Dee Dee Ramone enfermé dans le juke-box
Variation Sur Variations
Dans mon papier sur les Variations, paru dans le hors-série consacré au rock français, j’ai fait une erreur, que m’a signalée Marc Tobaly, guitariste du groupe, par ailleurs enchanté par l’article : j’ai dit que Jo Leb était arabe, alors qu’il est, comme Marc et Jacky Bitton, juif marocain. Cette gaffe m’avait été soufflée par Marc Zermati, dont j’ai pourtant appris à vérifier les dires souvent flamboyants, et à qui je dédie néanmoins cet article, ainsi qu’à Jacky Bitton, Marc Tobaly, Jo Leb, et à la mémoire de Jacques Grande, dit Petit Pois, qui nous a quittés en 2011. Avec toutes mes excuses : j’aurais dû vérifier.
Manque d’huile
Bonjour, je vois que vous avez omis le treizième et certainement le dernier album studio (“Resist”) du groupe australien Midnight Oil, comme le douzième et précédent disque (“The Makarrata Project”). Etant donné que les Oils sont sur la maison de disques Sony, je ne pense pas que cela soit une question de distribution... alors, pourquoi cette absence prolongée dans votre magazine ? En souvenir du fier et chauvin : Australian performance, australian compositions, australement rock. JACKY SALAMO
Dénominateur commun
Les Beatles m’ont regagné à leur cause l’autre soir, au Zénith de Caen, par un médium pittoresque et attachant, le cover band The Rabeats. Ces gars-là, loin d’être des copistes ultra appliqués, enfermés dans une posture mimétique, ne sont pas à une entorse près, dans la chronologie du répertoire notamment (allers-retours dans le temps assez vertigineux avec “While My Guitar Gently Weeps” au sitar, à la suite de “Norvegian Wood (This Bird Has Flown)” ; une tactique repousse-snob en soi très bien vue... Puis l’ultra présence ubiquiste d’un vocaliste unique, mais néanmoins convaincant, pour assurer toutes les parties lead, perceptiblement nuancées, de John, Paul, George... et même Ringo, qui désarçonne malgré tout quelque peu au départ (non mais qui est Macca ? Qui est John ? Celui avec la basse violon, nan ? On s’y perd), et puis on finit par comprendre, par intégrer le concept. Le tribute band en question est une évocation... Personnification d’un amour beatlesien dilué et diffus... Que chacun dans la salle est en mesure de justifier et, bien sûr, en autant de justifications possibles qu’il y a de fans... Et ça, c’est très beau. Suffit juste de passer outre. Alors, d’accord. Inutile de se demander alors si c’est anti-Ringo par excellence ou pas... Va pour le solo de batterie bonhamien ! Face à une marée de portables admiratifs ! Ce soir nous ne deviserons pas non plus de longueur du col ou ne spéculerons sur l’authenticité de la boot (les vestes de la période “Help!” au milieu des chars, accompagneront les Rabeats depuis “A Hard Day’s Night” jusqu’à la fin du set). Mais je m’égare. Car à dessein enfin, si on fait fi de toutes ces diversions, ce qui reste, inaltérable et fédératrice, c’est bel et bien la magie indiscutable de la musique des Fabs... Et là, on peut dire que le parti pris rock sur des morceaux jamais joués en live par les Beatles , comme “I Am The Walrus”, “Lucy In The Sky With Diamonds”, fonctionne... Si les oeuvres les plus ambitieuses comme “Happiness
Is A Warm Gun” sont délaissées, on constate cependant que, concept original préservé à l’adresse des connaisseurs, l’ensemble de la gamme est parcouru sur “A Day In The Life” (fut-ce slide à la six-cordes électrique), au cours d’un crescendo atomique, conforme aux voeux philharmoniques du McCartney épris de John Cage de l’époque. Plus que tout, ce qui compte à la fin, c’est que le frisson ressenti jusqu’au niveau de la fosse assise/ debout de ces contemporains des sixties naturellement équipés de sonotones qui m’entourent sur “Ticket To Ride” ou “Come Together” (avec un détour par “I Want You (She’s So Heavy)” pour les initiés), soit tout sauf authentique... Les Rabeats sont juste un moyen plus ouvertement solidaire, nivelant le fossé entre le fan moyen et le fan obsessionnel, de nous acquitter de notre dette éternelle envers John, Paul, George et Ringo... Car à des degrés divers, voilà notre dénominateur commun : les Beatles.
EDDY DUROSIER
Actualité
“Rocket To Russia” ou “Back In The USSR”? J’hésite. E. T. DECONING PEOPLE
Actualité bis
En 2006, les Sparks, d’actualité ces temps-ci avec leur participation à “Annette”, le dernier film de Leos Carax, sortaient sur leur album “Hello Young Lovers” le titre “(Baby, Baby) Can I Invade Your Country”. Si c’est pas prémonitoire, ça ! ALAIN DOUNONT
Audacieux
Pour tout vous dire, je m’attendais à une couverture avec Fontaines DC, mais Wet Leg, c’est franchement inattendu. Bien qu’elles nous proposent une pop racée, nerveuse avec des refrains malins, elles partaient quand même de loin, les deux jeunes Anglaises. Objectivement, habiter l’île de Wight, baptiser son groupe Jambe Mouillée, avoir pour titre-phare, une chanson nommée “Chaise Longue” et s’habiller avec les fripes de maman, voire de grand-maman, ce n’était pas gagné d’avance. Alors les retrouver en couverture de Rock&Folk, c’est bien plus audacieux qu’une énième de David ou Iggy. A dire vrai, ça a bien plus de gueule que de se taper certaines têtes à claques, type Axl Rose ou Marilyn Manson... Ah si, je vous assure... MéFISTO
Mon père
Cher Rock&Folk, je t’écris pour te faire part du décès de Pierre-Yves Milliez, mon père, né en 1952 ; à la bonne époque comme dirait Jack White. En lisant l’hommage fait à son oncle par Edouard Jacquesson il y a trois numéros, et alors que mon père était encore à combattre sa saloperie, je m’étais promis que je t’écrirais le jour où il serait parti. Je ne compte plus le nombre de groupes que mon père m’a fait découvrir à l’adolescence. Que ce soient des nouveautés de l’époque tels Oasis, Blur, ou Eels qui me viennent immédiatement à l’esprit. Mais surtout les anciens, ceux qui ont écrit l’histoire. Bob Dylan, David Bowie, Lou Reed, Roxy Music, Sparks, The Doors, Donovan, The Who, The Troggs, Stevie Wonder, Chuck Berry, The Kinks, Led Zeppelin, The Beach Boys, The Cure, Prefab Sprout ou encore Paul Simon dont il connaissait toutes les chansons sur le bout des doigts. Il adorait les Beatles mais s’il avait fallu choisir entre les deux, il était Stones. Définitivement.
Il en jouait souvent à la guitare. Bien que plus jeune, mon père sera mort avant la plupart de ses idoles ; malgré une vie dénuée de réels excès. Il n’était pas pour autant hygiéniste comme c’est devenu la mode ces derniers temps. C’est à lui que je dois de te lire depuis mes dix-sept ans en septembre 2000 (Hendrix en couverture). Et après avoir lu chaque numéro, je lui passais mon R&F qu’il lisait systématiquement avec l’enthousiasme d’un gamin.
Il me disait souvent : “Ils sont quand même bloqués dans le passé à R&F”. mais il adorait vos plumes et apprenait à chaque fois une anecdote sur ses groupes favoris, même s’il les connaissait souvent depuis plus longtemps que l’auteur de l’article. A vingt ans, j’ai découvert Paris et l’incroyable richesse de sa programmation musicale. J’ai écumé à peu près tous les lieux de concerts pour y voir et écouter mes artistes favoris. J’y ai souvent traîné mon père qui, bien qu’habitant à une heure et demie de là, m’accompagnait avec joie. J’ai ainsi pu à mon tour lui faire partager mon expérience. Mon père était d’une curiosité musicale insatiable. Du haut de mes presque quarante ans, j’ai honte d’être déjà blasé. Je crois que l’on est tous ainsi faits, on a notre âge d’or, tous ces groupes que l’on découvre entre quinze et trente ans et qui finissent par devenir notre panthéon personnel.
On écoute bien évidemment les nouveautés, mais on revient systématiquement à ces artistes qu’on a découverts plus jeune. Voilà, cher Rock&Folk, tu perds un lecteur mais je continuerai à te lire chaque mois avec la même ferveur et passerai le flambeau à mes filles quand elles auront l’âge d’apprécier. Portez-vous bien, c’est le plus important. CORENTIN
Histoire d’O
Salut à vous, je lis dans mon magazine préféré “au service du rock’n’roll depuis 1966” avec circonspection les volutes de Patrick Eudeline (sorry mais le contresens sur Marc’O est du même acabit). Voilà que celui qui inspira une grande partie de la culture underground (dont Guy Debort) devient sous la plume du Sieur Eudeline un suiveur situationniste, un bourgeois de gauche noyé dans une vitupération de la culture populaire, un has been déjà là forever ! Oups, je ne sais quel médiator a griffé les neurones du susnommé, mais il a dû être sacrément trempé dans l’aigreur pour produire autant de confusion. Bulle Ogier me disait aujourd’hui ne pas avoir lu un tel contresens sur la personne. Marc’O est l’antithèse de cela, a fortiori en 1968. Il est de ceux qui débusquent de suite les apories d’une lecture rapide de “La Société Du Spectacle”, en prenant bien soin de distinguer le spectacle (qu’il défend) du showbusiness (qu’il vomit). Il est du côté de l’essence du rock, pas des produits de sous-consommation de la pop culture 1966-67. Il le sera tout au long de sa vie (à revoir “Flash Rouge”, opéra-rock avec la première Catherine Ringer pour s’en convaincre) ou les spectacles de Génération Chaos... Marc’O, le bobo gaucho du Quartier Latin, prit les devants dès 1942 au Maquis d’Auvergne, ou dans Le Soulèvement De La Jeunesse. A voir (ou revoir) “L’Archipel Du Cas O’” sur Youtube, le cinéma de notre temps, que je lui ai consacré, et bientôt “Que Je Naisse Se Fasse”, un film coécrit avec Marc O’ sur la jeunesse montrée au FID de Marseille 2019, dans lequel il fait don de son corps sur “Nightclubbing” pour expliquer la dynamique de son travail de direction d’acteur. Peu de musiciens, ou d’acteurs convaincus (Kalfon, Clémenti), n’auraient suivi le chemin d’un faker. Bien à vous. SéBASTIEN JUY
Canicule
“I’m a rock star.” Un soir de canicule de juillet 2018, New York, East Village, à quelques pas de Tompkins Park dont les émeutes d’août 1988, lors de l’évacuation des sans-abri, marginaux, drag-queens, etc., un exemple de tolérance urbaine et d’ouverture à des altérités non assimilées, ont durement été réprimées, le quartier dans son ensemble s’est profondément modifié depuis lors. Le Manitoba’s Bar 99 avenue A, était un des derniers lieux rock sous la houlette de Dick Manitoba, le leader de feu The Dictators. Un vieux juke-box avec une playlist mêlant les Modern Lovers, Ramones, Elvis, Dean Martin, les Ronettes, The Dead Boys... un écran TV passant en sourdine entre deux matchs de baseball la filmographie de Russ Meyer “Supervixens”... Bref, l’occasion de boire quelques bières avec une clientèle pour le moins éclectique dans un lieu inspirant, le bar a été malheureusement fermé il y a trois ans sous l’injonction d’un nouveau riche voisin que l’agitation nocturne dérangeait, et de problèmes financiers, le quartier finit de rentrer dans la norme, certainement une boutique de bagels l’a remplacé depuis. Chaleur poisseuse, quelques bières fraîches, Dee Dee Ramone enfermé dans le juke-box tape comme un sourd sur ses fûts, une étrange discussion s’engage dans mon mauvais anglais avec Adam, largement la cinquantaine comme moi, qui m’explique avoir fait une audition pour Kiss et joué ensuite avec Johnny Thunders, et publié une dizaine de disques sous son nom Adam Bomb... J’ouvre de grands yeux, je ne connais pas, malgré ma lecture assidue de R&F depuis quarante ans, on échange sur nos vies, problèmes de santé de sa fille, Trump au pouvoir, canicule du jour, difficultés financières, assis sur le trottoir noirâtre de l’avenue A pour finir sa clope et nos bières tièdes avec en fond sonore le son de New York la nuit. Au bout du bout, je lui demande : “Mais quel est ton métier maintenant ?”, il me répond : “JP, I’m a rock star !” Point final, retour chariot (pour ceux qui ont connu les machines à écrire mécanique IBM, Remington). JPB
PS : Monsieur Erudit Rock de R&F, une petite récap sur The Dictators et l’ami Adam ?