Rock & Folk

Jonathan Richman & The Modern Lovers

“JONATHAN RICHMAN & THE MOERN LOVERS”

- Music On CD/ BMG (Import Gibert Joseph)

C’est le virage le plus sidérant de l’histoire du rock. En comparaiso­n, celui d’Evan Dando fait figure de gentil caprice. Avec une première version des Modern Lovers (sans le “Jonathan Richman”), Richman avait enregistré plusieurs démos avec John Cale, et d’autres avec Kim Fowley. Tout cela en 1971 et 1972, avec Ernie Brooks à la basse et Jerry Harrison (futur Talking Heads) aux claviers. Ces séances sortiront finalement des années plus tard, en 1976. Le résultat était sidérant : du punk avant l’heure, avec des morceaux légendaire­s, dont “She Cracked”, et le classique absolu, “Roadrunner”, qui sonnait comme un “Sister Ray” joyeux et juvénile. Richman, obsédé par le Velvet Undergroun­d, était encore un gamin à l’époque. Puis ce grand excentriqu­e a décidé qu’il ne ferait plus de musique bruyante, s’est mis à jouer dans des hôpitaux d’enfants à problèmes. “Ces gosses soi-disant attardés me comprennen­t mieux que les adultes non attardés”, a-t-il dit. La première version des Modern Lovers a été dissoute, un nouvel album (le premier véritable, en fait) a été conçu et pensé de manière radicaleme­nt différente : que des guitares claires, une batterie toute légère, un peu de basse, quasiment aucun solo, et des chansons aux titres assez délirants, collant parfaiteme­nt à la voix étrange de Richman, qui semble parfois directemen­t sorti de l’asile. L’homme ne manquait pas d’imaginatio­n en signant des chansons intitulées “Lonely Financial Zone”, “Hey There Little Insect”, “Here Come The Martian Martians”, “Abominable Snowman In The Market” ou “Rockin’ Shopping Center”, avec des influences doo wop ou rock fifties, en version tellement sages qu’elles sonnent parfois presque parodiques. Sa nouvelle version de “Roadrunner”, dépouillée de l’orgue fou figurant sur “The Modern Lovers”, reste joviale mais en ressort complèteme­nt épurée. Enfin, il y a sa déclaratio­n d’amour à la Nouvelle-Angleterre (“New England”), intéressan­te pour ceux qui ne sauraient pas où aller aux Etats-Unis, et une reprise de “Back In The USA” de Chuck Berry très différente de celle de MC5. L’ensemble donne un disque qui ne ressemble à rien d’autre sorti à l’époque (par malheur, “Modern Lovers” et “Jonathan Richman & The Modern Lovers” sont sortis simultaném­ent, à quelques mois d’écart, ce qui a rendu les auditeurs assez confus, qui ont sans doute eu l’impression d’entendre les albums de deux artistes différents). Mais c’est ainsi : il n’y a qu’un Jonathan Richman, et personne ne sait exactement ce qui se passe dans sa tête (à l’exception de ses vieux amis des Rubinoos, qui ont joué avec lui et étaient signés sur le même label, Beserkley Records). On l’a même vu par la suite jouer un étrange troubadour dans “Mary A Tout Prix” des frères Farrelly. Il est toujours des nôtres, c’est tant mieux.

Personne ne sait exactement ce qui se passe dans sa tête

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