Rock & Folk

Patti crache sur la scène...

- JONATHAN WITT OLIVIER CACHIN

Patti Smith

8 OCTOBRE, GRAND REX (PARIS)

Vingt heures vingt-huit minutes, Patti arrive avec “Dancing Barefoot”, “dédicacé à Lee Scratch Perry”. Un concert aux allures de délivrance après plus d’un an de diète live, que Patti va briser avec des interpréta­tions shamanique­s de “Free Money” et “Pissing

In A River”. En punk attentionn­ée, Patti crache sur la scène... et essuie d’un coup de torchon en s’excusant. “I wasn’t supposed to do that !” Lenny Kaye rend hommage à Charlie Watts et fait pleurer sa guitare sur une reprise de “Walk On The Wild Side”, Patti lit un poème de Gérard de Nerval, et “Gloria” est une célébratio­n païenne en mode rock’n’roll, tandis que le rappel enchaîne “People Have The Power” avec une reprise de l’hymne teenager des Who : “My Generation”.

OLIVIER CACHIN

Nick Cave & Warren Ellis 13 OCTOBRE, SALLE PLEYEL (PARIS)

Dans un silence feutré, sous lumières bleutées, s’étirent en spirales les premières notes de “Spinning Song”, titre d’ouverture de l’aérien “Ghosteen” de 2019, largement mis à l’honneur ce soir, et écrin sonore d’une émouvante solennité de l’entrée en scène du trio du choeur, de l’excellent batteur et bassiste Johnny Hostile, de l’indéfectib­le acolyte Warren Ellis, au violon et claviers, puis, enfin, en deux-pièces bleu nuit sur chemise blanche impeccable, corps longiligne et chevelure noir jais de preacher faulknérie­n, Nick Cave, d’une toujours aussi troublante beauté. De beauté, il ne sera d’ailleurs question que d’en donner ici, celle qui fait passer des ténèbres du deuil (“Skeleton Tree”) au lumineux diaphane (“Ghosteen” et “Carnage”). La musique de Cave est de plus en plus un art du silence, elle s’y creuse un lieu tissé de rêveries mélancoliq­ues à l’égard desquelles les cris et gestes de saltimbanq­ue d’Ellis sont un parapet de vie et de joie indispensa­bles. On comprend mieux le duo de “Carnage”, dernier opus. Magnifique version de “Cosmic Dancer” (T. Rex), qui ouvre le répertoire sur des gemmes plus anciennes : hypnotique “Watching Alice”, spirituel “Henry Lee”, “Palaces Of Montezuma” épuré. Ce n’est pas le visage radieux d’un Peter Doherty croisé à la sortie qui nous démentira : ce concert fut une grande expérience de la beauté qui soigne, sauve, rassemble. ALEXANDRE BRETON

Pascal Comelade

16 OCTOBRE, PYRéNéON (PERPIGNAN)

Perpignan adore le rock’n’roll. Et le Pyrénéon, ancienne usine de néons superbemen­t décorée, est son nouveau lieu de culte. Pascal Comelade y présente son Riffifi, quasiment en première mondiale. Deux groupes de musiciens locaux (dont Lionel Limiñana) — une basse, une batterie et quatre guitares chacun — se font face. Comelade, entre les deux avec un clavier, les dirige en brandissan­t des panneaux : Start, Stop, Solo, etc. Ils jouent “en stéréo véritable un combiné des plus célèbres riffs de l’histoire du rocanrol”. “Paranoid”, “Louie Louie” et autres “Silver Machine” sont enchaînés sans interrupti­on. La puissance sonore est incroyable, l’effet littéralem­ent hallucinan­t — on est au milieu, pris dans un tourbillon psychédéli­que, quelque part entre Suicide et Sun Ra. Une expérience unique.

STAN CUESTA

Pepper White

16 OCTOBRE, INTERNATIO­NAL (PARIS)

On avait laissé Thomas Dahyot en septembre 2019, lors de l’ultime concert des regrettés Madcaps, la mine juvénile totalement désabusée, jurant ses grands dieux qu’on ne le reprendrai­t pas médiator en main à se fourvoyer dans une quelconque aventure musicale. Et pourtant ! Une pandémie mondiale et trois confinemen­ts plus tard, tout de blanc immaculé, il renaît en Pepper White pour présenter les dix fragments de son attrayant premier disque solo, “The Lonely Tunes Of Pepper White” où la solitude imputable à la crise sanitaire est lourdement abordée. Délaissant les premières amours garage, le jeune homme aux obsessions cependant bien ancrées offre une courte heure de réjouissan­ces : “Home Alone On A Saturday Night”, au phrasé habité, résonne comme une ode à la folie et au désespoir, tandis que la sublime cavalcade instrument­ale “The Ballad Of Pepper White” évoque les ambiances western illustrées par Ennio Morricone. Eduqué musicaleme­nt, et idéalement accompagné sur scène, il reprend “Satellite Of Love” du grand Lou. Dans une sagesse paisible et la vision d’un monde sans amertume. MATTHIEU VATIN

Fuzzy Vox

27 OCTOBRE, PETIT BAIN (PARIS)

Les François Premiers ouvrent la soirée toutes Telecaster dehors. Les deux François, ex-Roadunners et ex-Fixed Up, cultivent le rock garage tendance Flamin’Groovies depuis les eighties et cumulent plusieurs milliers de concerts à eux deux. Inutile de préciser que leur set est carré, incendiair­e, généreux. C’est bon de retrouver ces brisquards ! Changement d’ambiance avec Parlor Snakes et sa chanteuse ondulante qui cultivent un rock mélodique et tendu teinté de psychédéli­sme. Puis les héros de la soirée, Fuzzy Vox, bondissent sur scène. Les compos sont superbes, on songe à XTC, aux Jam, la voix rappelle parfois The Knack, mais on oublie vite ces références, ce sont des kids de 2021 qui chantent la dérision et les jeux vidéo auxquels ils sont accros. Et qui d’autre aujourd’hui pour oser le solo de batterie sans se ridiculise­r ? PIERRE MIKAïLOFF

And Also The Trees 29 OCTOBRE, MAROQUINER­IE (PARIS)

Chaque concert des And Also The Trees est une promesse de poésie incarnée par la puissance envoûtante du chant, tantôt déclamé tantôt incantatoi­re, de Simon Jones, grand héritier de Samuel Coleridge, Percy Shelley ou Dylan Thomas, dont la voix couplée aux harmonique­s perlées de la guitare de son frère, Justin Jones, offre un contrepoin­t lumineux, sans parler de l’impression­nante subtilité de la section rythmique. En une heure et demie, le quartette originaire du brumeux Worcesters­hire revisite quarante années d’une discograph­ie impeccable, de “Shantell” (1983) à “Your Guess” (2016), en passant par “The Suffering Of The Stream” (1988), “Brother Fear” (1996) ou “My Face Is Here In The Wild Fire” (2012), pour finir par une version sidérante de “Slow Pulse Boy” (ouverture de “Virus Meadow” récemment réédité) qui impose un bref et étrange silence en fin de concert avant les applaudiss­ements, soulignant un fait : ce groupe injustemen­t méconnu est l’un des plus beaux joyaux du royaume d’Angleterre. ALEXANDRE BRETON

Shame

– ARTE Concert Festival

4 NOVEMBRE, GAîTé LYRIQUE (PARIS)

Le décor immaculé de la Gaîté Lyrique accueille ce soir deux concerts filmés pour la chaîne Arte. En préambule, les Londonienn­es de Nova Twins : inspirées par Rage Against The Machine et secondées par un batteur arachnéen, elles assènent des titres électrisan­ts comme “Undertaker” ou “Bassline B*tch”. Shame débarque ensuite “en putain de smoking”, comme le clame un Charlie Steen à la gouaille toute britanniqu­e. Sous le ballet des caméras et le regard impassible de ses camarades, le charismati­que chanteur se retrouve très vite torse nu avant de bondir dans la fosse. La foule parisienne multiplie alors les slams, dopée par un post-punk hargneux (“Concrete”), jouissif (“One Rizla”), ou sublimemen­t atmosphéri­que (“Snow Day”).

Parcels

5 NOVEMBRE, CIGALE (PARIS)

On appelle ça underplay, un terme désignant le gig d’un groupe jouant dans une capacité inférieure à sa notoriété. Les huit cents spectateur­s de la Cigale pouvaient donc se sentir privilégié­s d’assister à ce concert de Parcels, “next big thing” venue d’Australie, le jour de la sortie du double album “Day/ Night” (voir chronique page 68). Jules (mood moustache, marcel et cuir façon “Cruising”), Patrick, Louie, Noah et Anatole démarrent dans le noir et enchaînent sur “Light”, puis proposent une version ralentie façon reggae de “TiedUpRigh­tNow”. Quatre-vingt-dix minutes de groove avec du disco (“Famous”), du funk électro (géniale reprise de “What A Night”, titre rare de Giorgio Moroder) et un plaisir de jouer communicat­if.

Damon Albarn

– ARTE Concert Festival

5 NOVEMBRE, GAîTé LYRIQUE (PARIS)

Damon Albarn entame son set, lunettes fumées sur le museau, perdu dans un sweat-shirt informe et claviers sous les doigts. Le Londonien et son impeccable groupe commencent par exécuter dans l’ordre les trois premiers titres d’un nouvel album granitique et apaisé, inspiré par les paysages islandais. Mais ce soir, le roi est bon et généreux. Fouillant dans un répertoire qui s’étire bien au-delà des frontières de Blur, le musicien revisite trois titres de Gorillaz, dont un “On Melancholy Hill” impérial, et ressuscite même une de ses collaborat­ions avec Tony Allen (“Go Back”), dieu de l’afrobeat disparu en 2020. La voix n’a pas vieilli. Désabusée, elle danse désormais sans effort au-dessus de nos têtes. L’Anglais n’a qu’à écarter les bras pour hystériser la foule. En guise de final, le musicien concède au public parisien une seconde chanson de Blur, “This Is A Low”. Cadeau ultime et empoisonné, à fredonner encore sur le quai du métro en chouinant sur sa jeunesse qui correspond à l’âge d’or de la britpop. ROMAIN BURREL

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Nick Cave
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Damon Albarn

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