Rock & Folk

LAST TRAIN

Le quartette alsacien repart sur les routes pour défendre sa réputation grandissan­te de leader du rock français.

- RECUEILLI PAR H.M.

“Chaque concert est un combat de boxe”

APRÈS LA SORTIE D’UN SECOND ALBUM, ET UNE RÉPUTATION FLATTEUSE ACQUISE AU FIL DE TOURNÉES INCESSANTE­S EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER, Last Train devait triompher en 2020 avec la perspectiv­e d’un passage à l’Olympia et dans les grands festivals d’été. C’était sans compter avec la pandémie et le scandale qui visa le manager du groupe et son nouveau label (Deaf Rock Records). Mais ces ennuis en cascade ne sont pas parvenus à stopper la fougue de ces adeptes de l’autogestio­n : depuis novembre dernier, ils sont repartis sur les routes. Au Temps Machine, la dynamique et agréable SMAC de l’agglomérat­ion tourangell­e, ils font comme partout salle comble et triomphent devant un public fidèle qui voit en eux la nouvelle incarnatio­n du rock français. C’est l’occasion de rencontrer JeanNoël (chanteur, guitariste, auteur, compositeu­r) et Tim (bassiste), juste avant qu’un test positif ne les oblige à annuler quelques dates et à reporter leurs échappées européenne­s.

Nos armes

ROCK&FOLK : Votre dernier titre ne traduit-il pas une évolution vers un rock plus orchestral ?

Timothée Gérard : A nos débuts, nous écoutions Led Zeppelin, Jack White, les Doors ou Pink Floyd, et puis on a découvert Black Rebel Motorcycle Club et toute la vague revival. Maintenant, la musique nous sert de bande-son, pas seulement de défouloir, on s’est mis à l’ambient, au néo-classique, aux musiques de films. L’image que véhicule le classic rock ne nous correspond pas trop, tout comme les clichés qui lui sont associés : le cuir, le mec qui arrive à moto, le rock qui sue, un rock sexiste et macho. En même temps, on a une formation hyper rock, car c’est ce qu’on écoutait quand on a commencé. On a peutêtre d’autres envies, mais ce sont nos armes. Jean-Noël Scherrer : Quand on a conçu le premier album, on avait envie d’en découdre. On prend juste un peu de distance pour ne pas se cantonner à des riffs de guitare, mais le rock est notre moyen d’expression. On ne se verrait pas faire un truc très pop avec claviers et ordi, ou arriver en touristes. Chaque concert est un combat de boxe : il doit être intense sinon ce n’est plus nous.

R&F : Production, merchandis­ing, tournées, vidéos, vous gérez tout vousmêmes ?

Jean-Noël Scherrer : Oui, cela fait partie du mode de développem­ent du groupe. Pourquoi le management est-il censé être attribué à quelqu’un d’autre ? Qui mieux que l’artiste peut défendre son projet, en parler avec les mots justes ? Par le passé, on a délégué ces rôleslà, on a été déçus et on est devenus de plus en plus self made par la force des choses. Ce fonctionne­ment nous permet de comprendre l’environnem­ent dans lequel on évolue, contrairem­ent à plein d’artistes qui se font materner, et qui ignorent ce que c’est que de produire ou organiser un concert. Il faut savoir ce que l’on veut en tant qu’artistes : certains ne sont là que pour créer et jouer, d’autres comme nous sont également axés sur la production de disques et de tournées, sur le management, sur la stratégie générale, sur l’image. Ce sont des métiers complexes et techniques qu’on a décidé de pratiquer pleinement en les apprenant et en s’entourant. Aujourd’hui, Last Train n’a ni éditeur ni label et ne compte que sur ses propres forces : on maîtrise les budgets, on fait ce qu’on veut, on décide de notre rythme.

Encore plus mal

R&F : Pourquoi vous êtes-vous séparés de votre manager et de votre label ? Jean-Noël Scherrer : Le nom de Deaf Rock est sali, et à juste titre vu toutes les horreurs qui ont été dévoilées. Elles sont liées en grande partie à son ancien dirigeant, mais pas uniquement : il y a aussi incompéten­ce et défaillanc­e d’une maison de disques qui est dans un déni total face à la situation… Des procédures juridiques sont en cours aux prud’hommes pour récupérer les droits de nos premiers disques : on ne veut pas céder ce qu’on a produit avec notre argent, car c’est notre musique et l’histoire de notre vie. Timothée Gérard : On pensait passer à côté des problèmes avec un label en évitant les majors et les gros requins, et on se retrouve dans la même situation… Quand Jean-Noël présente sur scène notre nouveau morceau et explique pourquoi on ne peut le sortir qu’en tirage vinyle limité en précommand­e sur notre site, j’entends des réflexions dans le public du style “Nique les majors !”. J’ai envie de leur répondre : “Ce n’est pas une major !”. Ça fait encore plus mal. ■

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