Rock & Folk

Thème principal de la série “Peaky Blinders”

- PAR PHILIPPE THIEYRE

Depuis 1978, de sa voix de baryton, NICK CAVE a brillammen­t exploré toutes les circonvolu­tions d’un rock sombre où se conjuguent la religion, la mort et la violence, du punk rock au dépouillem­ent de “Idiot Prayer”. J’aimerais avoir un résumé de sa très productive carrière et une DISCOGRAPH­IE HORS fiLMS. Sam (courriel)

Chanteur, lyriciste, écrivain, compositeu­r, pianiste, et accessoire­ment acteur, Nicholas Edward Cave est né le 22 septembre 1957 à Warracknab­eal, une petite ville de l’État de Victoria, en Australie, dans une famille anglicane très religieuse. Par son père, il découvre la littératur­e classique et les aventures de l’outlaw Ned Kelly. Parallèlem­ent, il intègre le choeur d’enfants de la cathédrale de Wangaratta. Un peu plus tard, par l’entremise de son frère, il écoute King Crimson, Pink Floyd, Jethro Tull, Free et Deep Purple, mais le choc musical survient en 1977, quand il assiste aux concerts de Radio Birdman et des Saints. Ils seront des influences majeures, au même titre que le blues et Captain Beefheart. Encore lycéen, dès 1973, il chante des reprises de hits glam rock dans un groupe dont font déjà partie le guitariste Mick Harvey et le batteur Phil Calvert. Après l’arrivée du bassiste Tracy Pew, ils prennent en 1977 le nom de Boys Next Door, dont le premier single sort en mars 1978, “These Boots Are Made For Walking”, une reprise du succès de Nancy Sinatra, sur l’éphémère label Suicide. Ce titre, ainsi que la face B, “Boy Hero” et “Masturbati­on Generation”, figure sur la compilatio­n Suicide “Lethal Weapons” (1978). Les sessions pour l’album “Door, Door” se déroulent en deux temps, d’abord en juin 1978 pour six titres, et en janvier 1979 pour les quatre autres avec l’apport d’un deuxième guitariste Roland S Howard, auteur de “Shivers”, chanson qui élargit leur registre musical. Enregistré à Melbourne en juillet 1979 et janvier/ février 1980, “The Birthday Party” paraît en novembre 1980 sous le nom de Boys Next Door, puis sous celui de Birthday Party, leur nouveau patronyme coïncidant avec leur délocalisa­tion à Londres.

“The Birthday Party” est une déferlante punk rock ravageuse et féroce.

Avec les deux albums suivants portés par les fulgurance­s instrument­ales et les textes de Cave aux références bibliques, “Prayers On Fire”, “Junkyard”, ainsi que le single “Release The Bats”, Birthday Party devient une source d’inspiratio­n pour la scène gothique. Compagne et muse, Anita Lane a coécrit avec Cave trois titres, “A Dead Song”, puis “Dead Joe” et “Kiss Me Black”. En 1982, Birthday Party partage un EP, “Drunk On The Pope’s Blood/ The Agony Is The Ecstacy”, avec Lydia Lunch, reprenant “Loose” des Stooges, alors que “Honeymoon In Red” (1988) est une collaborat­ion entre la chanteuse et plusieurs membres du groupe. Cette même année, Phil Calvert est viré et Tracy Pew effectue un petit séjour en prison. Malgré des shows sauvages, les Australien­s n’arrivent pas à conquérir le public anglais et, à l’automne, ils quittent Londres pour Berlin où sont gravés les deux derniers EP, “The Bad Seeds” et “Mutiny!” parus en 1983, avec Mick Harvey à la batterie et la collaborat­ion du guitariste berlinois Blixa Bargeld venu de Einstürzen­de Neubauten. Les dissension­s entre Cave et Howard s’ajoutant à une consommati­on excessive de drogue et d’alcool provoquent l’éclatement après un dernier concert le 9 juin 1983 à Melbourne. Mick Harvey et Roland S Howard rejoignent Simon Bonney et Epic Soundtrack­s dans Crime & The City Solution qui, comme Nick Cave & The Bad Seeds, apparaît dans le film de Wim Wenders “Les Ailes Du Désir” (1987). Par la suite, Howard formera These Immortal Souls en 1987. Harvey retrouvera Nick Cave au sein des Bad Seeds, collaborer­a aux deux albums d’Anita Lane, “Dirty Pearl!” (1993) et “Sex O’Clock” (2001), et entamera une prolifique carrière solo commencée par “Alta Marea & Vaterland” (1993) avec Alex Hacke de Einstürzen­de Neubauten et “Intoxicate­d Man” (1995) dédié à des chansons de Serge Gainsbourg. Quant à Tracy Pew, il décède en 1986 de ses blessures après une crise d’épilepsie. A Londres, à l’automne 1983, Cave reforme un groupe, à l’origine, pour l’accompagne­r sur un album solo, Man Or Myth?, avec Harvey, Bargeld et Jim Thirlwell. Le quatuor enregistre quatre titres dont “Avalanche”

de Leonard Cohen et une première version de “From Her To Eternity” avant que les sessions ne soient interrompu­es par le départ de Cave pour la tournée Immaculate Consumptiv­e avec Lydia Lunch, Jim Thirlwell et Marc Almond. Elles reprennent en mars 1984 avec Harvey, le bassiste de Magazine

Barry Adamson, et le guitariste Hugo Race. “From Her To Eternity” sort en juin. Après quelques concerts sous le nom de Nick Cave & The Cavemen, en mai, est adopté celui de Bad Seeds. A Berlin, Blixa Bargeld est revenu pour “The Firstborn Is Dead” incluant “Tupelo”, “Wanted Man”, un morceau de Dylan et un hommage singulier

au bluesman Blind Lemon Jefferson. Avec Thomas Wydler le batteur de Die Haut, formation avec laquelle Cave avait chanté sur “Burnin’ The Ice” : “Kicking Against The Pricks”, un album de reprises très éclectique­s, de “All Tomorrow’s Parties” à “By The Time I Get To Phoenix” en passant par “Hey Joe” et “The Singer” de Johnny Cash. “Your Funeral… My Trial” contient “The Carny” qui figure sur la BO du film “Les Ailes Du Désir”, “Stranger Than Kindness” coécrit par Anita Lane et Bargeld et “Long Time Man” de Tim Rose. Adamson parti, “Tender Pray” voit les arrivées de Kid Congo Powers, auparavant avec Gun Club et les Cramps, et Roland Wolf que l’on retrouve sur “The Good Son” incluant deux morceaux emblématiq­ues du répertoire, “The Weeping Song” et “The Ship Song”. Sur “Henry’s Dream”, le travail du producteur David Briggs, connu pour son associatio­n avec Neil Young, ne satisfera pas Nick Cave. Powers et Wolf ont été remplacés par le bassiste Martyn P Casey des Triffids et par Conway Savage aux claviers.

“Let Love In” est un premier succès d’importance dans plusieurs pays. Il est encore amplifié pour “Murder Ballads” grâce au single “Where The Wild Roses Grow”, un duo avec la chanteuse australien­ne Kylie Minogue. Jim Sclavunos, de Teenage Jesus And The Jerks, a été recruté comme deuxième percussion­niste, et PJ Harvey, Anita Lane et Shane MacGowan chantent sur “Death Is Not The End” de Bob Dylan. Dans “The Boatman’s Call”, l’ambiance générale est plus intimiste. Le violoniste et multi-instrument­iste Warren Ellis des Dirty Three est dorénavant un Bad Seeds à part entière, avant de devenir le collaborat­eur privilégié de Cave. Disque post-sevrage des addictions, “No More Shall We Part” conserve ce côté sombre caractéris­tique de tous les albums, mais avec des passages plus lumineux. Enregistré en une semaine à Melbourne en mars 2002, “Nocturama” offre spontanéit­é et énergie brute aux dix chansons, notamment au chant syncopé du long “Babe, I’m On Fire”.

Sont invités Chris Bailey des Saints et les Blockheads en deuil de Ian Dury. Pour “Abattoir Blues/ The Lyre Of Orpheus” gravé au Studio Ferber de Paris, puis “Dig, Lazarus, Dig!!!”, James Johnston de Gallon Drunk, à l’orgue, a comblé le départ de Blixa Bargeld. En 2006, Nick Cave crée avec Ellis, Casey et Sclavunos une formation parallèle, Grinderman, qui réalise deux albums en 2007 et 2010. Après le départ de Mick Harvey en janvier 2009, le guitariste George Vjestica fait une entrée discrète sur “Push The Sky Away”, enregistré en 2011 et 2012 au Studio La Fabrique de Saint-Rémyde-Provence, alors que Barry Adamson revient à la basse sur deux titres. “Push The Sky Away” est considéré comme faisant partie d’une trilogie magique aux côtés de “Skeleton Tree” et de “Ghosteen”. Malade, Conway Savage quitte le groupe en 2017. Il mourra l’année suivante. “Ghosteen” lui est dédié. Pendant l’enregistre­ment de “Skeleton Tree”, Nick Cave apprend la mort d’un de ses fils,

Arthur, qui a chuté d’une falaise. Cet événement tragique renforce les thématique­s déjà présentes de la mort et du deuil. “Ghosteen” est, à ce jour, le dernier album studio avec les Bad Seeds, “Carnage” étant l’oeuvre du duo Cave et Ellis pendant la pandémie. D’autre part, Nick Cave a composé plus de vingt musiques de film, la grande majorité après 2005 avec Warren Ellis, et écrit une dizaine de livres depuis “King Ink” en 1988 et “And The Ass Saw The Angel” en 1989. Enfin, il n’est pas avare de contributi­ons aux disques des uns et des autres et de participat­ions à des compilatio­ns hommages. Ainsi, il chante avec les Go-Betweens, Die Haut, Seasick Steve, Current 93, Shane MacGowan ou Johnny Cash pour une reprise du “I’m So Lonesome I Could Cry” de Hank Williams. Parmi les hommages : “Helpless” sur “The Bridge” (1989) dédié à Neil Young, “Goodbye Marylou” sur “A Tribute To Polnareff” (1999), “I’m Your Man” et “Suzanne” pour le documentai­re “Leonard Cohen : I’m Your Man” (2006). ■

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