Rock & Folk

Melody’s Echo Chamber

- VIANNEY G.

“Emotional Eternal”

DOMINO

Il y a ceux qui construise­nt leur mystère, et il y a ceux qui le portent en eux : telle est Melody Prochet. La Française, qui se décrivait comme une “fleur fanée” avant sa rencontre avec le groupe suédois Dungen, semble s’être métamorpho­sée en plante héliotrope sur ce troisième album inespéré et radieux, d’une richesse démente, dans lequel on distingue du mellotron, du saz, de la cithare, des guitares grésillant­es comme dans du psyché turc, des cordes à profusion... Les morceaux sont tout aussi composites que dans “Bon Voyage”, mais toutes les ruptures sont estompées par le moelleux de la basse, comme sur “The Hypnotist”, dont le tempo s’amollit dans son premier tiers, avant que le motif principal ne se mette à dessiner des arabesques autour desquelles s’enroulent les instructio­ns de la chanteuse à l’auditeur : “5... Tu es dans un bois, paisible/ 4, 3... Tu vois la lumière/ Tu respires l’odeur des pins et des cèdres... ” Ça pourrait être embarrassa­nt, mais c’est pourtant beau comme du Hedayat. Le chant, irréel, oscillant, parfois d’un accord à l’autre, de l’euphorie mystique à un effroi enfantin (“Emotional Eternal”), flotte comme une sorte de vapeur audessus des chansons, à la manière du sourire sans corps du Chat du Cheshire. Ne pas croire que Prochet ne fait qu’annoter la Vulgate : même si “Alma_The Voyage” emprunte à Gainsbourg les accords de “Ford Mustang”, comme “Visions Of Someone Special, On A Wall Of Reflection­s” (merveille du précédent album), le titre a ses beautés propres, en particulie­r la longue plage planante l’achevant, qui nous emplit, comme le fait aussi la splendide coda de “A Slow Dawning Of Peace”, de ce que Romain Rolland nommait un sentiment océanique (le mot psychédéli­que n’existait pas encore). Le plus grand album du genre depuis “Hypnophobi­a” de Jacco Gardner. ✪✪✪✪

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France