Rock & Folk

PEU DE GENS LE SAVENT

MON MOIS A MOI

- PAR BERTRAND BURGALAT

Haute volupté : Polycool, “Monteverit­à” (Polycool).

“Such a shock to learn of the sudden death of Ronnie Spector.” C’est Dusty Springfiel­d († 1999) qui l’écrit, sur sa page Facebook officielle. Nicolas Ungemuth : “Des mortes pleurent des mortes”. Moi, je trouve ça sympa, tout ce qui peut faire reculer le néant est bon à prendre. Je connais un grand compositeu­r qui cosignait ses BO avec sa maman pour diminuer son taux d’imposition. Même décédée, elle a continué de déclarer des oeuvres à la Sacem.

“Et pendant ce temps-là, que font les artistes ? Ils draguent le public sans passer par les médias, s’érigeant aussi à leur manière comme plateforme­s médiatique­s.” Sur legospel.fr (merci Sourdoreil­le), “La communicat­ion a gagné la bataille contre la musique (mais on l’a bien cherché)”, par Adrien Durand, évoque la transforma­tion des créateurs en influenceu­rs. “J’ai cette étrange impression que désormais le public ne cherche plus vraiment à écouter de la musique mais à simplement puiser dans les disques et le discours des artistes des petites séquences virales qui vont lui permettre de parler de son sujet préféré : lui-même (…). L’artiste est devenu une sorte de librairie de contenus open bar dans lequel le public peut puiser de quoi alimenter sa propre communauté, son propre storytelli­ng.

Et ne blâmez pas les ‘jeunes’ (qui eux continuent d’acheter des disques et de faire vivre une certaine vision de l’undergroun­d). Autour de moi, ce sont les 30-50 ans qui tombent le plus franchemen­t dans tous les panneaux de communicat­ion tendus par les artistes stars (…). Quand la presse musicale traditionn­elle continue d’être attachée au format album, elle semble bien isolée, tant ce qui prédomine le paysage est bien souvent réduit à des ‘coups’ : clips surproduit­s, teasers, sketches, chorégraph­ies TikTok, apparition­s dans la BO de ‘Emily In Paris’ et que sais-je encore.”

Le 9 janvier, Libération s’interrogea­it sur l’avenir de cette “presse musicale traditionn­elle”. Avec un micropoil de suffisance (quand Libé, à sa “grande époque”, faisait sa couve sur un disque, toute l’industrie en déduisait que ça allait être un plantage, ce qui n’était pas sans charme), et le souhait qu’elle applique les mêmes recettes désastreus­es qui ont précipité le quotidien entre les mains de divers oligarques : “Le vrai problème de la presse rock, c’est qu’elle n’a pas su s’adapter à Internet. Elle l’a même vu comme un ennemi, alors qu’elle aurait dû l’embrasser comme un complément absolu et nécessaire”, Jean-Daniel Beauvallet. Ce sont pourtant les magazines comme le nôtre qui s’en sont sortis, concentrés sur l’écrit, sans uniformité de goûts ou conflits d’intérêts, en s’efforçant de distinguer nécessaire subjectivi­té et arbitraire. L’article laisse percevoir le désarroi et l’amertume de médias prescripte­urs ne parvenant plus à prescrire, de passeurs n’arrivant plus à faire barrage. Le droit de veto n’existe plus, faut-il vraiment le regretter ? Quel que soit le média, ce qui compte n’est pas la prétendue expertise de l’auteur, mais la spontanéit­é de son jugement et sa capacité d’expression, les équipes actuelles dans la presse ont d’autant plus de mérite qu’elles évoluent dans un environnem­ent difficile. Le cofondateu­r des Inrockupti­bles : “J’ai quand même testé des médicament­s pendant des années pour que les Inrocks existent (.)… Il y a beaucoup de gens qui sont venus au journalism­e parce qu’ils avaient envie de défendre des disques et qu’ils trouvaient anormal que personne d’autre n’en parle. C’est toujours une bonne motivation.” Il a raison.

Herb Alpert, fondateur d’A&M avec Jerry Moss, se confie à Alec Baldwin (no comment) pour son podcast “Here’s The Thing”, sur Spotify : ses débuts pour King Records, Sam Cooke, Lou Adler. “Je ne connaissai­s rien à la production mais une expérience m’a poussé à m’y mettre. Au studio Annex, à Los Angeles, je regardais un producteur assez connu au travail.

Les musiciens répétaient. Plas Johnson, le saxophonis­te de ‘La Panthère

Rose’, a joué un solo incroyable.

Le producteur : – Plas, magnifique, refais-le.

Plas : – Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Rejoue ce solo, j’aime ça.

– Tu ne l’as pas enregistré ?

– Non, mais tu sais ce que tu as fait, refais juste la même chose.”

Oui, il faut appuyer sur record dès que possible, surtout maintenant qu’il n’y a plus de bande (ça coûtait un bras, surtout en 2 pouces à 76 cm/s, comme la pellicule au cinéma, et ça pesait un âne mort quand il fallait prendre l’avion avec les multipiste­s d’un LP), a fortiori quand on n’a pas fini les réglages, car on est alors détendu et spontané, les idées viennent avec plus de fluidité.

Dans la même série, “ce qu’un producteur devrait éviter en studio” : demander une nouvelle prise à un musicien sans en donner la raison. Il y a trente ans, je m’étais retrouvé tétanisé à jouer de la contrebass­e face à un artiste qui me disait dans le talkback : “On la refait”, sans que je comprenne ce qu’il fallait que je change. Chaque passe était pire que la précédente, mes doigts se crispaient (c’est le même accord que la basse électrique, mais pas le même ambitus). Peu après, à Abbey Road, avec une grosse section de cuivres, la première interpréta­tion était parfaite, je me demandais ce qu’on allait faire pendant le reste de la séance quand le groupe, trio trip-hop habitué à consacrer des heures à un sample, demanda de recommence­r, sans explicatio­n.

Il n’y avait pas de touche undo sur les magnétos, on écrasait ce qu’on venait de faire, surtout quand la rythmique était déjà fixée. A chaque nouveau passage, les instrument­istes perdaient du souffle, et à la fin, il fallut payer quinze minutes de dépassemen­t. Encore une chose : pour un disque en concert, ne pas prévenir qu’on enregistre si c’est un seul soir (tout le monde jouera trop raide et appliqué), ou alors capter plusieurs sets.

Livre de chevet : Marine Beccarelli, “Micros De Nuit, Histoire De La Radio Nocturne En France, 1945-2012” (PUR, 25 €, merci Christine Rousseau). Avec toute ma gratitude pour Mme Ming (Couleur 3), Theo Hakola et Thierry Planelle (Radio Cité Future), Luca Minchillo (Nova), Géraldine et Gérard Beullac (La Voix du Lézard), Serge Le Vaillant et la météo marine d’Inter.

La nuit est là

Qui me regarde avec des yeux Dessinés par Bertone Fantomatiq­ues par dizaines Les petits plaisirs donnent Les plus grandes joies

“La Nuit Est Là”, paroles Pascal Mounet. ■

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