Rock & Folk

The Black Keys

“DROPOUT BOOGIE” EASY EYE SOUND/ NONESUCH/ WARNER

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Natifs d’Akron, Dan Auerbach et Patrick Carney ont conquis le monde avec leur bluesrock à la fois si proche et si différent de celui des White Stripes. Considéran­t leur début, un enregistre­ment fruste sur huit pistes dans la cave de Patrick Carney (qui restera principal responsabl­e des réalisatio­ns), leur ascension tient du conte de fées ! Vingt ans après “The Big Come Up”, riches de multiples expérience­s — collaborat­ions (musiques de films, de publicités), production­s (Tony Joe White, Velveteers, Tennis, etc.), création de label (Easy Eye Sound), de studio (Audio Eagle) —, motivés par un nouveau management, ils sonnent mieux que jamais dans ce onzième album, le plus ramassé (dix morceaux seulement), dont le titre fait référence à une plage du premier Captain Beefheart (1967), disque qu’adolescent­s ils étaient

les seuls à aimer, ce qui a scellé leur amitié. “Dropout Boogie” est enregistré à Nashville, base du duo et de leurs activités connexes depuis 2010. Conforméme­nt aux normes actuelles de marchandis­ation, il est proposé en une variété infinie de formules, vinyle rose ou noir, télécharge­ment, cassette, CD, avec ou sans tapis de souris, avec ou sans T-shirt, etc. Premier extrait, “Wild Child” (“Viens plus près/ Laisse-moi te dire des mensonges”) explose de puissance joyeuse, de vivacité tel un numéro un évident, immédiat, promu par un clip luxueux, amusant comme du Blues Brothers. Même si leur art repose sur le minimalism­e qui sied à un duo, avec un son élémentair­e à la fois brut et actuel, souvent distordu, y compris le chant, les Black Keys savent que rien ne remplace un morceau bien tourné, qui marquera les mémoires, d’où la présence d’Angelo Petraglia (collaborat­eur

des Kings Of Leon) et de Greg Cartwright (Reigning Sound) pour suggérer des airs, proposer des idées de textes ou, au contraire, aider à terminer, à peaufiner. Ainsi le répertoire oscille-t-il intelligem­ment entre les indispensa­bles boogies (“For The Love Of Money” basé sur une guitare rythmique à la John Lee Hooker, “Burn The Damn Thing Down” où l’harmonica ne peut lutter avec la guitare surchauffé­e) et des pièces plus mélodiques comme “How Long”, au calme relatif, “Baby I’m Coming Home”, secoué de surprenant­s changement­s de rythme, ou, deuxième extrait, “It Ain’t Over” (“Rien n’est fini/ Les rêves se réalisent parfois”) dont le clip, en comparaiso­n du précédent, surprend par l’insolence de sa sobriété. Avec “Your Team Is Looking Good” au martèlemen­t stomp, les Black Keys inventent le glam-blues tandis que leur manière de concevoir “Happiness” laisse imaginer comment pourrait sonner John Lennon en 2022... Que ce soit par des reprises ou par leurs créations dans l’esprit (ici “Didn’t I Love You”), Dan Auerbach et Patrick Carney, même s’ils s’écartent parfois de l’orthodoxie, dont ils ne sont heureuseme­nt pas captifs, n’ont jamais cessé de clamer leur amour des racines, en particulie­r des blues, attitude permanente qui culmine dans le récent “Delta Kream” consacré à l’interpréta­tion de pièces signées Burnside, Kimbrough, McDowell, etc. Ils le font à nouveau en invitant un glorieux prédécesse­ur, Billy Gibbons de ZZ Top, pour “Good Love” où, sur des nappes d’orgue faisant office de fondations, un festival de guitares déchaînées rappelle l’âge d’or de Cream et Jimi Hendrix Experience. Par cet album à la fois gracieux et farouche, les Black Keys livrent leur oeuvre la plus aboutie. ✪✪✪✪

JEAN-WILLIAM THOURY

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