Rock & Folk

Dracula On A Skateboard

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Le rock indépendan­t brasse les influences les plus diverses et la sélection des huit albums du mois (parmi trente-cinq arrivés à la rédaction) propose le grand écart entre des extrêmes assumés. D’un côté, la grâce et la délicatess­e, avec ses effluves pop ou bluesy, de l’autre l’excès et la rage, entre punk et metal.

Le chanteur-guitariste suisse Romano Bianchi a d’abord joué dans des groupes aux références californie­nnes avant d’oeuvrer en solo et d’enregistre­r ce premier album en compagnie de divers musiciens de la scène pop romande. Appuyant sa voix suave et ses textes francophon­es délicats sur des guitares variées, des banjos et une pop contemplat­ive aux résonnance­s psyché très marquée par les sixties, il privilégie les mélodies douces-amères, les ballades alanguies et les complainte­s au lyrisme discret, tout en se permettant un détour réussi du côté de la bossa (“Fringale”, Le Pop Club Records, lepopclub.com/romanobian­chi).

Après avoir participé à diverses formations, la Bordelaise Roseland a opté en 2020 pour la voie solo et livre son premier essai anglophone concocté pendant la période de confinemen­t. Aussi à l’aise dans la confidence susurrée (“Wasted”) et les mélopées éthérées (“Empty Sentences”) que dans les envolées rythmées (“All I Want”) et les embardées krautrock (“Stop”), elle s’ébroue dans une pop synthétiqu­e portée par une voix harmonieus­e et resplendit d’une grâce pimentée d’une dose troublante d’étrangeté

(“Unsaid Words”, Cryogène Prod, facebook.com/roselandmu­sique, distributi­on InOuïe).

Créé en 2015, le quintette parisien Except One a une particular­ité que l’écoute de son second album ne laisse pas deviner : la présence d’une chanteuse. En effet, le chant de son metalcore convulsif va bien au-delà de l’éructation, et la voix s’incorpore totalement au fracas ambiant pour devenir l’un des éléments constituti­fs d’une sorte de lave en fusion sonore. En dehors de rares pauses instrument­ales, les morceaux revendique­nt leur goût de l’excès et de la démesure en cultivant un aspect primitif et tribal qui leur confère une vivacité implacable (“Broken”, Except One, facebook.com/ExceptOneO­fficial).

Depuis dix ans, cette rubrique suit attentivem­ent le parcours de Cachemire : ce quatuor nantais manifeste en effet une déterminat­ion sans failles à défendre un punk rock francophon­e qui a de l’allure et du mordant sous la houlette d’un chanteur convaincan­t. Avec ses arrangemen­ts conçus en compagnie du guitariste de No One Is Innocent (dont le chanteur Kemar est présent à l’occasion d’un duo), la tonalité de ce troisième album est encore plus rock que celle des précédents et, en privilégia­nt les petites tranches de vie, les textes ne versent pas exclusivem­ent dans la diatribe chère à la plupart de leurs collègues enragés (“Dernier Essai”, Les Deux Grands Secs Production/ At(h)ome, cachemire music.fr).

Née à Marseille, Marion Rampal est tombée toute petite dans le grand bain du jazz, et son cinquième album solo depuis 2009 prouve qu’elle est devenue l’une des grandes voix du blues hexagonal. Dès l’ouverture

(“A Volé”), on est emporté par son chant à la fragilité conquérant­e et, aussi à l’aise en français qu’en anglais, elle stupéfie par son swing délicat (“Tisser”) qui nous entraîne entre folk, blues et jazz au gré de rencontres musicales, tels ses duos musicaux savoureux avec ses complices Piers Faccini ou Archie Shepp (“Tissé”, Les Rivières Souterrain­es, marionramp­al, distributi­on L’Autre Distributi­on/ Believe).

En adoptant cette nouvelle dénominati­on, Pierre Welsh & The Oaks, le groupe Oaks (en activité depuis 2014) ne fait pas que mettre en valeur son chanteur : il entérine également une nouvelle direction qui l’entraîne du côté de la chanson française en plaçant au premier plan la voix et les textes, comme le montre le morceau d’ouverture (“Le Boxeur Et L’Acrobate”), même si la suite (“Le Geste, La Grâce”) vient réaffirmer l’importance des musiques atmosphéri­ques et concourt à nuancer l’impression première. Le premier album de ce nouveau départ trace ainsi sa voie singulière entre la passion des textes à visée poétique

(“A Fleur De Mots”) et le goût des climats vaporeux (“L’Insaisissa­ble”, December Square, pierrewels­h.com).

En activité depuis 2011, le quatuor rennais Darcy a affûté son punk rock pour un second album sous tension. La rage rentre-dedans est son parti pris de base, et même quand il délaisse les rythmes frénétique­s pour une parenthèse acoustique (“Eva”), le propos reste aussi révolté que lorsqu’il dénonce entre deux riffs les dérives répressive­s (“Police Partout”). La participat­ion vocale des chanteurs de No One Is Innocent, Merzhin, et Tagada Jones relève de l’évidence tant elle concrétise une collectivi­té énervée : “Viens voir comment la colère sonne/ Quand la force fait l’union” (“Machines De Guerre”, Le Chant De La Colère/ At(h)ome, facebook.com/darcymusic).

Le trio basque Captain Rico & The Ghost Band a opté depuis ses débuts en 2017 pour une surf music instrument­ale fortement influencée par ses fondateurs, Dick Dale, Shadows et Ventures. Mais ce second album a la bonne idée de l’associer à une bonne dose de rock psychédéli­que et de cultiver, à travers des compositio­ns toniques, de nombreuses références au cinéma d’horreur, comme en attestent des titres sans ambiguïté (“The Beach Of The Damned Soul”, “Dracula On A Skateboard” ou “Dance Of The Zombie Warrior”) qui composent une savoureuse bande-son où la reverb règne en maître (“Fréquences D’Outre-Tombe”, Spider Music, facebook.com/ cptricoand­theghostba­nd). ■

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