Steven Brown
“El Hombre Invisible”
CRAMMED DISCS
Tuxedomoon était un groupe fabuleux. On les avait découverts en 1980 avec le très bel album “Half-Mute”, sur le label des Residents, leurs voisins — tout aussi barrés — de San Francisco. Steven Brown en était le fondateur, avec Blaine Reininger. Leur musique ? Expérimentale mais agréable. Froide mais chaude. Grinçante mais mélodique. Minimaliste mais riche. Répétitive sans être chiante. Une rareté, en somme.
Et un secret bien gardé. Ils sont bien sûr venus en Europe, où on a toujours bien accueilli les musiciens américains “à faible potentiel commercial”. Et ils y sont restés — en Belgique, pour être précis, la patrie des musiques différentes. Ils ont bien sûr fait beaucoup de musiques de spectacles avant-gardistes. Et on a un peu perdu leur trace... Peut-être existent-ils encore. Peut-être ne le savent-ils pas eux-mêmes. En tout cas, ce qu’on sait, en 2022, c’est que Steven Brown vit au Mexique et qu’il vient de produire cet album solo de toute beauté. Un truc qu’on n’attendait pas. Qu’on écoute d’abord d’une oreille distraite. Moins difficile qu’on ne l’aurait cru. L’âge, probablement. La sagesse. On retrouve tout ce qu’on aimait chez Tuxedomoon, les dissonances en moins. Cette voix étrange de nonchanteur, terriblement séduisante. Ces textes courts mais percutants, malins. Ces nappes de claviers statiques. Cette basse en avant.
Ce son de saxophone magnifiquement original car incroyablement non-jazz (“The Book”). Et pas de batterie
— on dira ce qu’on voudra, mais ça repose. Et puis, petit à petit, ce disque ne vous lâche plus. Il va falloir réécouter — enfin écouter — tout ce qu’a fait ce garçon depuis une trentaine d’années. C’est peut-être formidable. C’est même fort probable. ✪✪✪