Double vinyle rouge sang
Rééditions, nouveautés et 45 tours : le point sur les meilleurs microsillons du moment.
Rééditions
Pink Floyd
“The Piper At The Gates Of Dawn” Pink Floyd Records
Difficile de rester objectif lorsqu’on aborde le sujet “The Piper At The Gates Of Dawn”, premier album de Pink Floyd sorti en 1967 et chef-d’oeuvre absolu du génie égaré Syd Barrett. Un disque qui mêle chansons pop kaléidoscopiques courtes inspirées des contes de Chaucer et des récits de Tolkien et Lewis Caroll (“Matilda Mother”, “Lucifer Sam”, “The Gnome”) et longues envolées planantes (“Astronomy Domine”, “Interstellar Overdrive”), inventant au passage le concept de space-rock. Une pierre angulaire du rock psychédélique britannique, dont l’influence s’est étendue sur des milliers de groupes ces cinquante dernières années. L’intérêt de cette réédition réside
dans le fait qu’elle propose la version mono de l’album, qui demeure la plus fidèle aux intentions initiales du groupe. Un mix où les voix sont plus voilées d’effets et où l’orgue de Rick Wright occupe plus d’espace que sur la stéréo (c’est notamment audible sur “Interstellar Overdrive”) et qu’il est appréciable de retrouver.
The Coral
“The Coral” Deltasonic
C’était en 2002. Dans l’effervescence d’un retour du rock à guitare aux quatre coins de la planète, l’Angleterre dégainait avec The Coral la plus belle des réponses. Un groupe lettré de musiciens surdoués biberonnés à Love, Bob Marley et Dion DiMucci, héritiers des La’s dans la grande tradition des cosmic scousers de Liverpool. “The Coral”, premier album sorti il y a vingt ans, est toujours aussi
vibrant et superbement bordélique. Un miracle de pop psychédélique empli de mélodies limpides (“Simon Diamond”, “I Remember When”), d’évasions garage (“Goodbye”) et de folie beefheartienne (“Skeleton Key”), qui s’est hissé au sommet des charts à l’époque, lançant avec brio la carrière d’un des groupes les plus brillants de sa génération. Cette réédition sur double vinyle démontre en outre que The Coral savait écrire des faces B meilleures que bien de singles de leurs contemporains (“God Knows”).
Suicide
“Surrender” Mute/ BMG
Oh, la belle compilation. Voici Suicide résumé en seize titres passionnants (dont deux versions inédites) sur un double vinyle rouge sang. Nul besoin de présenter ici ces révolutionnaires de la musique électronique,
inventeurs du punk synthétique le plus radical et avant-gardiste de son époque, toujours aussi dérangeant et passionnant plusieurs décennies après. Dans le magnifique texte qui accompagne le disque, Henry Rollins (des non moins légendaires Black Flag) décrit le projet non pas comme un best of, mais comme une porte d’entrée dans l’univers du groupe. Une mission accomplie haut la main tant l’album, qui retrace toute la carrière du groupe, de “Suicide” (1977) à “American Supreme” (2002), donne envie de se replonger dans l’oeuvre de Martin Rev et Alan Vega.
Warum Joe
“Dans Le Blizzard” “Tanzen & Trinken” SMAP
Après les excellentes rééditions de l’année dernière, SMAP continue de
ressortir le répertoire de Warum Joe, groupe punk français culte du début des années quatre-vingt. Les deux premiers enregistrements, sortis à l’origine chez New Rose, reviennent en vinyle augmentés de morceaux bonus et de goodies magnifiques (inserts, fac-similés...). “Dans Le Blizzard”, premier album du groupe, sorti en 1981, possède notamment “Datcha”, classique punk français représentatif de l’approche minimaliste du groupe (boîte à rythmes, guitares anguleuses, chant revendicatif en français), mais “Tanzen & Trinken” (1982) est peut-être le classique oublié du groupe.
El Goodo
“Coyote” Strangetown
Ils ne viennent pas de Liverpool, mais c’est tout comme. Originaires du pays de Galles voisin, ces disciples des Super Furry Animals ont publié en 2008 avec “Coyote” un magnifique disque de pop psychédélique dans un anonymat quasi général. Impossible à trouver, d’autant que le groupe sortait peu de son pays, “Coyote” bénéficie aujourd’hui de sa toute première édition vinyle, pour le bonheur de ses (douze) fans. L’occasion rêvée de redécouvrir des chansons aux mélodies limpides telles que “Aren’t You Grand”, “I Saw Her Today” , l’électricité garage de “Feel So Fine”. Un bon disque trop méconnu, par un groupe attachant.
The Pretty Things
“Electric Banana 1967-1969”
Audio Clarity
C’est une des péripéties qui fait la légende des Pretty Things. Alors que le groupe menait sa carrière chez EMI, produisant des chefsd’oeuvre tels que “SF Sorrow” et “Parachute”, il fut contacté par le label De Wolfe, spécialiste en library music (la musique d’habillage sonore pour films et radio) afin d’enregistrer des morceaux sous pseudonyme. Ainsi est né le faux groupe Electric Banana qui a enregistré des dizaines de chansons pour des films tels que “What’s Good For The Goose” dans un flou juridique certain. L’album compilé ici présente les Pretties au sommet de leur art, pour ce qui est un véritable album fantôme du groupe. De “Street Girl” à “Alexander”, la patte du groupe est immédiatement reconnaissable, et on peut légitimement s’interroger sur le destin que ces chansons auraient pu connaître dans un autre contexte.
Nouveautés
Romano Bianchi
“Fringale” Le Pop Club
On l’avait croisé et apprécié au sein du groupe Magic & Naked, le Genevois Romain Deshusses publie sous le nom de Romano Bianchi un premier album sophistiqué aux arrangements feutrés et aux textes finement ciselés. Douceur psychédélique et mélodies contemplatives (“A L’Ombre D’Une Idole”) sont au programme de cet excellent album où pointe parfois un humour vachard (“Quittez Toutes Les Ecoles D’Art”).
BOPS
“Sounds Of Parade” Le Cèpe/ Lofish/ Freakout
Jeune groupe rennais formé autour des frères Cozic-Bop (Louis, basse et chant, Oscar,batterie, Germain, chant/ guitare), les Bops se sont enrichis d’un quatrième membre (Tom Beaudoin, claviers) pour leur second album. Délaissant la fougue power pop de ses débuts, le groupe livre avec “Sounds Of Parade” un disque ambitieux. Mélodies à tiroirs (“Sequencer”), saillies pop aux paroles humoristiques (“No Job”), harmonies divines (“R.A.VA.C.H.O.L.”), titres aux orchestrations classieuses (“Martin, Martin” avec la participation de l’orchestre symphonique de Sofia) : c’est une belle réussite.
45 tours
After Geography
“Mr Rain”
KRML/ Dangerhouse Skylab
Si le nom de groupe est un clin d’oeil aux Beatles — “After Geography” était une vanne de Ringo Starr sur “Aftermath” des Rolling Stones, un choix de titre écarté à la faveur de “Revolver” —, le son de ces Lyonnais (qu’on avait déjà croisés au sein des excellents Sunder) doit plus à la power pop du début des années soixante-dix. Leur premier EP propose trois titres fins et délicats qui annoncent de belles choses à venir.
Monsieur Paul Et Les Solutions
“Dans Mon Monde” Staubgold/ Cougouyou 20
Le projet de Monsieur Paul Et Les Solutions est annoncé sans ambages en ouverture de la face B de cet EP : “Plagier Dutronc”. Pour ce faire, quoi de mieux qu’un mélange de guitares fuzz et de claviers Farfisa ? Sur quatre morceaux, le groupe fait étalage de son érudition avec un humour caustique (“Dans Mon Monde”) qui n’est pas sans évoquer Evariste, autre modèle revendiqué. ■