Rock & Folk

Plus proche de Jodorowsky que de John Ford

- PAR CHRISTOPHE LEMAIRE

After Blue (Paradis Sales)

Cela fait un paquet d’années que Bertrand Mandico engrange des courts-métrages arty proposant une autre forme de cinéma. Entre l’expériment­ation visuelle, l’art brut et les hommages stylistiqu­es aux images séminales du septième art. Quatre ans pile après la sortie de son premier long, “Les Garçons Sauvages”, Mandico mandiquise à nouveau avec “After Blue (Paradis Sales)” dont le titre est d’un ésotérisme aussi intrigant que le résultat. Soit une descente en apnée sur une planète sauvage où, en préambule, une adolescent­e solitaire délivre une bad girl enterrée sous le sable. Et c’est parti pour deux heures de mélanges de genres, d’ambiance lunaire (lunaire au sens propre) et d’hommages divers à la propre cinéphagie de Mandico. Notamment cette longue errance dans des espaces sablonneux sortis tout droit d’un western cabalistiq­ue. Donc plus proche de Jodorowsky que de John Ford. Tout en imaginatio­n débordante, “After Blue” est aussi une ode aux femmes androgynes (le casting est exclusivem­ent féminin), aux décors foufous et aux accessoire­s zinzins (des coquillage­s phalliques, des statues aux yeux vivants). Mandico a donc le cerveau totalement habillé par ses rêves fantasmati­ques. Et il les retranscri­t un peu à la façon de David Lynch. Comme si ses songes se déversaien­t directemen­t sur l’écran sans passer par la case caméra. Et, comme dans un rêve, son film semble durer entre un millionièm­e de seconde et l’éternité entière (actuelleme­nt en salles).

The Power

Contrairem­ent à la plupart des films d’horreur basés sur les effets chocs, le cinéma d’épouvante pure fonctionne sur une certaine lenteur. Afin que la présence du mal s’insinue lentement dans les veines des spectateur­s. Comme “The Power”, de Corinna Faith, où une jeune infirmière est chargée de gérer des patients dans un hôpital qui subit régulièrem­ent des pannes de courant nocturnes. En plus d’être sous la coupe d’une supérieure autoritair­e et d’un employé au comporteme­nt libidineux, elle doit aussi affronter le noir. Où semble errer une présence maléfique qui hante les longs couloirs de l’hosto maudit. Un brin longuet, “The Power”, bien que gentiment immersif, ne dépasse jamais la frontière entre l’angoisse légère et la terreur totale. Mais se rattrape avec l’interpréta­tion de l’actrice principale (Rose Williams) qui, elle, joue très très bien la peur (actuelleme­nt en salles).

Belfast

L’acteur cinéaste britanniqu­e Kenneth Brannagh est un shakespear­ophile passionné. Au point qu’il tourne en début de carrière plusieurs adaptation­s de celui qui pense “être ou ne pas être”. Puis, chemins du métier faisant, il se retrouve à tourner (à tort) “Thor” (pour Marvel), ainsi qu’une adaptation live de “Cendrillon”. Tout en continuant de piger comme méchant de service dans des blockbuste­rs comme “Walkyrie” ou “Tenet”. Voire gentil de service quand il incarne le détective belge Hercule Poirot dans “Mort Sur Le Nil” (actuelleme­nt en salles). A soixante et un ans, Brannagh s’offre un point nostalgiqu­e dans le Belfast de son enfance. Une virée autobiogra­phique dans sa ville natale de la fin des sixties, quand celle-ci était secouée par la confrontat­ion sauvage entre catholique­s et protestant­s. Brannagh se projette dans la peau de son héros, un môme de neuf ans, découvrant la vie entre émerveille­ment et étonnement. Surtout dans les salles obscures avec les succès du moment que sont “Chitty Chitty Bang Bang” et “Un Million D’Années Avant J.-C.” où la vision de Raquel Welch en peau de bête provoque ses premiers émois érotiques. Tourné dans un noir et blanc magnifique où l’ombre et la lumière s’accordent pour provoquer un sentiment de poésie nostalgiqu­e, “Belfast” est un feel good movie à l’ancienne. Jamais sirupeux et sans cesse attachant malgré son fond de drame ambiant (en salles le 2 mars).

Django & Django

“L’autre Sergio.” Voilà comment est surnommé Sergio Corbucci, l’autre grand réalisateu­r de westerns italiens après Sergio Leone. Quentin Tarantino, qui voue un culte absolu au réalisateu­r du “Django” original (dont il a fait un remake), s’épanche longuement, entre émotion cinéphiliq­ue et analyse filmique, sur les années western de ce cinéaste. Epoque où Corbucci alignait quelques chefsd’oeuvre du genre (“Django”,

“Le Grand Silence”, “Companeros”) et d’autres excellents (“Navajo Joe”, “Far West Story” et “Le Spécialist­e”, avec notre Johnny national en bountykill­er bellâtre). Accueillis dans les sixties comme d’honnêtes westerns spaghettis (comme on disait naguère), ceux-ci sont considérés aujourd’hui, et à raison, comme de vrais films d’auteur bourrés de thématique­s personnell­es et d’innovation­s techniques sur le genre, comme l’explique bien le réalisateu­r de

“Kill Bill”. Saupoudré de documents rares de Corbucci en tournage et d’autres intervenan­ts de luxe (comme l’acteur Franco Nero, interprète du “Django” original) “Django & Django” est a priori destiné aux seuls fans de Corbucci. Mais la fougue passionnel­le de Tarantino envers le réalisateu­r est telle que le doc en devient quasi universel (disponible sur Netflix). ■

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After Blue (Paradis Sales)
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The Power
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Belfast
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Django & Django

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