi et Dominique Grange. A travers le personnage pas si fictif d’Elise, Dominique Grange revient sur son engagement politique en passant en revue vingt années de relations houleuses entre l’extrême-gauche et la Vème République. En 1958, Elise/ Dominique a dix-huit ans, des velléités de chanteuse et, déjà, une opposition farouche envers la guerre d’Algérie. Mélange détonnant pour la jeunesse, ce cocktail l’aiguille vers un militantisme où la lutte armée est une forme d’aboutissement personnel. Brûlée au visage par l’explosion prématurée d’un cocktail Molotov, elle découvre que le mélange de produits chimiques n’est pas forcément le meilleur ami des camarades.
Avant Internet, la photographie a été longtemps l’un des moyens les plus efficaces pour populariser les choses. Ainsi, dans le cas de la musique du diable, Bob Gruen,
Mick Rock, Annie Leibovitz ou Guy Ferrandis ont été parmi ses artisans les plus talentueux. Avec “Photographix” (Dunod Graphic), Vincent Burgeon revient sur l’histoire de cette invention qui a tout simplement changé la face de l’information. Chronologie encyclopédique contée non sans humour, l’ouvrage rappelle le rôle joué par la photo pour donner une identité aux artistes. Parallèlement à cette popularisation des individus, la photographie amène aussi de nouvelles idées de design. Grâce à son utilisation par la presse, elle devient même la principale source d’information. Sans elle, le “Guernica” de Picasso n’aurait pas eu le même impact sur l’opinion publique. En fait, c’est une révolution.
Prévue en trois volumes, cette première partie de “Brel, Une Vie A Mille Temps” (Glénat) détaille les années 1947 à 1959 avec la précision d’un scalpel tenu par le scénariste Salva Rubio dans le rôle du neurochirurgien. Dans une Belgique d’après-guerre retrouvant enfin l’insouciance, le futur Grand Jacques se retrouve à vendre du carton ondulé dans l’usine familiale. Autant dire tout de suite qu’à ce moment de l’histoire, son avenir est à l’image du “plat pays qui est le sien”.
A force de patience et de subterfuges, il finit par faire plier son père. A peine débarqué à Paris, Brel comprend très vite que son physique n’est pas d’une grande aide pour lui ouvrir les portes du succès. Joliment illustrée par Sagar, cette mise en bouche résume bien les difficultés rencontrées par l’artiste à ses débuts.
Figure de l’underground helvète, Helge Reumann est un dessinateur adepte de la case muette la plupart du temps. Avec “Totale Resistance” (Atrabile), l’auteur propose une vingtaine de récits courts parus dans différentes publications suisses. Pour l’occasion, les planches sont imprimées en grand format. De cette façon, le lecteur appréciera mieux les nombreux détails absurdes qui parsèment les cases. Amateur de musique metal, Reumann ne peut dessiner que dans une pièce où la sono est à onze. Le résultat est un univers post-apocalyptique constitué d’un mélange à parts égales de paysages bucoliques et de personnages à la tête disproportionnée ou proches du cornichon géant. Entre “Le Bunker De La Dernière Rafale” de Caro et Jeunet et une version de “L’Enfer” de Dante à la campagne, les univers proposés par le dessinateur ne sont guère éloignés du pogo tant le défoulement est aussi salutaire que violent. L’ouvrage sera donc fortement recommandé aux âmes sensibles qui souhaitent manger autre chose que du yaourt. ■