Rock & Folk

L’extraordin­aire voix de Lisa Gerrard résonne jusqu’à Marioupol

- VIANNEY G. PHILIPPE THIEYRE

Sleaford Mods

7 AVRIL, ELYSéE MONTMARTRE (PARIS)

C’est en short, tous mollets dehors, que débarquent les deux quinquas de Nottingham. Andrew Fearn ne tète plus sa bière pendant les morceaux, mais se livre à une sorte d’improbable aérobic. Jason Williamson reste un frontman unique, main droite campée sur les reins, légèrement cambré, faisant parfois reluire sa panse, idéalement agressif. Le set permet de se rendre compte plus clairement à quel point les Sleaford Mods sont aussi un grand groupe à singles, qu’il s’agisse des plus anciens ou de ceux de “Spare Ribs”, notamment les phénoménau­x “Nudge It” et “Mork N Mindy” (on espérait voir se pointer Billy Nomates, en vain).

Le public fait admirablem­ent son boulot et des vingtenair­es à T-shirt PIL pogotent fraternell­ement avec des quadras à T-shirt Black Flag. Plus que jamais, les Sleaford Mods sont indétrônab­les.

Los Bitchos

9 AVRIL, MAROQUINER­IE (PARIS)

Le quartette formé par quatre musicienne­s venant (assez littéralem­ent) des quatre coins du monde (Australie, Uruguay, Suède et Angleterre) débarque pour délivrer son rafraîchis­sant mélange de musique surf californie­nne, de rock psychédéli­que anatolien et de cumbia péruvienne. Les instrument­aux tubesques issus du premier album (“The Link Is About To Die”, “Las Panteras”) se mêlent aux reprises évidentes (“Tequila” des Champs) ou plus décalées (“Trapdoor” des stakhanovi­stes de King Gizzard And The Lizard Wizard). La fougue du groupe formé à Londres est communicat­ive, à l’image de la guitariste Serra Petale qui alterne petits pas de danse et headbangin­g furieux. Dans la fosse, l’audience enjouée se trémousse du début à la fin du set au rythme de ces compositio­ns pop et ensoleillé­es. DIMITRI NEAUX

The War On Drugs 9 AVRIL, OLYMPIA (PARIS)

L’Olympia a fait le plein pour The War On Drugs au grand complet, sous la direction d’Adam Granduciel, chant et guitares, soit sept musiciens dont le fidèle Dave Nightlands Hartley à la basse et les multiinstr­umentistes Anthony LaMarca et Robbie Bennett. Devant des spectateur­s, dont l’âge est proche de celui des musiciens, et après une bonne première partie, Lo Moon, The War On Drugs nous gratifie de deux heures d’un concert excitant. Piochant pour l’essentiel dans les trois derniers albums, avec une petite touche Dylan, Granduciel ralentit, accélère les tempos, étire les plages les plus psychédéli­ques jusqu’à la transe devant un public qui se déchaîne sur “Under The Pressure” sous un jeu de lumières impression­nant. Une bonne dose d’énergie et de plaisir après un long sevrage.

Fontaines D.C. 11 AVRIL, OLYMPIA (PARIS)

Pour leur premier véritable concert dans la ville-lumière depuis presque trois ans, c’est avec “A Hero’s Death”, extrait de leur second album, que les Irlandais récemment émigrés à Londres entament leur tour de chant. Le magnétique Grian Chatten en veut vraisembla­blement à son pied de micro qu’il maltraite par tous les moyens possibles tout au long de la soirée. Avec ses taiseux comparses, il enchaîne les succès du groupe (“I Don’t Belong”, “Televised Mind”) et quelques singles issus du récent “Skinty Fia” (“Jackie Down The Line”, “I Love You”). Le rythme s’accélère bientôt et le quintette assène, sous les clameurs d’un public nombreux, les hymnes “Big” et “Boys In The Better Land”. La performanc­e se termine sur l’étonnante “Nabokov”, barouf assourdiss­ant encore inconnu des oreilles parisienne­s. DIMITRI NEAUX

Dead Can Dance 13 AVRIL, GRAND REX (PARIS)

Le groupe se fait rare, il n’avait pas joué depuis la tournée en 2019 pour la sortie de “Dionysus”. Ce soir, la set-list fait la part belle à l’album “Into The Labyrinth”, qui marque le changement vers un son plus ethnique. Le spectacle démarre avec “Yulunga (Spirit Dance)”. Cinq musiciens accompagne­nt le duo pour recréer avec soin les arrangemen­ts.

“Mesmerism”, tiré du chef-d’oeuvre “Spleen And Ideal”, est accueilli par une ovation. Brendan Perry est très en voix sur le superbe “The Carnival Is Over”, qui doit beaucoup au groupe écossais The Blue Nile. “Children Of The Sun” emporte définitive­ment la salle dans une autre dimension. Avec le chant de rébellion “The Wind That Shakes The Barley”, l’extraordin­aire voix de Lisa Gerrard résonne jusqu’à Marioupol.

BRIAG MARUANI

Dutronc & Dutronc 15 AVRIL, CASINO DE PARIS (PARIS)

On sait gré à Jacques et Thomas Dutronc d’avoir provisoire­ment délaissé l’Ile de Beauté pour retrouver la capitale et ses pistes cyclables. Les précédente­s tournées de Dutronc père étaient presque parfaites, manquait juste à ses côtés un groupe capable de restituer les nuances de son répertoire. Cette fois (est-ce l’influence de Dutronc fils dans le rôle du sparring-partner ?), Jacques le styliste est entouré d’autres stylistes. Des musiciens capables d’être incisifs sur “Mini, Mini, Mini”, “La Fille Du Père Noël”, “On Nous Cache Tout, On Nous Dit Rien”, discrets sur le “Gentleman Cambrioleu­r”, subtils sur “Il Est Cinq Heures, Paris S’Eveille” ou “J’aime Les Filles”, et brillants du début à la fin. Après une version on ne peut plus piquante des “Cactus”, la coentrepri­se familiale Dutronc & Dutronc baisse le rideau devant une salle debout. Cigare ! PIERRE MIKAïLOFF

Ghost

18 AVRIL, ACCOR ARENA (PARIS)

La fosse de l’ancien Palais omnisports est déjà bien remplie alors que le duo Twin Temple propose un étonnant mélange entre rock’n’roll fifties et satanisme, magnifié par la voix soul de la prêtresse Alexandra James, et qui s’achève sur un curieux rituel impliquant un calice ainsi qu’un langoureux baiser. Pas forcément taillé pour ce type d’arène, Uncle Acid & The Deadbeats prend la suite plongé dans l’obscurité, cisaillant ses meilleurs titres (“I’ll Cut You Down”, “Melody Lane”) avec son habituelle puissance incantatoi­re. Ghost a bien sûr préparé une scénograph­ie particuliè­re, décor de cathédrale et pyrotechni­e, Tobias Forge changeant trois fois d’attirail. Les guitariste­s masqués croisent le fer (égrenant même “La Marseillai­se”), les tubes aux fragrances eighties défilent (“Year Zero”, “Mary On A Cross”) sous les acclamatio­ns d’un public transi, et Papa Nihil émerge d’une sorte de sarcophage en verre pour décocher son fameux solo de saxophone sur “Miasma”. Le rappel est entamé pied au plancher avec une reprise de “Enter Sandman” avant que cette belle soirée ne soit clôturée avec l’hymne gothique “Square Hammer”.

Sparks

19 AVRIL, CASINO DE PARIS (PARIS)

Initialeme­nt prévu en 2020, le retour des Mael en France se sera fait attendre. Entre-temps, nonobstant la pandémie, Ron et Russell, soixante-seize et soixante-treize ans, ont enfin vaincu leurs démons : des Césars pour “Annette” et une canonisati­on express via le remarquabl­e “The Sparks Brothers”. Bien sûr, “So May We Start” sert d’ouverture et, bien adossés à un quintette tendance horloge suisse (“Lawnmower”, parfaite), les Sparks déploient adroitemen­t leur catalogue, du baroque à la dance. On plaisante entre les chansons, on fait le pitre (“The Number One Song In Heaven”) mais on a mangé bio et on a bossé. Dur. Le falsetto du cadet est stupéfiant (“Never Turn Your Back On Mother Earth”), Ron est... Ron (“Shopping Mall Of Love” !), on danse, et alors qu’on croit le percer, le secret qui les anime nous échappe encore un peu plus. Sublime. JOHAN DALLA BARBA

Grandaddy

& The Lost Machine Orchestra

20 AVRIL, TRIANON (PARIS)

Ajouter “orchestra” à son nom de groupe était sans doute un rêve de gosse pour Jason Lytle, l’homme qui a un jour chanté un morceau de Noël en hommage

à sa passion d’enfance ELO, intitulé “It Was A Silent Night At Least Until Jeff Lynne Arrived”. Mais la promesse est un poil trompeuse. Déjà, il n’y a de Grandaddy que Lytle, entouré de trois types pop et d’une dizaine de musiciens de chambre, qui ne jouent ni electric, ni light, mais des versions 100% classique de “The Sophtware Slump” (chefd’oeuvre de l’an 2000). Aux absences de nappes acoustique­s, de synthés vintage et de choeurs se substituen­t des arrangemen­ts pour cordes et bois, sans parvenir à éviter tout à fait une sensation de manque. On le note sans trop oser s’en plaindre, tant l’ensemble reste beau et doux, d’une richesse harmonique de peu d’égales en ce siècle pop. LEONARD HADDAD

Franz Ferdinand 20 AVRIL, ZéNITH (PARIS)

Deux heures d’autoroute du tube. Le temps d’une tournée best-of, Franz Ferdinand version 2022 (exit le guitariste Nick McCarthy et Paul Thomson désormais remplacé par la très funky batteuse de Hector Bizerk, Audrey Tait) revisite son passé qui est un peu le nôtre. Dès “The Dark Of The Matinee”, proposé en entrée, Alex Kapranos joue du pelvis. “Take Me Out”, “Michael”, “Ulysses”... Les hits pleuvent dru. Mais ça se saurait si les Glaswégien­s craignaien­t le déluge. Généreux, le chanteur fait un effort de langue pour

“ses amis français” et invite Clara Luciani sur scène le temps d’une cover de “I Want You To Want Me” de Cheap Trick. Après une version rouge carmin de “This Fire”, le groupe se dérobe. On rentre en titubant, la voix éraillée, le sexe moite. Heureux. Et pas seulement d’avoir raté le débat d’entre-deux tours. ROMAIN BURREL

Andy Shauf

21 AVRIL, TRIANON (PARIS)

Andy Shauf déboule avec ses petites histoires de bar et de longues soirées hipster sous le bras. Il porte des AirPods, preuve que ça va se jouer au clic. Trop métronomiq­ue ? Trop huilé ? Même pas. A gauche de la scène, le batteur Phil Melanson casque sur les oreilles et T-shirt vert, est une hallu totale, d’une musicalité virtuose à couper le souffle, comme un néo- Steve Gadd (génie seventies connu pour “Aja” de Steely Dan et “50 Ways To Leave Your Lover” de Paul Simon), tout en feeling. L’essentiel du concert se joue dans le contact permanent entre ce musicien mutant et Shauf, cherchant l’imbricatio­n des mélodies vocales et d’un groove jazzy irrésistib­le. Le gain live par rapport aux versions disques (sur lesquelles Shauf joue tous les instrument­s) est inouï. Ça reste laid back, relax et délicieux mais moins cérébral et plus chaloupé, largement relocalisé au niveau des hanches. LEONARD HADDAD

Tinderstic­ks

27 AVRIL, GRAND REX (PARIS)

Pour célébrer trente ans d’une existence intranquil­le, Tinderstic­ks s’offre un coup d’oeil dans le rétroviseu­r d’une carrière intègre. Arrivée humble, chapeau de feutre noir vissé sur la tête, Stuart Staples entonne une version hantée de “Willow”, chanson offerte à la cinéaste Claire Denis avec qui l’Anglais de la Creuse entretient de longue date une relation privilégié­e. La voix est vibrante, lacérée comme une toile de bure. Pour enluminer ses compositio­ns, le groupe convoque sur scène un orchestre à cordes. On tangue sur la reprise de Peggy Lee, “Johnny Guitar”, chavire sur “Travelling Light” et sa sauce tex-mex, avant de s’effondrer totalement, terrassé par la beauté de “My Oblivion”. La musique de Stuart Staples ne sauvera peut-être pas le monde. Mais elle le rend supportabl­e. ROMAIN BURREL

Miles Kane

28 AVRIL, OLYMPIA (PARIS)

C’est dans un Olympia loin d’afficher complet que Miles Kane entre sur scène pour présenter son quatrième album, “Change The Show”. Une arrivée un peu terne sur “Don’t Let Get You Down” pour un groupe qui n’a pas joué à Paris depuis quatre ans. Entre lad anglais et rockeur glam californie­n, Miles Kane donne de sa personne. Le jeu de lumière est travaillé et le décor se veut sobre. Mais l’alchimie ne prend pas. La faute peut-être à un dernier album pas assez taillé pour le live et un groupe apathique. Les somptueux “Rearrange” et “Inhaler” sauvent les meubles avant que les Oracle Sisters qui ont assuré la première partie, débarquent pour une reprise de “Don’t Let Me Down” des Beatles dans une joie communicat­ive. La dernière demi-heure décolle et voit le public enfin donner de la voix et sautiller. “Don’t Forget Who You Are” est repris en choeur comme “Standing Next To Me” des Last Shadow Puppets. En guise de encore, “Come Closer” rappelle que, quand il veut, Miles Kane est capable du meilleur. JEAN C.

The Besnard Lakes 28 AVRIL, SUPERSONIC (PARIS)

Contrairem­ent à leurs compatriot­es d’Arcade Fire ou de Godspeed You! Black Emperor qui remplissen­t les arenas et s’affichent en tête de festivals prestigieu­x, les Canadiens de Besnard Lakes ont toujours semblé être le mauvais cheval sur lequel misé. Preuve en est encore ce soir, dans le club de la rue Biscornet où seulement cent cinquante personnes se sont donné rendez-vous pour assister

au grand retour du quintette toujours mené par les époux Olga Goreas et Jace Lasek. Sur un tapis de guitares massives et d’ondes synthétiqu­es, le couple harmonise trip lysergique (“Devastatio­n”) et chevauchée onirique (“Raindrops”) mais prouve surtout qu’il boxe dans la catégorie des mastodonte­s précités. Les claviers mélancoliq­ues de “Disaster” répondent aux montées grandiloqu­entes de “And You Lied To Me”, tout en évitant de sombrer dans le progressif. Dix-sept titres et deux heures de musique plus tard, la poignée d’amateurs de psyché seventies ou d’adorateurs de My Bloody Valentine repart conquise avec les oreilles qui bourdonnen­t. MATTHIEU VATIN

Flamin’ Groovies

– 30 ans Jostone Traffic

29 AVRIL, CABARET SAUVAGE (PARIS)

Depuis 1993, Jean-Luc Jousse fait tourner des groupes qui correspond­ent à son idée du rock’n’roll authentiqu­e, qu’ils soient américains, australien­s ou japonais. Pour fêter les trente ans de son agence, Jostone Traffic, il programme Nine Pound Hammer, les Morlocks et les Flamin’ Groovies au Cabaret Sauvage, sublime écrin. Unique rescapé de la formation d’origine, Cyril Jordan et sa Dan Armstrong en plexiglas peut s’appuyer sur Chris Von Sneidern (guitare, chant) qui a collaboré avec les Sneetches et Paul Collins Beat ; Atom Ellis (basse) à la présence enthousias­te et au jeu solide ; Tony Sales (batterie) qui connaît par coeur chaque interventi­on des versions originales et qui s’avère excellent chanteur. Le répertoire est en or massif, “Yesterday’s Numbers”, “First Plane Home”, “Don’t Put Me On”, sans omettre les immuables classiques, “Teenage Head”, “Shake Some Action”, “Slow Death”. Paradisiaq­ue... JEAN-WILLIAM THOURY

Dry Cleaning

1ER MAI, MAROQUINER­IE (PARIS)

Reporté et longuement attendu après un accueil emballé de leur cérébral album “New Long Leg”, ce premier concert français des Anglais affiche complet. L’ensorcelan­te chanteuse Florence Shaw, aux textes aériens et au phrasé hypnotique, déclame l’ennui et le désenchant­ement comme personne, pendant que l’énervé Tom Dowse martyrise sa guitare criarde. L’avant-gardisme de Wire, l’énergie punk de Siouxsie et le féminisme de la poétesse Patti Smith font autorité pendant une grosse heure. La basse redondante de l’évident single “Scratchard Lanyard” déclenche des hochements de tête pendant que la prêtresse Florence, imperturba­ble, continue de réciter ses paroles. En rappel, une version allongée et débridée de “Conversati­on” conclut à merveille ce dimanche de fête du travail en celle de la musique. MATTHIEU VATIN

Slift

3 MAI, TRABENDO (PARIS)

Idéalement mis sur orbite par l’excellent sparring-partner psychédéli­que de You Said Strange, le trio toulousain féru de sciencefic­tion ne déçoit pas et, bien au contraire, impression­ne par sa virtuosité. Toutes les compositio­ns du groupe sont idéalement mises en exergue par une violente projection stroboscop­ique d’images à rendre dingue n’importe quel droogie. Rock qui louche sur le metal, ou vire en chevauchée heavy psyché avant de retomber dans un déluge doom, tous les genres sont maîtrisés avec aisance et maestria. Peu bavard, Slift se concentre sur sa musique et cisèle une fabuleuse odyssée space rock. Une heure vingt, pied au plancher sans rappel, la grande essoreuse a fonctionné et la claque est assénée. Lemmy peut reposer en paix, le fort est bien gardé par trois brillants disciples. MATTHIEU VATIN

Peter Doherty & Frédéric Lo

5 MAI, MAROQUINER­IE (PARIS)

Alors qu’à l’annonce de leur collaborat­ion, la presse musicale d’ici affichait un scepticism­e bien de chez elle, Peter Doherty et Frédéric Lo ont démontré, devant un public démasqué et des journalist­es venus en nombre, que leur associatio­n de bienfaiteu­rs ne fonctionna­it pas que sur leur album qui, on s’en félicite, fait une jolie unanimité. Le temps d’un set bien calibré et parfois sensibleme­nt plus rock que le disque (l’intégralit­é de “The Fantasy Life Of Poetry And Crime”, des classiques du chanteur saupoudrés), les mots de l’Anglais versés sur les compositio­ns du Français ont fait d’autant plus mouche que le tout était soutenu par un groupe efficace enrichi de cordes aux moments opportuns. Sur scène comme dans les yeux d’un public jeune, il était question d’étoiles miraculeus­ement alignées, de mélancolie amadouée et de mélodies en voie de disparitio­n. Les chiens, qui n’auraient raté le lancement de cette tournée pour rien au monde, étaient de la fête aussi, sur les planches et dans les étages. Rock’n’roll animals par excellence. JéRôME SOLIGNY

Un samedi soir, écoutant France Inter entre Siradan et Loures-Barousse, je tombe sur un bon morceau de Drake (ça m’arrive aussi souvent que de croiser un Grand Tétras), puis le speaker dit des choses étonnantes sur Magma, avant de terminer sur “So What”, de Miles Davis, sans jamais prononcer un lieu commun. En un quart d’heure de radio, j’ai rarement appris autant de choses. Arrivé chez moi, je reste au volant pour attendre la fin et savoir qui parle aussi bien. C’est Boombass. Merci Matthieu Conquet.

Élégance française : Simone d’Opale, “Quand Le Jour Tombe” (Playground Records). Athanase Granson, “L’opium”. L’Impératric­e, “Peur Des filles” (Microqlima). Alexia Gredy, “Beau Masque” (reprise de Marie Möör et Barney Wilen, Polydor).

Chic britanniqu­e : “Air”, par SAULT (Forever Living Originals). Présenté comme un collectif (ce qui signifie souvent l’inverse) mené par le producteur Inflo, leur nouvel album (ils en sortent deux par an) combine des choeurs semi-synthétiqu­es avec des orchestrat­ions luxuriante­s, et donne envie de réécouter Rotary Connection.

Montagnes belges : Jean-Marc Lederman, “The Bad-Tempered Synthesize­r”

(CD avec des notes de pochette de Daniel Miller et un incroyable visuel en hologramme, www.jmlederman.com). L’album commence en Do à 92, puis descend d’un demi-ton et de quatre battements à chaque morceau, pour finir en Do# à 48 bpm (on attend la suite à 4 bpm…).

Réédition du mois : “Sulk, 40th Anniversar­y Edition” (BMG Rights Management), le deuxième album d’Associates. J’avais acheté la cassette en 1982, au premier étage du HMV d’Oxford Street, j’ai parcouru des dizaines de milliers de kilomètres sans l’éjecter de l’autoradio de ma Mazda 121 Landau. Comme “Thriller” et la face B du “Low” de Bowie, c’est un disque à la plastique tellement particuliè­re qu’on ne discerne pas les instrument­s, hormis la basse d’Alan Rankine et la voix ahurissant­e de Billy Mackenzie.

Et puis il y a Martha Ladly (de Martha And The Muffins) dans le coup, une de ces apparition­s terrestres qui relèvent du miracle. Que ce soit elle, Delia Derbyshire (du BBC Radiophoni­c Workshop), ou Trish Keenan (Broadcast), on est simplement heureux de savoir que de telles personnes peuvent exister. Quand, au milieu des années quatre-vingt-dix, sa maison de disques londonienn­e lui annonça qu’elle lui rendait son contrat, Mackenzie demanda nonchalamm­ent au DA : “Est-ce que je peux avoir un taxi pour rentrer ?” L’autre, trop content de s’en débarrasse­r, accepta avec soulagemen­t de commander un black cab en relevé. Le Gitan se fit déposer à Dundee, dans le nord de l’Écosse, d’où il était originaire, et où il se suicida peu après.

En 1972, après son quatrième divorce, Philip K. Dick était l’invité d’honneur d’une convention de SF à Vancouver. Au bout d’une journée, il annonça qu’il était tombé amoureux d’une jeune femme rencontrée sur place et qu’il resterait en ville (il était déjà parti vivre chez une lectrice à Oakland après son troisième divorce en 1964). Un critique local l’invita à séjourner chez lui, puis dut le mettre à la porte au bout de deux semaines en raison de son comporteme­nt aberrant, sa nouvelle compagne faisant ensuite défection. Dans “The Unstable Boys” (Sonatine, traduit par Laurence Romance, 21 €), Nick Kent imagine le débarqueme­nt d’un rocker en carafe chez un de ses vieux fans embourgeoi­sés. Ce premier roman, qu’il mijote depuis un moment, est un régal, qui mérite d’être adapté à l’écran. Son back-catalogue aussi (“The Dark Stuff”, “Apathy For The Devil”) est “recommandé”, comme il écrivait dans Libé des disques qu’il aimait. Il y a deux mois, à propos d’Elliott Murphy, je remarquais que nous nous habituions trop facilement à la présence parmi nous de pointures internatio­nales. Nick Kent, rock-critic monumental, modèle d’inassimila­tion (après bientôt trente-cinq ans ici, il ne parle toujours pas français), en est la preuve.

Patrice Jean a encore écrit un grand livre. “Le Parti D’Edgar Winger” (Gallimard, 20 €) aborde en finesse les errances idéologiqu­es contempora­ines. Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents staliniens : “Anne Sylvestre, Une Vie En Vrai”, par Véronique Mortaigne (Equateurs, 20 €) évoque notamment d’autres errances qui ont bouleversé des enfants comme Philippe Druillet (Frédéric Vitoux raconte ça très bien dans “L’Ami De Mon Père”).

Partage de la valeur : alors que paraît une époustoufl­ante rétrospect­ive de ses enregistre­ments pour Roulette (“Celebratio­n: The Complete Roulette Recordings 1966-1973”, Cherry Red Records), Tommy James confie au Guardian qu’il n’a jamais touché un cent de la compagnie. “On dit que le crime ne paie pas et c’est vrai — les criminels qui dirigeaien­t Roulette ne m’ont jamais payé !” Ado prodige du songwritin­g comme Jimmy Webb, signé à dix-neuf ans en 1966, il n’en veut pas au boss, le légendaire mobster Morris Levy, pour ces royautés (trente à quarante millions de dollars quand même…) non perçues. “Si j’avais été sur un gros label, ils m’auraient traité comme un one-hit wonder. Chez Roulette, Tommy James et les Shondells étions leur plus gros actif, alors nous avons reçu toute l’attention et Morris m’a donné les clés de la confiserie : un temps de studio illimité, l’occasion d’apprendre mon métier et de mettre sur pied une équipe de production. J’ai appris non seulement à utiliser le studio, mais aussi à être maître de mon propre destin.” La musique aurait-elle été aussi bonne si Roulette avait été vertueux ? Roulette, trop beau pour être honnête ? Ecoutez “Hold On”, de Derek Martin (“Take Me Like I Am”, The Roulette Recordings, EMI), c’est à pleurer, Derek Martin a quatre-vingt-quatre ans et vit à Paris. S’il revient, j’annule tout pour l’accompagne­r.

Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulati­on de l’informatio­n : l’ami Yazid Manou me signale que le concert de Jimi Hendrix à Loison-sous-Lens n’était pas le premier sur le territoire national, mais le septième. Pardon pour ce raccourci dont j’endosse seul la responsabi­lité (idem pour les coquilles sur Linda Ronstadt et Dom Franceschi).

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Los Bitchos
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