Une image de ringards en jeans moule-burnes
Rééditions, nouveautés et 45 tours : le point sur les meilleurs microsillons du moment.
Rééditions
The Black Keys
“El Camino” Warner
Il y a dix ans, les Black Keys réalisaient un des braquages les plus improbables de mémoire récente. Les deux mecs austères qui faisaient du blues rêche au début des années 2000, sont devenus le plus grand groupe rock du monde avec “El Camino”, successeur testostéroné de “Brothers” qui les avait placés en orbite. Album fun gavé de tubes (“Lonely Boy”, “Gold On The Ceiling”) aussi acceptables pour les kids en quête de frissons rock que pour leurs darons toujours scotchés sur Led Zeppelin, le disque a aidé à redéfinir le concept de classic rock pour les années 2010. Le retour en vinyle de cet album se fait dans un package robuste et contient trois disques, dont deux bonus qui permettent d’écouter la version live du groupe à l’époque, avec un concert enregistré à Portland et une longue (et magnifique) session saisie à la BBC.
Nirvana
“Nevermind” Geffen/ Sub Pop
Trente ans après sa sortie, “Nevermind” est plus que jamais un des monuments du rock du vingtième siècle. S’il est réédité sous divers formats plus ou moins riches en bonus, l’album bénéficie pour sa version vinyle d’un traitement idéal : remasterisation de rigueur à partir des bandes d’origine, jolie pochette (non censurée malgré l’absurde campagne du modèle) qui s’ouvre façon livret, et dans laquelle on trouve un 45 tours bonus contenant les faces B de l’époque (“Even In His Youth”, “Aneurysm”, issues de “Smells Like Teen Spirit” et “Endless, Nameless”, tirée de “Come
As You Are”). Une belle façon d’écouter ces titres, certes mineurs, mais liés à l’histoire de ce chef-d’oeuvre, pour une réédition exemplaire.
Status Quo
“Masters Collection (The Pye Years)” Music On Vinyl
Groupe emblématique des années 1970 avec son hard rock carburant au boogie, Status Quo trimballe depuis cinquante ans une image de ringards en jeans moule-burnes. Ce double vinyle documente les débuts modestes de ce groupe immensément populaire outre-Manche, par le versant sixties. La première face propose des titres des Spectres et Traffic Jam, premières incarnations beat du groupe (avec notamment une belle reprise du
“We Ain’t Got Nothing Yet” des Blues Magoos), puis la face B présente la formidable période psychédélique du groupe (1967-1968) avec ses classiques (“Pictures Of Matchstick Men”, “Ice In The Sun”), avant un deuxième disque qui met l’accent sur la mue heavy du groupe. Bref, c’est Status Quo à son plus pop et à son meilleur, si on préfère les délires multicolores des années soixante au boogie de stade de la décennie suivante, ça va de soi.
The West Coast Pop Art Experimental Band
“Vol 3 A Child’s Guide To Good & Evil”
Music On Vinyl
Jamais cité dans les anthologies, souvent raillé pour son nom à rallonge et sa genèse problématique (un jeune groupe californien est sponsorisé par un riche héritier à condition que ce dernier devienne membre et leader du groupe), The West Coast Pop Art Experimental Band est pourtant une bonne adresse que se refilent les amateurs de chansons pop parées d’arrangements psychédéliques singuliers. Des touches de sitar de-ci de-là (“Ritual#1”), une fuzz qui vrombit superbement (“In The Country”), des harmonies hantées : leur troisième album chez Reprise est une réussite, et le son du groupe a bien mieux vieilli que nombre de ses contemporains. Il mérite l’achat, ne serait-ce pour la pochette emblématique de Jon Van Hamersveld.
Gérard Manset
“La Mort D’Orion” Parlophone
C’est le chef-d’oeuvre de Gérard Manset, sa marque dans l’histoire de la musique pop française. Pendant longtemps, le poème symphonique de ce musicien qui exerce son art à la marge des médias a été indisponible en vinyle. Or, depuis 2016 et “Mansetlandia”, la réédition CD de dix-neuf de ses albums, Manset semble enfin ouvert à revisiter son passé, même s’il n’hésite pas à refaire l’histoire et à écarter les morceaux qui ne lui plaisent plus aujourd’hui. “La Mort D’Orion” revient heureusement sous sa forme initiale, remasterisé à partir des bandes originales. Ce disque de pop progressive aux violons intrigants (“Vivent Les Hommes”) demeure aussi fascinant aujourd’hui qu’à sa sortie. Il était grand temps qu’il soit à nouveau disponible afin que les nouvelles générations puissent s’en saisir et s’en inspirer. Et tant qu’à faire, on aimerait aussi que le premier album de l’artiste (renié par son concepteur !) bénéficie du même traitement.
Pink Floyd
“A Momentary Lapse Of Reason”
Pink Floyd
Alors qu’il avait déjà fait son retour en vinyle dans le cadre des rééditions du catalogue de Pink Floyd en 2016, “A Momentary Lapse Of Reason” revient dans une version “remixed & updated”. Sorti en 1987, le premier disque de Pink Floyd post-Roger Waters n’a jamais été un grand disque, et on sent ici le désir de sauver cet album avec un nouveau mix plus aéré, une gravure à demi-vitesse qui flatte les audiophiles et un packaging superbe avec un beau livret. Malheureusement, tout cela ne parvient pas à sauver des chansons telles que “One Slip” ou “Learning To Fly” de la médiocrité. Cette réédition, si réussie soit-elle, reste un objet pour complétistes, et on préférerait que le groupe se penche sur le cas “Animals”, à vrai dire.
Nouveautés
Elastic Heads
“Elastic Heads” Echo Canyon
On le sait depuis quelques années, Charles Rowell, du duo américain
Crocodiles, est francophile. Alors qu’il résidait à Lyon, il s’est associé à trois membres des excellents Horsebites pour fonder Elastic Heads, groupe garage-punk qui se réclame des Wipers et Hex Dispensers. A l’écoute, on pense à Brimstone Howl, pour l’énergie punk associée aux racines bluesy (sous influence Gun Club, comme sur “Dream Escape”) et un sens mélodique certain (“Mohair”), le tout baignant dans une distorsion de tous les instants. C’est rapide, débridé, ça fait du bien.
Wangs
“Halloween Party” Banana Juice
Un peu de surf music pour conclure l’année ! Les Wangs ont été les fers de lance de ce mouvement musical en France au tournant des années 1990-2000, et voici qu’un excellent live enregistré lors de leur passage à Rennes le soir d’Halloween de l’an 2000 refait surface. Enregistré à L’Ubu, c’est un disque fun, dansant, idéal pour se déhancher en fin d’année après quelques coupes de champagne.
45 tours
Ghost Woman
“Last Echo’s” Full Time Hobby
Il s’appelle Evan Uschenko et vient d’Alberta, en Arizona. Sur son premier EP sous le nom de Ghost Woman, il envoie trois morceaux nerveux entre freakbeat (“Dead & Gone”) et punk garage (“Demons”) qui devraient plaire aux amateurs d’étrangetés psychédéliques. Un album est annoncé pour 2022.
Wet Leg
“Chaise Longue” Domino
C’est le single qui fait le buzz, par le groupe le plus cool du moment. Les Anglaises de Wet Leg ont fait exploser les compteurs YouTube avec “Chaise Longue”, hymne post-punk aux paroles salaces. Il n’en manquait plus que la manifestation physique sur 45 tours. Single de l’année, haut la main ! 2022 leur appartient déjà. ■