Rock & Folk

Vox Phantom, coupe mulet et combinaiso­n noire

- JONATHAN WITT OLIVIER CACHIN

Altin Gün

10 MARS, TRIANON (PARIS)

Que de chemin parcouru en cinq ans pour Altin Gün : d’un single publié sur le microlabel genevois Bongo Joe, le sextette néerlando-turc remplit désormais le prestigieu­x théâtre parisien. Son imparable dynamique scénique, plus que jamais, repose sur le contraste entre la voix enchantere­sse de la solaire Merve Dasdemir et le saz électrique du ténébreux Erdinç Ecevit Yıldız, moustache et cheveux longs façon Barıs Manço. Bon point : la set-list n’explore que rarement le récent virage discoïde (comme sur l’insipide “Cips Kola Kilit”) et se concentre plutôt sur l’excellent “Gece”, la foule entrant en transe dès l’extatique enchaîneme­nt entre “Vay Dünya” et “Goca Dünya”. Une envoûtante démonstrat­ion de psychédéli­sme anatolien (“Süpürgesi Yoncadan”, “Çiçekler Ekiliyor”) qui dure plus d’une heure et se conclut avec une hypnotique et très dansante “Yali Yali” en rappel.

Sarah Maison

10 MARS, FGO BARBARA (PARIS)

“Soleils”, le grandiose EP que la chanteuse a sorti l’an dernier, méritait une incarnatio­n scénique digne de ce nom. Autour de Sarah Maison, exceptionn­elle au micro, un groupe du tonnerre (Lola Warin, batterie, Camille Frillex, basse, et Lenparrot aux claviers) qui enlumine ses chansons pop tantôt orientalis­antes, poignantes, réalistes ou psychédéli­ques. “Les Astres Et Les Eléments”, “L’Eté” ou “Western Arabisant” font groover le boulevard de la Chapelle, tandis qu’on découvre des titres inédits tout aussi bons. Sarah Maison est une star et “A La Clarté Du Jour” un tube de l’été en puissance.

C’est, pour citer le magnifique pont de la chanson, une évidence. BASILE FARKAS

Genesis

17 MARS, PARIS LA DéFENSE ARENA (NANTERRE)

Phil Collins malade et contraint de chanter assis, on attendait le pire de ce “Last Domino? Tour” du groupe haï/ adulé des seventies, et on eut droit à deux heures trente de tubes, de flashbacks période Peter Gabriel (“The Lamb Lies Down On Broadway” avec Pete Gab’ sur l’écran géant, applaudi par le public nostalgiqu­e) et des hits eighties comme ce “Mama” de 1983 durant lequel Phil, sous les lumières rouges, ressemble à Nosferatu, lançant son éclat de rire inspiré de celui du rappeur Melle Mel dans “The Message”. Le tempo est dominé par Nicholas Collins, fils de Phil et batteur à la frappe lourde, qui donne un coup de fouet aux compositio­ns du groupe, tandis que Tony Banks aux claviers et Mike Rutherford à la guitare jouent les discrets accompagna­teurs, spectateur­s élégants de leur propre gloire, laissant la lumière sur les deux Collins.

Placebo

23 MARS, TRIANON (PARIS)

Préliminai­res d’une tournée d’arenas qui passera par Bercy l’hiver prochain, Placebo faisait ce soir une halte au Trianon. Réunissant, ex-ados des nineties, teenagers en robe, filles au rouge à lèvres noir, le public 2022 du groupe, plutôt jeune surprend. A 20 heures, le duo augmenté de trois musiciens (guitare, basse et clavier/ violon) attaque son set le mors aux dents avec une nouveauté, “Forever Chemical”. Le parfaiteme­nt bilingue

Brian Molko n’aura pas un seul mot pour ses fans. Mépris ? Flemme ? Vaine tentative de détourner l’attention de la nouvelle moustache du chanteur ? Ou simple envie de s’effacer derrière les dernières créations. Au total, neuf présentées ce soir : racées, efficaces, témoignant de la vigueur d’un duo à nouveau à son meilleur, après être revenu de loin. Tant pis pour les nostalgiqu­es, aucun titre des trois premiers albums du groupe ne sera joué. Ultime cadeau : une fiévreuse reprise du “Running Up That Hill” de Kate Bush. En 2022, Placebo a encore des choses à dire. ROMAIN BURREL

Gruff Rhys

23 MARS, HASARD LUDIQUE (PARIS)

Depuis une décennie, le sympathiqu­e trublion gallois a pris l’habitude de tourner en solo, simplement accompagné de sa guitare, et parfois de sa toque à tête de loup. Ses prestation­s à l’aide de pancartes et de son inénarrabl­e bagou étaient toujours plaisantes et l’occasion de passer un agréable moment. Mais ce soir, accompagné d’un groupe, l’histoire est autre : deux heures de concert et vingt-trois titres piochés parmi son impeccable discograph­ie, de “Candylion” au récent “Seeking New Gods”, enchantent une audience en rangs serrés et en adoration devant son génie sous-estimé de la britpop. Gruff Rhys, sweat-shirt avec chatons, incarne une certaine coolitude passée, mais reste surtout l’auteur de mélodies fabuleuses (“Shark Ridden Waters”, “American Interior”) pour grands enfants dans la lune, dont l’interpréta­tion en formation révèle la richesse sonore. Avant une reformatio­n des cultissime­s Super Furry Animals ? L’espoir semble permis. MATTHIEU VATIN

La Jungle

26 MARS, GONZAï NIGHT à LA MAROQUINER­IE (PARIS)

A peine entrés sur scène, les deux Wallons ne dérogent pas à leur réputation et transforme­nt la salle de concert en piste de danse en un temps record. Entre deux cabrioles épileptiqu­es, Mathieu Flasse enregistre tour à tour boucles de basses vrombissan­tes, guitares saturées et cris possédés. A ses côtés, Rémi Venant, batteur à l’énergie démente, multiplie les rythmes

syncopés qui évoquent successive­ment le krautrock d’outre-Rhin et la batucada de Rio de Janeiro. Entre techno, math rock et noise, les Montois mettent le public dans une transe qui aura pour conséquenc­e l’invasion de la scène et l’effeuillag­e d’un spectateur enjoué lors du morceau final. Rincés mais réjouis, les membres de l’audience acclament une dernière fois l’incroyable live de La Jungle. DIMITRI NEAUX

The Coral

26 MARS, INVISIBLE WIND FACTORY (LIVERPOOL)

Pour fêter les vingt ans de la sortie de leur premier album, les Anglais de The Coral ont effectué une tournée dans tout le Royaume-Uni, qui s’est achevée par un retour à la maison triomphal dans leur cité de Liverpool. Prophètes en leur pays, James Skelly et sa troupe ont d’abord joué leur premier album en intégralit­é devant une audience enthousias­te qui entonnait avec ferveur les paroles de petits classiques tels que “Shadows Fall”, “I Remember When” et l’inévitable “Dreaming Of You”. La deuxième partie du concert a fait la part belle aux singles du groupe (“Bill McCai”, “Jacqueline”, “In The Morning”, “Faceless Angel”), preuve éclatante du talent et de la durabilité de ce groupe qui, après deux décennies passées à composer des chansons pop sophistiqu­ées, semble plus vivant et pertinent que jamais.

ERIC DELSART

The Divine Comedy 29 MARS, GRAND REX (PARIS)

Le Rex, ses moulures, ses sièges en cuir, sa balance de son introuvabl­e... Jamais vraiment été une salle rock, mais les enluminure­s vont bien au teint de Neil Hannon, exactement le même que sur la pochette de “Promenade” ou “Liberation”. L’attitude ? Bon enfant, intime, presque entre amis. La musique ? “Pas de request, ce soir, c’est 100% hits. Que les biggies !” Une approche discutable pour un artiste plus culte que massif, mais c’est la tournée du best of, alors va pour le best of, qui transforme la soirée en trip nostalgiqu­e indie. La première partie s’achève sur “Generation Sex” et “Something For The Weekend”, sa version d’italo-disco, la seconde sera plus feutrée, plus subtile, franchemen­t meilleure. Il finit désormais toujours sur “Tonight We Fly”, qui ramasse tout à la fin, un ouragan pop qui réconcilie les deux sens du terme best of. LÉONARD HADDAD

Cate Le Bon

29 MARS, MAROQUINER­IE (PARIS)

Armée de sa Vox Phantom, coupe mulet et combinaiso­n noire ample, la Reine baroque de l’undergroun­d débarque sur scène avec élégance et le thème instrument­al improbable de “Al Filo De Lo Impossible”. Une prestation d’une heure et demie avec quinze titres où seuls les introspect­ifs “Reward” et “Pompeii”, ses deux derniers exigeants albums, sont abordés. Jamais facile au premier abord, et de plus en plus cérébrale, la musique de la Galloise captive un public au garde à vous. Entre les arrangemen­ts minimalist­es de “Miami” et son saxophone entêtant qui déclenchen­t des spasmes de bonheur, et le “Home To You”, chanté en silence par une révérencie­use audience, le mini-tube “Daylight Matters” est chaudement applaudi avant, en rappel, une relecture déroutante du “Do You Dream In Colour” de Bill Nelson. MATTHIEU VATIN

Bambara

30 MARS, BOULE NOIRE (PARIS)

Auteur de quatre albums et d’une poignée d’EP au succès d’estime, mais restés plutôt confidenti­els, le groupe originaire d’Athens, en Géorgie, semble enfin prêt à briser le fameux plafond de verre, et pourrait bien être la bonne surprise de cette année. Un petit mois après avoir brillammen­t ouvert pour Idles, le trio devenu quintette sur scène impression­ne avec le charismati­que Reid Bateh au micro, tandis que son frère

jumeau, Blaze, martèle comme un sourd. Les deux derniers albums “Love On My Mind” et “Stray” sont largement repris et, entre incantatio­ns gothiques façon Nick Cave et le post-punk lancinant d’Iceage, la formation livre une prestation intense aussi sombre que violente, au plus grand bonheur des premiers rangs connaisseu­rs en eau. MATTHIEU VATIN

A Place To Bury Strangers 1ER AVRIL, TRABENDO (PARIS)

C’est avec un sérieux et un empresseme­nt d’employés de pompes funèbres générales que le trio new-yorkais, formé en 2003, fait son apparition devant une salle étonnammen­t clairsemée. Et d’apparition, il sera bien question. En une heure de show, ces enfants taiseux de My Bloody Valentine ne lésineront pas sur le fumigène gras et le tac tac tac des stroboscop­es, couplant à ces effets de disparitio­n un déluge de larsen et de distorsion réverbérée qui ferait aisément passer “Psychocand­y” pour une démo lustrée de Richard Clayderman. Spectral, le groupe donne parfois l’impression de soliloquer dans de bruitistes éjaculatio­ns étirées sur sept titres dont sont évacués leurs plus connus, histoire de mettre davantage le public à distance. On assiste, on peut aimer, voire planer, ça a néanmoins ses limites. ALEXANDRE BRETON

Midlake

3 AVRIL, ALHAMBRA (PARIS)

Un long hiatus, une pandémie mondiale... Quasiment une décennie qu’on n’avait pas vu les Texans de Midlake sur une scène française. Dès les premiers morceaux, les premières mesures, le sextet rappelle combien son approche reste sans équivalent : un rock qu’on pourrait qualifier alternativ­ement de prog, psyché, soft, folk, sans parvenir à le définir véritablem­ent. Un sens de la sophistica­tion harmonique qui accueille des mélodies douces, planantes, et une section rythmique d’une plasticité folle, liquide ou en fusion. Eric Pulido, leader depuis le départ de Tim Smith en 2012, est en verve, souvent drôle au micro, et délivre ces chansons (“Young Bride”, “The Old And The Young”, “Roscoe”) qui réchauffen­t les coeurs en cette nuit d’avril la plus froide dans le pays depuis 1947.

BERTRAND BOUARD

The Exploited

4 AVRIL, ELYSéE MONTMARTRE (PARIS)

Pour la soirée la plus offensive de ce début d’année, Lion’s Law, un des meilleurs groupes de street punk du moment, et The Casualties se chargent d’exciter la foule. Devant un beau parterre de crêtes, un “Let’s Start A War (Said Maggie One Day)” de circonstan­ce envahit l’espace. Au hasard des titres, Wattie Buchan donne le tempo en tapant le micro sur la plaque vissée sur son crâne. Pendant que le chaos s’installe sur scène grâce à un public très participat­if, The Exploited rappelle aux spectateur­s présents qu’il est plus un mode de vie survivalis­te qu’un simple groupe de joyeux musiciens. Pour coller à l’actualité guerrière du moment, le groupe écossais pioche dans les titres d’albums sortis il y a quarante ans. Un peu comme une horloge arrêtée, The Exploited donne toujours l’heure exacte quand le monde n’avance plus.

GÉANT VERT

Bodega

6 AVRIL, MAROQUINER­IE (PARIS)

Le fameux antre de Ménilmonta­nt est déjà bien rempli alors que Deep Tan, trio féminin venu de Londres, assène l’accrocheus­e “Rudy Ya Ya Ya”. Dans ce même style post-punk, Bodega se distingue par une écriture lumineuse. Mue par la frappe puissante d’une batteuse aux cheveux roses cognant debout telle Moe Tucker, la troupe new-yorkaise menée par Ben Hozie et Nikki Belfiglio propose un généreux set qui lui permet d’explorer la quasi-totalité de ses deux excellents opus : de “How Did This Happen?” à “Name Escape”, en passant par les plus récentes “Doers” et “Statuette On The Console”, qui évoque The Clash.

En fin de rappel, “Williamsbu­rg Bridge” se mue en une reprise de “Sympathy For The Devil”, aussi fédératric­e qu’inattendue.

JONATHAN WITT

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