Gus Englehorn
“Dungeon Master”
C’est l’excentrique du mois, un personnage haut en couleur qui publie un album aussi étrange que passionnant qui s’affranchit des codes du rock garage pour construire sa propre esthétique faite de chansons aux structures alambiquées, de clips vidéo façon films d’horreur cheap, de textes drolatiques et de sons interlopes. Après un premier album autoproduit resté confidentiel (“Death And Transfiguration”, 2020), le Canadien Gus Englehorn commence avec “Dungeon Master” une seconde carrière après avoir passé les trois premières décennies de sa vie à dévaler des pentes enneigées sur un snowboard et en faire son métier. Enregistré — comme il se doit — dans une cabane en bois au fond de la forêt canadienne, accompagné de son épouse et batteuse au nom divin d’Estée Preda, “Dungeon Master” est une ode à la bizarrerie où on croise du rock heavy louche (“Sunset Strip”), du grunge (“Terrible Horse”), du folk lo-fi qui rappelle le Beck de “One Foot From The Grave” (“The Flea”), des berceuses décadentes qui se muent en chansons doo-wop sans prévenir (“Ups And Down”). Chanteur à la voix étranglée, Englehorn ponctue ses chansons d’exclamations à la Black Francis et de soubresauts inattendus à chaque recoin, démontrant une certaine maîtrise de l’art de la chanson qui prend un tournant à quatre-vingt-dix degrés à mi-chemin (“The Gate”). L’ensemble est dérangeant au premier abord, mais s’avère extrêmement accrocheur une fois la mécanique de cet artiste assimilée. On pourrait croire qu’il a une araignée au plafond, mais ses meilleures chansons sont des hymnes (“Tarantula”) et quand certains exorcisent leurs démons en musique, Gus Englehorn nourrit les siens pour en tirer des pépites (“Exercise My Demons”). ★★★★