Le Nantais fait parler de lui
Certains groupes sont immédiatement assimilables à un courant musical. D’autres préfèrent se jouer des étiquettes. Parmi les huit sélectionnés du mois (sur les trente-deux arrivés à la rédaction), ces touche-à-tout sont majoritaires et affirment leur refus de rentrer
dans des cases face à ceux qui campent fièrement sur leurs positions.
En piste depuis 2016, le sextette lyonnais Kunta célèbre avec brio l’union de l’afrobeat et du rock grâce à une formation hybride : un rappeur, des cuivres, un clavier, une guitare et une section rythmique. Son premier album est un concentré de groove et brouille les pistes au gré de métissages jubilatoires : au fil de douze morceaux anglophones, l’éthio-jazz, le hip-hop, la soul et le rock des années quatre-vingt-dix y mêlent leurs saveurs pour engendrer une transe communicative et estompe les frontières musicales (“Diligent Drawing”, Youz Prod, kuta.fr, distribution Baco Records).
Le trio Molly Pepper a débuté en 2020 au carrefour du punk, du rock garage et de l’electro. Son premier EP affirme sa singularité et mélange des souvenirs de Blondie ou Gossip avec du Suicide. Portant une attention particulière aux refrains, les morceaux attrayants et addictifs oscillent entre entrée en matière atmosphérique sur le mode de la scansion avant l’embrasement (“This His”), rock haute énergie (“All The Things”) et punk synthétique (“Hi Gene”), avec même une pause (“Song”) où la voix féminine affirme son potentiel de douceur après avoir démontré ses qualités offensives (“EP 1”, ZRP, facebook. com/mollypeppermusic).
Maîtrisant parfaitement l’art du collage, Courcheval invite sur son premier EP en solo (après des expériences en groupe) à s’immerger dans une potion fun, dansante et insolente. En s’appuyant sur des samples où se télescopent des éléments disparates et complémentaires (funk, musiques latines, dance), il défend d’une voix lascive et retenue des textes pétillants, loufoques et provocants : “Tous à poil dans les sens interdits/ Un doigt en l’air du sexe au ralenti” (La Drague). De quoi attendre une suite (sous forme d’album) avec impatience (“Gymkhana”, Upton Park/ EP4, facebook.com/courcheval).
Venu de Seine-Saint-Denis, le quintette Touch Of Groove réunit des musiciens qui se sont aguerris au sein de diverses formations blues et soul, dont une chanteuse digne de rivaliser avec les divas qui lui ont servi de modèles. Fans de la production Stax et Atlantic, ils se sont concoctés un répertoire anglophone orignal qui baigne avec une délectation contagieuse dans la soul des sixties et ne se permet qu’une seule reprise : “(Sweet Sweet Baby) Since You’ve Been Gone”, immortalisé par Aretha Franklin, à qui ils paient ainsi un tribut respectueux et inspiré
(“Touch Of Groove”, Absylone, touch-of-groove.fr).
Formé en 2020 lors de sessions d’enregistrement à Paris, Not Your Animal est un quartette réunissant un chanteur américain et trois musiciens français qui ont tous un solide background. Leur premier album attaque en douceur avec une ballade fiévreuse où se déploie une voix charmeuse, puis il monte en puissance, d’abord sur un rythme chaloupé avant d’adopter un style trépidant. Revendiquant la possibilité de piocher au hasard de leurs diverses influences, les dix morceaux s’ébrouent sans complexe dans un éclectisme assumé, entre salves éruptives et pauses sous tension (“Not Your Animal”, Not Rock And Roll Records, notyouranimal.com).
Depuis deux ans, le Nantais Geoffrey Le Goaziou fait parler de lui à travers ses concerts et ses singles. Son premier album permet de mesurer l’intensité de son pouvoir d’attraction. Doté d’une voix fascinante, il excelle dans un folk anglophone caractérisé par sa douceur et son élégance. La formule guitare-voix reste à la base des neuf chansons séduisantes qui n’hésitent pas à délaisser l’option intimiste pour privilégier les fastes d’une pop lyrique recourant aux synthétiseurs ou aux cordes (“Somewhere Quiet”, La Folk Station/ Daydream Music, facebook.com/geoffreylgz , distribution L’Autre Distribution).
Après un disque ovni, Boucan récidive : suite à un décès, le trio toulousain créé en 2016 s’est réduit à un duo (chant-contrebasse/ guitare bidon-banjo) qui fait appel à des intervenants (orgue, trompette, batterie, choeurs) et sait s’entourer de mixeurs émérites (Oz Fritz, qui officie avec Tom Waits, pour succéder à John Parrish). Les douze morceaux témoignent d’une pugnacité atypique qui navigue entre folk mutant, fanfare déjantée et chanson punk, au gré de textes incisifs : “Il est étroit l’espace qu’on nous laisse/ Entre le devoir, le désir/ Le néant et l’être” (“Colère Mammouth”, Popatex, boucan. org, distribution L’Autre Distribution).
Venu d’Auxerre où il oeuvre depuis 2017, le quartette The Harts Industry publie son second EP cinq titres. Revendiquant l’alliance de la mélancolie et de la rage sous le patronage de Black Rebel Motorcycle Club, il privilégie un son âpre et dense, et le goût des atmosphères où le lyrisme nerveux (“Cross The Line”) côtoie les ballades éthérées (“Prodigal Son”), clôturant son essai par un long morceau de plus de sept minutes dont l’aspect apaisé alterne avec des envolées instrumentales lourdes de tension refrénée (“All Covered In Gold”, The Harts Industry, facebook. com/thehartsindustry). ■