Lavilliers
“Sous Un Soleil Enorme”
Premier motif de satisfaction : le baroudeur de la chanson française n’a rien perdu de ses capacités vocales, bien au contraire. Il fait partie de ces exceptions dont la voix s’est bonifiée avec le temps : son chant velouté, chaleureux, profond et nuancé contribue pour beaucoup au charme des mélodies et des ambiances qui parent ses morceaux. Seconde raison pour plébisciter son nouvel album qui s’inscrit dans la lignée des précédents : son assimilation de toutes ces musiques venues des quatre coins du monde et avec lesquelles il est beaucoup plus crédible et pertinent que lorsqu’il jouait les rockers dans les années quatre-vingt. Ces musiques moelleuses conviennent parfaitement à des textes acérés mais nimbés de nostalgie, à l’instar de l’introduction du disque (“Le Coeur Du Monde”) qui constitue un constat désabusé de la mondialisation. Heureusement, il n’abuse pas de charges politiques que leur facilité rend agaçantes : “Le Président est sur les dents/ Et malgré tout il ment, dément effrontément” (“Beautiful Days”). Il se rattrape avec des ballades dépouillées (“L’Ailleurs”, “Je Tiens D’Elle”), et n’est jamais meilleur que lorsqu’il célèbre le voyage et concocte de petites cartes postales sonores où l’exotisme ne cache pas les réalités sociales : “Les Portenos Sont Fatigués” et “Le Piéton De Buenos Aires”. Et, anticipant peut-être ce qui serait la réhabilitation justifiée de notre meilleur chanteur folk des années soixante et soixante-dix, Graeme Allwright, il reprend l’une de ses adaptations futées, celle de “Davy Moore”, de Bob Dylan : il opte pour la manière chorale en invitant pour l’occasion Gaëtan Roussel, Izia et Eric Cantona, et la surprise n’en est que plus convaincante. ✪✪✪