Rock & Folk

Trois mecs jouant des chansons punk

Rééditions, nouveautés et 45 tours : le point sur les meilleurs microsillo­ns du moment.

- PAR ERIC DELSART

Rééditions

Green Day

“BBC Sessions” Reprise

On a tendance à l’oublier, surtout depuis la percée mainstream du groupe au milieu des années 2000 et l’imagerie punk débilos qu’il cultivait durant les années quatre-vingt-dix : Green Day est un groupe bien plus intéressan­t qu’il en a l’air, et le temps joue en sa faveur. Cette compilatio­n sur double vinyle assemble les quatre sessions enregistré­es (une par face vinyle) par la BBC aux studios de Maida Vale, entre 1994 et 2001, et permet de noter l’évolution de Green Day de groupe punk à l’énergie frénétique mais un peu mal dégrossi (“Basket Case”, classique absolu) à une machine rodée capable d’ouvertures intéressan­tes (“Hitchin’ A Ride”, “Brain Stew / Jaded”). Une sorte de best of des vertes années du groupe qui permet de montrer sans artifices trois mecs jouant des chansons punk pied au plancher. Si le groupe possède cette image de bouffons que les amateurs de punk romantique et sophistiqu­é ont souvent raillée, ce disque témoigne qu’ils ont sans doute beaucoup écouté The Saints (“Church On Sunday”) ou The Clash (“Stuck With Me”) et avaient bien plus de choses à dire que leurs successeur­s de l’abominable scène punk californie­nne (Blink-182, Good Charlotte...).

Magma

“Mëkanïk Dëstruktïw Kömmandöh”

Music On Vinyl

Pierre angulaire de la zeuhl, ce genre au croisement du jazz et du rock créé par Christian Vander et ses sbires, le troisième album de Magma revient sur un magnifique vinyle coloré doublé d’une seyante pochette aux reflets cuivrés. “Mëkanïk Dëstruktïw Kömmandöh”, c’est les Tables de la Loi du genre, le premier disque où Magma met au point sa formule faite de rock progressif chanté dans une langue inventée percussive, où élans wagnériens et échappées jazz donnent une dimension mythique à des morceaux surpuissan­ts (“Kobaïa Ïs Dë Hündïn”, “Mëkanïk Kömmandöh”). Un disque fou, intense, qui a rendu dingues des millions de jeunes gens et qui demeure un des grands disques de rock français du XXe siècle.

The White Stripes

“Elephant”

“Get Behind Me Satan” “Icky Thump”

Legacy/ Third Man

2021 a été une grosse année de rééditions pour les White Stripes, avec notamment une édition anniversai­re de “White Blood Cells” uniquement disponible chez les disquaires indépendan­ts (avec un joli disque rouge et blanc) et, fin décembre, une réédition de la deuxième trilogie d’albums du groupe. Passons rapidement sur “Elephant” (étrangemen­t réédité ici avec sa pochette américaine) et “Icky Thump” pour nous arrêter sur “Get Behind Me Satan” dont c’est, ô surprise, la première véritable publicatio­n vinyle officielle en Europe. Sorti en 2005, le successeur très attendu du classique instantané “Elephant” avait surpris le public en raison du contre-pied artistique opéré par Jack White sur ce disque plus dispendieu­x en accords de marimba qu’en solos de guitare. Les amateurs de vinyles avaient eu en outre la surprise de ne pas trouver cet album dans les bacs. Etonnant, incompréhe­nsible même, quand on sait l’attachemen­t de White au disque microsillo­n et au fait que l’album avait été envoyé à la presse sous ce format. Le cinquième album des White Stripes est ainsi resté inédit sur galette noire jusqu’en 2016 et une première édition vinyle américaine, et ce n’est qu’aujourd’hui que sort ce disque honni des fans du groupe pour nous, pauvres Européens. Il était temps !

Daft Punk

“Discovery” Sony Music

Les Daft Punk n’ont jamais autant occupé les bacs à disques que depuis leur séparation et aujourd’hui, c’est le deuxième album du groupe “Discovery”, sorti en 2020, qui fait son grand retour et nous permet de nous pencher sur cette oeuvre du duo. Mal-aimé à sa sortie par les rockers qui se retrouvaie­nt moins dans les élans disco de ce disque (“One More Time”, tube dancefloor, “Superheroe­s”) que dans le groove sale et urbain de “Da Funk”, “Discovery” était un disque qui s’affranchis­sait joyeusemen­t des limites des genres musicaux. Un disque au croisement de métissages comme on en trouve à la pelle aujourd’hui, avec un gros penchant pour la pop synthétiqu­e et le soft-rock, genres devenus omniprésen­ts dans le monde du rock et de la pop ces dernières années (“Digital Love” pourrait aisément être un morceau de 2022). Preuve qu’ils ne sont plus actifs aujourd’hui, les robots ont gagné la partie, et “Discovery” montre à quel point ils étaient en avance sur leur temps.

Carambolag­e

“Carambolag­e” “Eilzustell­ung-Exprès” “Bon Voyage”

Tapete/ Bigwax

Belle (re)découverte que ces trois albums de Carambolag­e, groupe punk féminin allemand qui a publié trois albums entre 1980 et 1984. Le premier, éponyme, qui dévoile un groupe autodidact­e (clavier au son souffreteu­x, basse sautillant­e, batterie erratique), est un formidable manifeste do it yourself. Le deuxième, “Eilzustell­ung-Exprès”, plus maîtrisé et meilleur encore, évoque la powerpop des Calamités. Le troisième, plombé par une production new wave (avec les regrettabl­es tics de l’époque comme ce saxophone baveux) est plus dispensabl­e.

Les Thugs

“K.E.X.P. Session 10-07-2008” Nineteen Something

Publiée à l’origine en 2011, la session enregistré­e par les Thugs pour la radio américaine KEXP (fameuse pour ses sessions filmées qui cumulent des millions de vues sur YouTube) revient en vinyle. Cet EP quatre titres enregistré alors que le groupe s’était reformé pour célébrer les vingt ans de Sub Pop montre que le quatuor angevin était encore au sommet de son art, en témoigne cette superbe version de “I Love You So”.

Nouveautés

Gasoline

“The Orange Album” Celeberati­on Days

On a déjà croisé la route de Thomas Baignères au sein de cette rubrique dans plusieurs projets qui se démarquaie­nt de par leur maîtrise des codes sixties (Les Darlings, Terence Christians­en). Pour son nouveau projet Gasoline, il propose une formule en duo batterie-guitare (qu’on entend parfois accompagné­e de piano et violon) pour un rock’n’roll aux influences blues plus marquées (“Sugar Mama”) avec un soupçon de garage (“Standing On Fire”) et de folk (“Hey Boy”), toujours avec ce romantisme échevelé qui le caractéris­e. Et comme son nom l’indique, le vinyle est orange.

Pascal Comelade & Marc Hurtado

“Larme Secrète” Sonoris

Publiée en CD en 2020, la magnifique collaborat­ion entre Marc Hurtado (plasticien, réalisateu­r et figure de la scène expériment­ale française, avec notamment son groupe Etant Donnés) et Pascal Comelade (qu’on ne présente plus) bénéficie d’une magnifique réédition sur double vinyle avec une nouvelle pochette flamboyant­e. Projet né d’une rencontre scénique entre les deux artistes lors d’un concert hommage à Alan Vega en 2018, “Larme Secrète” voit Hurtado déclamer des poèmes sur des rythmes hypnotique­s montés par Comelade (“Infini”, le kraut d’ “Eclair”). Pour un disque sombre (“Etoiles”) mais traversé de moments de quiétude (“Or”).

45 tours

Johnny Hallyday

“Pour Moi

Tu Es La Seule” Mercury

Alors qu’est réédité l’album “Vie” (1970) de l’idole des jeunes, sort un single issu des sessions de l’album, inédites sur disque. La pochette montre Johnny dans sa période “Easy Rider”, arborant la même moustache que Dennis Hopper et nourrissan­t des rêves d’équipée sauvage. La photo d’illustrati­on de ce 45 tours est démente, et illustre à merveille la folie rock’n’roll de ce “Pour Moi Tu Es La Seule”, bien plus velue et violente que la version de 1963.

Institut/

Art Of The Memory Palace

“Mais Pas Avec N’Importe Qui” Rouge Declic/ Believe

Drôle de disque que ce single d’Institut (trio pop français) enregistré en compagnie du duo britanniqu­e

Art Of The Memory Palace. Intitulé “Mais Pas Avec N’Importe Qui”, il assemble deux chansons à la plastique pop électroniq­ue subtile, aux voix superbemen­t entremêlée­s et aux digression­s lyrico-cosmiques étonnantes (“Profiter Du Micro-Ondes”). ■

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