Plus proche de Jodorowsky que de John Ford
After Blue (Paradis Sales)
Cela fait un paquet d’années que Bertrand Mandico engrange des courts-métrages arty proposant une autre forme de cinéma. Entre l’expérimentation visuelle, l’art brut et les hommages stylistiques aux images séminales du septième art. Quatre ans pile après la sortie de son premier long, “Les Garçons Sauvages”, Mandico mandiquise à nouveau avec “After Blue (Paradis Sales)” dont le titre est d’un ésotérisme aussi intrigant que le résultat. Soit une descente en apnée sur une planète sauvage où, en préambule, une adolescente solitaire délivre une bad girl enterrée sous le sable. Et c’est parti pour deux heures de mélanges de genres, d’ambiance lunaire (lunaire au sens propre) et d’hommages divers à la propre cinéphagie de Mandico. Notamment cette longue errance dans des espaces sablonneux sortis tout droit d’un western cabalistique. Donc plus proche de Jodorowsky que de John Ford. Tout en imagination débordante, “After Blue” est aussi une ode aux femmes androgynes (le casting est exclusivement féminin), aux décors foufous et aux accessoires zinzins (des coquillages phalliques, des statues aux yeux vivants). Mandico a donc le cerveau totalement habillé par ses rêves fantasmatiques. Et il les retranscrit un peu à la façon de David Lynch. Comme si ses songes se déversaient directement sur l’écran sans passer par la case caméra. Et, comme dans un rêve, son film semble durer entre un millionième de seconde et l’éternité entière (actuellement en salles).
The Power
Contrairement à la plupart des films d’horreur basés sur les effets chocs, le cinéma d’épouvante pure fonctionne sur une certaine lenteur. Afin que la présence du mal s’insinue lentement dans les veines des spectateurs. Comme “The Power”, de Corinna Faith, où une jeune infirmière est chargée de gérer des patients dans un hôpital qui subit régulièrement des pannes de courant nocturnes. En plus d’être sous la coupe d’une supérieure autoritaire et d’un employé au comportement libidineux, elle doit aussi affronter le noir. Où semble errer une présence maléfique qui hante les longs couloirs de l’hosto maudit. Un brin longuet, “The Power”, bien que gentiment immersif, ne dépasse jamais la frontière entre l’angoisse légère et la terreur totale. Mais se rattrape avec l’interprétation de l’actrice principale (Rose Williams) qui, elle, joue très très bien la peur (actuellement en salles).
Belfast
L’acteur cinéaste britannique Kenneth Brannagh est un shakespearophile passionné. Au point qu’il tourne en début de carrière plusieurs adaptations de celui qui pense “être ou ne pas être”. Puis, chemins du métier faisant, il se retrouve à tourner (à tort) “Thor” (pour Marvel), ainsi qu’une adaptation live de “Cendrillon”. Tout en continuant de piger comme méchant de service dans des blockbusters comme “Walkyrie” ou “Tenet”. Voire gentil de service quand il incarne le détective belge Hercule Poirot dans “Mort Sur Le Nil” (actuellement en salles). A soixante et un ans, Brannagh s’offre un point nostalgique dans le Belfast de son enfance. Une virée autobiographique dans sa ville natale de la fin des sixties, quand celle-ci était secouée par la confrontation sauvage entre catholiques et protestants. Brannagh se projette dans la peau de son héros, un môme de neuf ans, découvrant la vie entre émerveillement et étonnement. Surtout dans les salles obscures avec les succès du moment que sont “Chitty Chitty Bang Bang” et “Un Million D’Années Avant J.-C.” où la vision de Raquel Welch en peau de bête provoque ses premiers émois érotiques. Tourné dans un noir et blanc magnifique où l’ombre et la lumière s’accordent pour provoquer un sentiment de poésie nostalgique, “Belfast” est un feel good movie à l’ancienne. Jamais sirupeux et sans cesse attachant malgré son fond de drame ambiant (en salles le 2 mars).
Django & Django
“L’autre Sergio.” Voilà comment est surnommé Sergio Corbucci, l’autre grand réalisateur de westerns italiens après Sergio Leone. Quentin Tarantino, qui voue un culte absolu au réalisateur du “Django” original (dont il a fait un remake), s’épanche longuement, entre émotion cinéphilique et analyse filmique, sur les années western de ce cinéaste. Epoque où Corbucci alignait quelques chefsd’oeuvre du genre (“Django”,
“Le Grand Silence”, “Companeros”) et d’autres excellents (“Navajo Joe”, “Far West Story” et “Le Spécialiste”, avec notre Johnny national en bountykiller bellâtre). Accueillis dans les sixties comme d’honnêtes westerns spaghettis (comme on disait naguère), ceux-ci sont considérés aujourd’hui, et à raison, comme de vrais films d’auteur bourrés de thématiques personnelles et d’innovations techniques sur le genre, comme l’explique bien le réalisateur de
“Kill Bill”. Saupoudré de documents rares de Corbucci en tournage et d’autres intervenants de luxe (comme l’acteur Franco Nero, interprète du “Django” original) “Django & Django” est a priori destiné aux seuls fans de Corbucci. Mais la fougue passionnelle de Tarantino envers le réalisateur est telle que le doc en devient quasi universel (disponible sur Netflix). ■