Fans de Jeffrey Lee Pierce, tremblez !
Son House “THE COMPLETE LIBRARY OF CONGRESS SESSIONS 1941-1942 PLUS BONUS TRACKS”
Jasmine (Import Gibert Joseph)
Une grande partie des Tables de la Loi. Que le grand Alan Lomax, chercheur et mémorialiste des musiques en voie de disparition de son pays pour la Bibliothèque du Congrès, soit béni pour les siècles des siècles. En août 1941, il enregistrait le génie Son House à Lake Cormorant, dans le Mississippi. Accompagné par Willie Brown, le plus énigmatique des bluesmen car on ne sait que très peu de choses sur lui, parfois d’une mandoline et de l’harmonica virevoltant comme une guêpe de Leroy Williams, Son House envoie un blues ultra primitif. Tout ou presque est dans la même tonalité (c’est le problème de l’open tuning quand les capodastres se faisaient rares ou chers), on entend le train passer, et des titres comme “Levee Camp Blues”, “Walking Blues” ou “Shetland Pony Blues”
(fans de Jeffrey Lee Pierce, tremblez !) sont désormais entrés dans la légende. Lomax, intrigué, l’a enregistré à nouveau, cette fois-ci à Robinsonville en juillet 1942. Robert Johnson était mort depuis quatre ans, mais Son House poursuivait dans le genre ancestral qu’il pratiquait depuis longtemps avant que Johnson ne le perfectionne. La compilation propose d’ailleurs deux prises de “Preachin’ The Blues” enregistrées en 1930 avec le même Willie Brown. C’est un peu comme si on allait à Lascaux et qu’on y entendait les aurochs mugir sur la roche. Tout cela a déjà été réédité, certes, mais il y a tellement longtemps que cette nouvelle sortie est essentielle. Voici l’une des sources d’où a coulé tout ce qu’on connaît aujourd’hui (et puis, il n’y a pas de solos, ce qui devient de plus en plus agréable, surtout depuis l’apparition de la verrue Joe Bonamassa).
The Divine Comedy
“CHARMED LIFE – THE BEST OF”
Pias
Jésus, comment en arrive-t-on là ? Un jeune Irlandais fan de Kate Bush, Electric Light Orchestra et U2, qui finit par accoucher des plus grands morceaux pop de son temps ? Certes, il a fini par découvrir Scott Walker, comme Jarvis Cocker à peu près à la même époque, et les Kinks et Michael Nyman, le compositeur régulier des films souvent pénibles de Peter Greenaway, mais ceci n’explique pas tout. Neil Hannon, puisque The Divine Comedy c’est lui, est le plus grand parolier de son temps (il surpasse Jarvis, versant trop souvent dans la critique sociale avec beaucoup de bruits de bouche et de respiration). Il sait aussi alterner entre l’humour à peine ironique (“The National Express”, “The Happy Goth”, “Becoming More Like Alfie”, “Come Home Billy Bird”), et les textes les plus déchirants qu’on ait entendus depuis certaines chansons des Kinks, justement :
“Our Mutual Friend”, un typhon musical et littéraire, “A Lady Of A Certain Age” ou “To The Rescue”, entre autres. Ici, deux CD réunissant vingt-quatre titres proprement époustouflants, un autre d’inédits rarement passionnants si ce n’est pour une relecture récente de “Perfect Love Song”, figurant sur l’un de ses rares albums ratés (“Regeneration”) avec le récent “Office Politics”. Outre son génie pour la mélodie et les textes, Hannon est aussi un chanteur qu’on ne saurait réduire aux superlatifs réunis dans le Robert. Il est hallucinant, dans le pire des cas. Son sens de l’orchestration — car sa musique est quasiment toujours très orchestrée, sans jamais sombrer dans le pompier — ne gâche rien. Que reste-t-il de la britpop, en supposant qu’il en ait fait partie ? The Divine Comedy. Mais le diable se cache dans les détails chez
The Divine Comedy : les fans regretteront l’absence de “The Frog Princess”, “The Book Lovers” ou des divins instrumentaux “Europe By Train” et “Laika’s Theme”.