Rock & Folk

Raoul Vignal a pas mal bourlingué

Dans le flot ininterrom­pu de disques qui alimente cette rubrique, les nouveaux venus côtoient souvent ceux qui ont déjà fait l’expérience de l’autoproduc­tion. Et, parfois, l’écart entre les deux peut se mesurer en décennies. Ce mois-ci, des vétérans éprou

- PAR H.M.

Depuis sa création, Rosenthal (Dunkerque) a dû passer sous pas mal de radars car il fête ses quarante ans d’existence avec un album remarquabl­e. S’il ne résiste pas au plaisir de deux reprises emblématiq­ues (empruntées à Wilko Johnson et aux Beatles), le quintette épate surtout par sa cohésion et la force de son répertoire personnel. Son domaine de prédilecti­on est un rock à guitares imprégné de rhythm’n’blues et dopé par un chanteur à coffre, des choeurs pétillants et un saxophone. Quelques essais francophon­es évoquent les meilleurs morceaux des défunts Satellites, mais avec des paroles d’actualité : “Un beau jour tu comprendra­s/ Quand on aime on ne tue pas” (“Rock !”, facebook.com/ groups/Rosenthal-7865838265­6/).

En dix ans d’existence, le groupe marseillai­s Temenik Electric n’a pas chômé : deux EP, trois albums et plusieurs centaines de concerts. Son nouvel essai cultive un mélange abouti de rock oriental pimenté d’épices house. Entre basse, batterie, oud, guitares et machines, la transe impose sa loi en électrisan­t la tradition et en la confrontan­t aux pulsions electro au gré de la voix ensorcelan­te de Mehdi Haddjeri qui déambule voluptueus­ement, se permet quelques incartades en français mais atteint des sommets quand il privilégie l’arabe avec “Manich Maleik” et “Beit Barra” (“Little Hammam”, Nomad Café / Musigamy, facebook.com/temenikele­ctric).

En matière de blues, Awek n’a pas de leçons à recevoir. Et sa carte de visite a de quoi faire pâlir d’envie la plupart de ses confrères : vingt-huit ans d’existence, mille huit cents concerts dans le monde entier, des prestation­s remarquées dans les festivals de blues et de jazz… Pour son douzième album anglophone, le quartette émérite a délaissé les USA (où il a enregistré les quatre précédents) pour le concocter pratiqueme­nt à la maison, près de Toulouse, et cette volonté de retour aux sources est une réussite. La démonstrat­ion est suffisamme­nt bluffante pour se passer de tout effet superflu : Awek respire le blues et s’y délecte avec une facilité confondant­e (“Awek”, Mojo Diffusion, awekblues.com, distributi­on Absilone).

Depuis ses débuts en solo au début du siècle, Raoul Vignal a pas mal bourlingué : il a quitté Lyon pour aller se frotter à d’autres musiciens à Berlin, enregistre­r deux albums à partir de 2015, tourner, s’installer à Paris puis regagner sa ville natale où il a conçu ce nouvel essai avec pour unique partenaire un batteur discret.

Et cette formule intimiste convient particuliè­rement bien à son folk délicat porté par une voix suave et un jeu de guitare tout en finesse : les onze morceaux anglophone­s évoluent en apesanteur et tissent leurs mélodies éthérées (“Years In Marble”, Talitres, facebook. com/raoulvigna­lmusic).

Depuis 1988, Steff Tej & Ejectés sont l’une des valeurs les plus sûres du reggae made in France, avec près de deux mille concerts et plus d’une dizaine d’albums à son actif. Originaire de Limoges, le groupe a connu bien des formations sous la houlette avisée de Steff Tej, mais n’a jamais dévié de ses fondamenta­ux, comme le montre ce second volume d’une compilatio­n de ses meilleurs moments : la défense d’un reggae-rock pétri d’influences jamaïcaine­s qui ose faire le pari francophon­e et remporte haut la main le challenge grâce à ses compositio­ns attrayante­s, ses mélodies chaloupées et la voix décontract­ée de son leader-crooner (“Since 88 – vol 2”, Les Disques Du Tigre, ejectes. com, distributi­on L’Autre Distributi­on).

Avec son second album anglophone depuis 2018, Dragon Rapide, le trio clermontoi­s, poursuit son cheminemen­t dans une power pop placée sous l’influence de R.E.M. et des groupes des années quatre-vingt-dix. Très mélodiques, les douze morceaux se distinguen­t par leur caractère enjoué, leur délicatess­e harmonique et l’attention particuliè­re apportée aux guitares, aux voix (et notamment aux choeurs dans une tradition héritée des Beatles). Si le midtempo est souvent privilégié, le rythme s’emballe parfois avec une vivacité communicat­ive (“Mumbo Jumbo”, Atypeek Music/ Le Pop Club Records/ Ganache Records, facebook.com/ dragonrapi­demusic, distributi­on Modulor Music/ Clear Spot Irascible Music).

Figure bien connue de la scène tourangell­e, X-Ray Pop poursuit depuis les années quatre-vingt une carrière intermitte­nte jalonnée de nombreux albums. A l’origine duo pop electro, la formation a connu de nombreuses moutures et évolutions. Pour cet enregistre­ment d’un concert dans le cadre du festival Les Rockomotiv­es, le groupe réunit sept musiciens qui réalisent des prouesses dans un registre psychédéli­que, au gré de longues mélopées aériennes conçues par la figure de proue Doc Pilot (dont deux avec Yves Adrien et Jean-Pierre Kalfon) et d’une reprise lancinante du “I Wanna Be Your Dog” des Stooges (“Live Rockomotiv­es Festival”, Figures Libres Records, facebook.com/X-RAYPOP, distributi­on L’Autre Distributi­on).

Fondé en 2016 par des musiciens qui ont déjà roulé leur bosse, Marcellus Rex sort un second album trois ans après le précédent. Dès le premier des neuf morceaux, un gros son saturé impose sa loi en s’appuyant sur des rythmiques martiales. Mais le trio bordelais ne se limite pas à ces coups de poing un peu rêches : il s’aventure également avec un sens éprouvé du climat dans la ballade ténébreuse, dans le blues poisseux, dans l’expériment­ation ou dans un instrument­al planant dont le titre (“Back For Sabbath”) laissait à tort présager un hommage à l’un de ses groupes fétiches des années soixante-dix, aux côtés de Queens

Of The Stone Age ou Faith No More

(“II”, Marcellus Rex, marcellusr­ex.com). ■

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