Une fine brochette
Le premier problème qui se pose à tout adepte de l’autoproduction est celui du financement. Si les frais d’enregistrement peuvent être réduits grâce aux home-studios, les frais d’impression des CD sont incompressibles. Beaucoup cassent leur tirelire ou font appel à leurs connaissances,
Originaires de l’Oise, les Stubborn Trees étaient originellement un duo formé par une batteuse et un guitariste-chanteur, avant de s’étoffer pour devenir un quartette placé sous l’influence revendiquée d’un rock alternatif qui plonge ses racines du côté de Nirvana et des Pixies. Après un single introductif en 2020, ce nouvel EP prend de l’ampleur puisqu’il regroupe huit titres anglophones. L’équilibre est maintenu entre volonté d’en découdre, à grand renfort de guitares intenses, de vocaux musclés ou de rythmiques sous tension, et ambitions mélodiques avec des harmonies pop qui viennent égayer les charges convulsives (“Roots”, Stubborn Trees, stubborntrees.com).
Basé sur l’île d’Oléron, Archi Deep a vu le jour en 2017, quand le groupe Archi Deep And The Monkeyshakers s’est réduit pour devenir un duo, le chanteur-guitariste-auteur-compositeur au centre du projet (et responsable de l’enregistrement et du mixage) n’étant plus accompagné que par un batteur. Après deux EP, le premier album donne la mesure d’une power pop qui apprécie les charges impulsives (“Speak”) mais sait aussi calmer le jeu pour explorer des climats apaisés (“Don’t Look Back”) ou suggestifs (“At Least You Liked It Like That”), au fil de quinze morceaux anglophones portés par des mélodies variées et une voix au registre étendu (“Lightning Concept”, archideep.com).
Au départ, en 2014, Monokini était une récréation pour ses cinq membres qui évoluaient entre Paris, Nantes et Amiens : musiciens officiant dans d’autres formations, ils prenaient plaisir à célébrer les pétulantes années yé-yé avec des morceaux choisis des années soixante francophones. Et puis ils se sont pris au jeu, d’où ce premier EP six titres à partir de leurs propres compositions. Le parti pris vintage s’appuie sur une solide maîtrise musicale et sur la grâce naïve de réussites comme “Quand C’Est Non, C’Est Non” et ses effluves surf, ou “Le Temps Du Rock’n’Roll” qui évoque irrésistiblement les premiers essais de Françoise Hardy (“Merci Bisous”, Sire Bernard Productions, facebook. com/MonokiniOfficiel, distribution Idol).
Originaire de Marseille mais résidant à Nancy, Mister Fuzzy B est un exemple accompli d’homme-orchestre doublé d’un adepte du home-studio. Après avoir fait ses armes au sein de groupes pendant dix ans, notamment avec le cover band “Thy’re Red Hot” (qui a beaucoup tourné), il s’est lancé en solo et a autoproduit son premier album en 2018. Pour son nouvel essai anglophone, il plonge du côté de la power pop des années quatre-vingt-dix en ne comptant que sur luimême : il chante, joue des guitares et de la basse, programme ses batteries, enregistre, mixe et masterise. Et le résultat ne manque pas de panache entre climats nébuleux, guitares habitées et voix assurée (“Pain & Euphoria”, M&O Music, misterfuzzyb. com, distribution Differ-Ant / Believe).
mais il existe une autre possibilité : trouver des donateurs via un site participatif. Cette stratégie fait de plus en plus d’émules et ce mois-ci, plusieurs des huit sélectionnés (sur les trentetrois arrivages à la rédaction) ont ainsi obtenu les fonds nécessaires grâce au site Ulule.
Sous le nom de Sweet Gum Tree officie depuis plus de dix ans le multiinstrumentiste angevin Arno Sojo, qui a acquis une renommée internationale et collaboré avec des musiciens de The Church et REM. Pour son nouvel album anglophone, il s’est entouré d’une fine brochette de cinq complices, parmi lesquels le batteur de Tindersticks et le saxophone de Zenzile. Ses dix compositions s’illustrent par leur élégance et leur musicalité, par leur cheminement entre un rock romantique et une pop atmosphérique, et par leur coloration psyché avec l’intervention d’un mellotron ou d’une cithare (“Silvatica”, Cargo Records / Dreamy Bird / Microcultures, facebook.com/ SweetGumTree, distribution Kuroneko).
Echaudé par le nom clownesque du duo Les Duponts Electriques (basé du côté de Toulouse), on ne prend son second album qu’avec des pincettes, et la surprise de l’écoute n’en est que plus agréable. Là où l’on redoutait gros gags et calembours, on rencontre mélodies addictives, humour décalé et références qui font mouche : Robert Wyatt, Syd Barret, Serge Gainsbourg, ou encore Frank Zappa à qui est dédié un morceau. Les onze chansons concises peaufinent un pop-rock psyché résolument francophone, et la voix désabusée narre des textes caustiques d’une fantaisie débridée. Comme quoi le délire et la grâce peuvent faire bon ménage
(“Les Duponts Electriques”, Willing Productions, lesdupontselectriques.fr).
Quintette parisien en piste depuis 2013, Penny Was Right a fait allégeance à un punk rock teinté de pop, dans la lignée de Offspring ou Blink-182 qui figurent en bonne place dans son Panthéon musical depuis l’adolescence. Après un changement de batteur, ce second album anglophone cultive cette énergie originelle en refusant les artifices et ajouts technologiques pour rester focalisé sur un son brut et immédiat qui fait la part belle aux rythmiques entraînantes et à la voix offensive de la chanteuse, mais qui n’oublie pas de soigner les mélodies et de concocter des refrains entêtants (“Happy Machine”, Upstartz Records, pennywasright.com).
Projet hors-normes, Schvédranne Meets Jack Hirschman offre une plongée dans l’oeuvre de Jack Hirschman, poète américain de la beat generation qui a côtoyé Walt Whitman, Allen Ginsberg et Jim Morrison. Le producteur et multiinstrumentiste lyonnais Schvédranne l’avait rencontré avant son décès pour travailler avec lui sur cet album-concept qui retrace les grandes étapes de sa vie et dont la force réside dans son caractère transculturel et transgénérationnel : les textes sont baignés de musiques variées, entre blues, electro et influences latino, et la voix rauque du poète en VO est jouxtée à celle d’interprètes plus jeunes qui en proposent des traductions en français (“Vanity Vanity All Is Vanity”, Jarring Effects/ Salamah Productions, distribution L’Autre Production). ■