Couturier situationniste
Depuis qu’il a délaissé le docu-musique pour la BD, Nicolas Pegon n’en finit plus d’étonner. “Hound Dog” (Denoël Graphic) est un thriller remarquable qui se passe dans un coin paumé du Wisconsin. Véritable carambolage entre Wim Wenders et Charles Burns, cette BD est une belle succession de plans cinéma qui se succèdent lentement autour d’un décor de misère urbaine peuplé de laissés pour compte. César se réveille un matin avec un gros chien dans sa chambre à coucher. Incapable de se rappeler comment le cabot a pu atterrir chez lui, le quinquagénaire à d’autres chiens à fouetter, à commencer par ses rhumatismes. Après être allé chez le docteur, César et le toutou se rendent chez Alex, un fan d’Elvis Presley période Las Vegas qui a toujours une théorie à proposer sur tout. César compte sur l’imagination de son ami pour trouver une solution à son problème canin. Mais, après avoir écouté les informations, les deux vont comprendre que l’après-midi risque d’être long et chaud.
“Jazzman” (Albin Michel) est la seconde incursion de Jop dans le monde de la BD. Cette fois, il revisite New York et le jazz dans une histoire où l’improvisation prend quelquefois le pas sur le déroulé de l’histoire. Rebaptisée New Story City, la ville est désormais dirigée par un jeune excentrique prêt à tout pour faire du fric. Toute ressemblance avec Donald Trump est purement fortuite. Pour son dernier projet immobilier, l’édile compte bien raser le quartier où se dresse un vieux club de jazz. Alors que les démolisseurs se préparent à abattre les murs, Edward Renard, l’ancien barman du lieu, a rendez-vous avec différents fantômes du passé. Sauvé des débris par le dénommé Birdy Jones, il est soigné par Lady Taylor et sa fille Billie qui mènent la fronde contre l’emprise du maire sur la ville. Colorisée en note bleue massive, l’ouvrage aurait sans doute gagné avec un scénario plus resserré. La partie onde radio-neuronale est en trop. C’est dommage car tout le reste — décor, personnages, contexte — est très réussi.
Au Royaume-Uni, s’il y a une chose indissociable du rock, c’est bien le football. Pour faire la relation entre ces deux mondes unis par un certain sens du dépassement, le scénariste Kris a adapté le livre “Le Cinquième Beatles” de Vincent Duluc pour réaliser “George Best, Twist And Shoot” (Delcourt) dessiné par Florent Calvez. Au moment où George Best débarque à Manchester United, le gamin irlandais ne sait pas encore qu’il va devenir la première pop star de l’histoire des porteurs de shorts. Footballeur incroyable, il collectionne les trophées en même temps que les ennuis. Héritier de l’alcoolisme de sa mère, le footballeur n’arrivera jamais à combattre son addiction. Si l’ouvrage n’amène rien de nouveau sur George Best — le contenu respecte la chronologie —, cette BD au style réaliste dresse un portrait aussi honnête qu’attachant d’un homme dont le déclin aura duré plus longtemps que sa flamboyance.
Après différents écrits plus ou moins réussis consacrés au trublion de la mode et de la musique, “Malcolm McLaren, L’Art Du Désastre” (Futuropolis) est l’ouvrage le plus sympathique jamais consacré au manager décédé. Dans cette chronologie bien agencée, la paire de scénaristes Manu Leduc et Marie Eynard exploite parfaitement les différentes facettes du personnage, et tout ce qui a pu être reproché de son vivant à McLaren passe ici très bien à travers le prisme des petites cases. Depuis Mark Jay, et son poster promo réalisé pour accompagner le jubilé de la Reine en 1977, les fans de BD savent combien un traitement graphique caricatural convient parfaitement au monde du rock. Pour cette raison, la galerie de nains à grosse tête et nez pointu proposée par Lionel Chouin est un habillage sur-mesure parfait pour raconter la vie d’un couturier situationniste. Préfacé par Jean-Charles de Castelbajac, la BD contient aussi des passages surréalistes qui amuseront les amateurs de curiosités rapportées. ■