Lionel Limiñana, The Limiñanas & David Menke Gaspard Royant
“The Ballad Of Linda L & The Devil Inside Me”
Contrepoint aux images ou personnage à part entière, “la musique à l’image”, comme elle est appelée dans les commissions d’aide, est un art qui n’a connu que quelques maîtres. Depuis la multiplication des “contenus”, sa pratique s’est étendue et désormais bon nombre de musiciens peuvent casser la croûte grâce à elle. Lionel Limiñana a passé sur l’exercice une partie de ses confinements, composant deux BO. avec David Menke, qui sortent ces jours-ci en double LP : un instrumental pour un documentaire sur “Gorge Profonde” (le porno, pas la balance), puis l’un de ses meilleurs albums pour le film sur le tueur schizophrène Billy Miligan. A quoi ressemble une BO. des Limiñanas ? Si “The Ballad Of Linda L” oscille entre illustration sixties et thèmes cold (dont ce “80’s Score Part 1” qui montre que les musiciens connaissent leur Cure), c’est le disque “The Devil Inside Me” qui retient salement l’attention. Sur ce véritable premier album des Limiñanas entièrement en anglais, le groupe de Cabestany égrène ces perles “garage psyché” avec tellement de naturel, chantées toujours impeccablement, que cela estomaque.
Gisent ici parmi les meilleures chansons enfumées des Limiñanas — “Them” et son feeling Black Lips, “Waiting For You” comme un outake de “Take It From The Men”, “Illusion Song” comme un faux jerk composé par les Doors, “Strange Girl” chanté incroyablement, etc. Même la pochette, comme une réponse east coast au “The Las Vegas Story” du Gun Club fait regretter que 100% des chansons ici ne soient pas affublées d’une voix (imaginez “Back To Amanda” et son saxophone). Alors, “The Devil Inside Me” ne serait-il pas le meilleur album des Limiñanas de ses dernières années ? ★★★★
THOMAS E. FLORIN
“The Real Thing”
Un artiste qui enregistre des 45-tours, qui place Roy Orbison sur un piédestal et qui interprète des chansons de Noël ne peut que susciter l’adhésion ! Pour autant, on se tromperait en pensant que Gaspard Royant, né en 1973, reste bloqué dans une bulle temporelle, aussi belle soit-elle. L’auteur, compositeur, interprète originaire de Thonon-les-Bains respecte certes un certain classicisme, notamment dans la construction de ses morceaux, en conservant la salutaire opposition couplet/ refrain, mais sans passéisme. D’ailleurs, pour ce nouvel album, son quatrième, il délaisse les guitares (et l’analogique esprit Toe Rag d’efforts précédents) pour n’utiliser que des claviers auxquels des lignes de basse ou de batterie prêtent vie.
Les textes — tous en anglais, cosignés avec Stephen Clarke — reflètent des préoccupations contemporaines. Observateur de nos coutumes actuelles ou éternelles, de nos aspirations comme de nos travers, il écrit à propos des fameux algorithmes (“Real Thing”), de la virilité réelle ou feinte (“Man”)... Manipulation et domination inspirent “More”, l’ambition, “Cursed”... Obsessions du moment, la télévision, le féminisme, évidemment le maudit téléphone mobile (des selfies au musée !) se croisent dans “To The Stars”. Pour insuffler de la dynamique et de la profondeur à ses chansons, Gaspard Royant utilise beaucoup les choeurs, ce qui souligne l’inspiration soul d’une pièce telle “Message Of Love”. Comme celui de “We Wanted”, plusieurs refrains se révèlent accrocheurs. Dans “A Living From The Dead”, il cite des héros décédés dont, moderne Frankenstein, il se serait construit, Johnny Cash, Elvis, Jackie Wilson, John Lennon, Sinatra, Amy Winehouse, Kurt Cobain, Elliott Smith...
★★★
JEAN-WILLIAM THOURY