Rock & Folk

KIEFER SUTHERLAND

Quand l’acteur décroche son téléphone, quelque part en Californie, sa voix évoque instantané­ment celle de Jack Bauer, le héros qui a vécu mille vies en neuf fois “24 Heures”, série culte de 204 épisodes qui traumatisa la France lors de sa première diffusi

- RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN

KIEFER SUTHERLAND NE PARLE PAS À ROCK&FOLK POUR PROMOUVOIR UNE NOUVELLE FICTION, mais son troisième album de chansons, qu’il aurait dû faire découvrir en live au Café de la Danse, à Paris, en janvier dernier, mais covid oblige, c’est partie remise. Après “Down In A Hole” et “Reckless & Me”, deux disques en mode country, Kiefer fait désormais dans une americana détendue, comme en témoigne “Bloor Street”, produit par Chris Lord-Alge, sur lequel on trouve quelques belles envolées comme le très réussi “County Jail Gate”. L’acteur (re)devenu chanteur démarre sa journée promo avec nous.

Ça sentait la marijuana partout

ROCK&FOLK : Quelle a été votre motivation pour franchir le Rubicon et devenir chanteur ?

Kiefer Sutherland : J’ai d’abord enregistré quelques trucs avec mon vieux pote Jude Cole (ancien guitariste de Moon Martin devenu artiste solo, et cofondateu­r d’Ironworks Records avec Kiefer, ndr), et j’ai bien aimé les chansons qu’on a faites ensemble. Alors, on en a écrit d’autres. Et du coup, bien que je sache ce que les gens pensent d’un acteur qui se met à chanter, j’ai voulu que ça sorte parce que j’avais des envies de scène, et je me suis dit que je jouerai pour ceux que ça intéresse. De fil en aiguille, j’en suis arrivé à ce troisième album, “Bloor Street”. Et je suis tellement déçu d’avoir dû annuler ma date parisienne, j’en rêvais depuis près d’un an et demi, l’album a été repoussé de plusieurs mois pour ça, mais on reviendra. Triste époque pour le live.

R&F : Vous aimez raconter des histoires en chanson… Kiefer Sutherland : J’aime la musique avec un contenu émotionnel, les récits à la première personne. Et j’aime le storytelli­ng avec un début, un milieu et une fin. C’est ce qui me plaît dans la country, cette palette d’émotions humaines.

R&F : Premier disque acheté ?

Kiefer Sutherland : C’était un 45 tours, “Hollywood Nights” de Bob Seger And The Silver Bullet Band en 1978. Mon père (l’acteur Donald Sutherland, ndr) écoutait du rock, Fleetwood Mac, Eagles, Linda Ronstadt. Ça n’est pas tant que mes parents écoutaient une autre musique que moi, mais ils la comprenaie­nt différemme­nt. Et comme tous les teenagers, je m’imaginais que ce que je ressentais était tellement nouveau et différent comparé à ce qu’avaient vécu mes parents !

R&F : Votre premier concert ?

Kiefer Sutherland : C’était avec mon pote Steven Barker, un concert de Styx au Maple Leaf Gardens, une Arena mythique de Toronto, au Canada. Ils venaient de sortir l’album “Pieces Of Eight” avec leur gros single “Renegade”. Le premier truc qui m’a marqué, c’est que ça sentait la marijuana partout et que ça ne posait de problème à personne ! J’avais onze ans et j’ai trouvé le show génial, j’étais aux anges. En plus, leur lead singer-guitariste Tommy Shaw devait avoir dix-neuf ou vingt ans (vingt-cinq en fait, ndr), et j’étais stupéfait de voir un mec si jeune être une star, jouer et chanter aussi bien.

R&F : Gamin, vous rêviez d’être musicien ?

Kiefer Sutherland : Non, ça ne m’a pas traversé l’esprit, à part dans mon imaginatio­n. Quand j’allais me coucher, je m’imaginais sur scène, en train de chanter devant la fille de ma classe dont j’étais amoureux, mais ça s’arrêtait là.

R&F : A la fin des années 1970, quand vous étiez ado, le punk est apparu...

Kiefer Sutherland : Oui, ça a commencé aux USA en 1976 avec les Ramones qui, entre parenthèse­s, ont sorti leur premier album avant les Sex Pistols. Sinon, au début des seventies, on était encore dans le délire des sixties, dans cette ambiance Grateful Dead/ The Doors, c’était une décennie de transition. Ce que j’aimais bien à l’époque, c’est qu’on pouvait écouter plusieurs styles de musique sans que ça soit un problème, et sans se faire taper dessus. Après, ça a été : “Tu es punk, tu es un rocker, tu aimes le disco. Mais tout ça à la fois, impossible.” Avant, tu pouvais écouter Marvin Gaye tout en appréciant Rod Stewart et les Faces, les Rolling Stones, les Bee Gees, et ça te rendait cool. Après, il a fallu qu’on se définisse avec un genre spécifique de musique. Donc j’adorerai toujours les années 1970 pour cette variété-là.

R&F : Vous avez vu “Saturday Night Fever” en 1977 ? Kiefer Sutherland : Mais bien sûr ! C’était le meilleur moyen pour choper les filles ! On jouait ça dans les boums de mon quartier. Les chansons sont superbes, les arrangemen­ts sont top, c’est un album phénoménal. Donc j’ai vu le film, mais trois ans après, j’ai dû faire semblant de trouver ça naze pour me donner un genre, c’est triste mais c’est la vérité.

“J’ai dû faire semblant de trouver ça naze

pour me donner un genre”

Cool et catchy

R&F : Les années 1980 ? Kiefer Sutherland : Après le punk, j’ai adoré les deux premiers albums de The Police, “Outlandos D’Amour” et “Reggatta De Blanc”. La guitare d’Andy Summers, ça a été une révélation pour moi ! Les années 1980 étaient extraordin­aires ! Durant quelle autre décennie pouvait-on avoir des artistes comme Prince et Michael Jackson au sommet des charts ?

R&F : Alors Kiefer, Beatles ou Rolling Stones ?

Kiefer Sutherland : C’est trop injuste comme question ! Probableme­nt les Beatles, car de l’avis général, ils ont composé des meilleures chansons, mais c’est injuste pour les Stones qui en ont écrit d’excellente­s. Vu que mon intérêt pour la musique est basé sur le songwritin­g, je dirais les Beatles. Et puis c’est un des premiers groupes que j’ai écouté. Ils étaient malins, ils avaient leur dessin animé, de 1965 à 1969. Donc, si vous aviez six ou sept ans à l’époque, ils vous captivaien­t avec ça ! Si vous m’aviez posé la question quand j’avais trente ans, j’aurais répondu les Stones, mais je suis un cinquanten­aire, donc les Beatles.

R&F : Les Jackson 5 aussi avaient leur cartoon… Kiefer Sutherland : Oui, leur feuilleton en dessin animé est sorti juste après celui des Beatles. Et je les adorais. En plus, mon grand frère, qui a huit ans de plus que moi, jouait au basket avec Tito Jackson, un des frères de Michael, quand on a été s’installer à Los Angeles. Je trouvais ça tellement cool. Les Jackson 5 étaient étonnants, et Michael était un artiste exceptionn­el.

R&F : L’album qui a le plus compté pour vous ? Kiefer Sutherland : Dur à dire, j’en ai tellement écouté… Quand j’avais sept ans, le disque que mon frère m’a fait écouter et a fini par m’offrir, c’était — et c’est gênant car c’est un best of — l’album d’Elton John “Greatest Hits Volume One”. Ça a été énorme pour moi, tellement de mélodies, de morceaux à chantonner… Même à cet âgelà, je comprenais toutes les chansons, j’appréciais les histoires qu’elles racontaien­t, donc gros album pour moi. Plus tard, le disque qui a le plus compté, c’était le troisième de Tom Petty And The Heartbreak­ers en 1979, “Damn The Torpedoes”. Ça commence avec “Refugee”, un morceau rock cool et catchy, et ça se termine avec “Louisiana Rain”, dans le style southern americana. Une étape importante de mon éducation musicale. Une telle diversité sur un même album, ça m’a touché.

R&F : Le hip-hop, ça vous inspire quoi ?

Kiefer Sutherland : C’est le mouvement musical le plus important de ces dernières décennies, sans aucun conteste. Que des gamins blancs du Nebraska puissent écouter de la musique venue de l’Amérique noire, c’est quelque chose d’unique. Moi j’écoutais plutôt “Hotter Than July” de Stevie Wonder. Marvin Gaye aussi, il fait partie de ces artistes qui ont su capter l’intensité des sentiments dans des chansons.

R&F : De quelle façon écoutez-vous la musique ? Kiefer Sutherland : Oh, j’ai une super chaîne stéréo chez moi et une collection de disques plus qu’honorable, mais pour vous dire la vérité, j’écoute beaucoup de musique en voiture. Ça m’arrive de rouler juste pour en écouter. Je roule avec le son, je m’arrête dans un motel et je fais quelques heures de route avec la stéréo à fond.

Un coup à boire

R&F : Votre album est plutôt de facture classique, comment voyez-vous l’évolution de la technique qui, grâce à l’autotune, permet à tout le monde de chanter juste ?

Kiefer Sutherland : L’autotune, ça ne me dérange pas. De toute façon, un artiste doit faire de la scène, et en live on ne peut pas tricher. Le dernier groupe qui m’a fait craquer, c’est Rival Sons, des super musiciens que j’ai découverts en concert. Tourner, c’est l’épreuve du feu, un groupe doit faire énormément de shows pour prouver ses qualités. On n’est pas tous Beyoncé ! Et quand on est sur scène, les artifices ne servent plus à rien.

R&F : La musique enregistré­e, ce sont aussi des images. Quelle pochette d’album vous a le plus marqué ?

Kiefer Sutherland : Laissez-moi réfléchir… Je sais que ce n’est pas le visuel du siècle mais je dirais “Led Zeppelin IV” avec le tableau de ce paysan qui porte du bois. C’est un disque que j’ai tellement kiffé ! Sans oublier, mais là vous allez rigoler, “Back In Black” d’AC/DC, même si la couverture est noire. Ah, et aussi la pochette dépliante de “Frampton Comes Alive !”. Voilà, vous choisirez vousmême laquelle des trois !

R&F : Un dernier mot ?

Kiefer Sutherland : Quand tout ça sera fini et que je passerai enfin en concert à Paris, je vous promets qu’après le show, je vous offre un coup à boire, Rock&Folk. C’est moi qui invite ! ★

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