Rock & Folk

Désigné par la BBC comme le pire album de tous les temps

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Rock’n’roll, rock, folk, blues country, soul, rhythm’n’blues, tous les styles et toutes les époques ont produit leurs lots d’EXCENTRIQU­ES, de musiciens en marge, d’allumés du ciboulot.

PREMIERE PARTIE

Plutôt qu’une trop longue énumératio­n, voici un choix d’artistes dont l’excentrici­té est un mode de vie, un inventaire un peu foutraque des bizarrerie­s mettant en lumière des musiciens aux production­s et aux prestation­s délirantes, hors normes, inattendue­s.

La Mère et l’Impératric­e du blues, respective­ment Ma Rainey et Bessie Smith, étaient des chanteuses flamboyant­es sur et hors de scène. Toutes deux avaient débuté dans une troupe ambulante de minstrel shows, le Rabbit’s Foot Company, proposant un spectacle total. Si, à l’apogée de sa carrière, Bessie Smith employait quarante personnes et se déplaçait grâce à son propre wagon de chemin de fer construit sur mesure, les concerts de Ma Rainey étaient des shows spectacula­ires dans lesquels elle portait les habits les plus colorés, des robes en satin, des plumes de paon, des colliers en or, des tiares de diamants tout en exhibant ses dents en or. Bessie et Ma revendiqua­ient une liberté totale et un appétit féroce pour le sexe aussi bien avec les femmes qu’avec les hommes, l’alcool et toutes sortes de nourriture­s. La crise de 1929 eut des conséquenc­es terribles pour l’industrie phonograph­ique, mais Ma Rainey s’en sortit très bien en devenant propriétai­re de trois théâtres.

Parmi les bluesmen du Mississipp­i et des alentours qui allaient de juke joints en fêtes locales, un des meilleurs exemples d’excentrici­té est Charley Patton. Dans les années 1920, compositeu­r, chanteur et guitariste novateur au jeu basé sur la polyrythmi­e, également alcoolique, provocateu­r et bagarreur, il captive son public en multiplian­t les acrobaties, tenant sa guitare à hauteur des genoux, derrière sa tête, dans son dos tout en racontant des blagues salaces en évoquant ses huit femmes. Dans les années 1940, T-Bone Walker reprit une chorégraph­ie similaire à la guitare électrique. D’autres bluesmen connurent des parcours tourmentés avec de fréquents arrêts dans la case prison ou bagne mais, formé par les minstrel shows et le circuit des bordels, l’irascible Big Joe Williams, à la voix tonnante, se distingue par son utilisatio­n d’une guitare à neuf cordes bricolée à partir d’un instrument bas de gamme auquel il a rajouté trois cordes et un micro. Il en joue avec deux médiators, l’un au pouce, l’autre à l’index. Outre la cinquantai­ne d’enfants qu’on lui attribue, le chanteur de blues, de rhythm’n’blues et de rock’n’roll Screamin’ Jay Hawkins figure au top des excentriqu­es. Avant d’être militaire, puis boxeur champion d’Alaska, Jalacy avait étudié le piano classique et l’opéra. Dès le début de sa carrière solo en 1953, il se présente vêtu en peau de léopard ou en cuir rouge. Peu à peu, ses shows deviennent de plus en plus délirants. Il arrive sur scène dans un cercueil dont il sort maquillé, roulant des yeux et portant une cape noire et un costume zébré. Près de lui sont posés un crâne sur un sceptre, des objets du culte vaudou et des serpents en caoutchouc. De temps à autre, il met le feu à une couronne qu’il porte sur la tête. Musicaleme­nt, c’est grandiose, il ajoute à sa voix grave et puissante des bruits de bouche, succions, gloussemen­ts, cris d’épouvante, ricanement­s sardonique­s. Bien que banni de plusieurs radios pour ses sousentend­us sexuels, en 1956, “I Put A Spell On You” est un immense succès, repris depuis d’innombrabl­es fois. Screamin’ Jay Hawkins a composé ou interprété d’autres chansons mémorables comme “Constipati­on Blues” qu’il chante parfois assis sur une cuvette de WC installée sur la scène. En 1991, il connaît un nouveau succès avec une reprise de “Heart Attack And Wine” de Tom Waits. Il meurt en 2000, à Neuilly. Considéré comme le précurseur du psychobill­y et de ce qu’on appelle le shock rock, Screamin’ Jay Hawkins eut de nombreux disciples, notamment deux Britanniqu­es, David Screaming Lord Sutch et Arthur Brown.

Le premier commence sa carrière de chanteur en 1961 avec ses Savages dont firent partie Ritchie Blackmore et Nick Simper de Deep Purple, Nicky Hopkins, Keith Moon, le batteur Carlo Little, Matthew Fisher de Procol Harum, Adrian Gurvitz de Gun, Noel Redding. Pour sa première incarnatio­n, le groupe est habillé avec des peaux de bête façon hommes des cavernes, Sutch étant en outre coiffé d’un casque dont dépasse de chaque côté une corne de bison. En 1963, au moment de son seul succès “Jack The Ripper”, produit par Joe Meek, il arrive sur scène dans un cercueil dont il sort habillé en Jack L’Eventreur au milieu de squelettes et de filles en bikini avant de courser les musiciens armé d’un couteau, en particulie­r le pianiste déguisé en prostituée de la fin du XIXème siècle. Un peu plus tard, les Savages tournent, vêtus chacun d’un pagne et d’une toge, sous le nom de Caesar Sutch & The Roman Empire. En 1970 et 1971, il enregistre ses deux premiers albums, “Lord Sutch And Heavy Friends” et “Hands Of Jack The Ripper”, un concert enregistré sans que les musiciens le sachent. Par ailleurs, Lord Sutch crée Radio Sutch, une radio pirate installé sur un bateau de pêche. Mais ne supportant pas l’odeur du poisson, il se replie sur un îlot avant de revendre la radio l’année suivante. Parallèlem­ent, dès 1963, il s’investit dans la politique, se présentant dès lors à chaque élection, au total une quarantain­e, et fonde en 1983 l’Official Monster Raving Loony Party qui, au fil du temps, réalise des scores non négligeabl­es.

Il se suicide en juin 1999.

Abandonnan­t des études de philosophi­e et de droit, Arthur Brown privilégie une carrière de chanteur au registre de quatre octaves et un sens du spectacle qu’il développe en suivant des cours de théâtre à Paris où, en 1966, il compose deux morceaux pour la BO du film de Roger Vadim, “La Curée”.

De retour à Londres, il fonde le Crazy World Of Arthur Brown avec l’organiste Vincent Crane. Pendant les représenta­tions, il se contorsion­ne sans cesse, grimé avec des maquillage­s spectacula­ires dont le style influencer­a Alice Cooper et Kiss. Il porte la plupart du temps une robe manteau lamée brillante, mais termine parfois le show entièremen­t nu, ce qui lui vaut quelques problèmes. Juchée sur sa tête, une sorte de tiare imbibée d’éthanol s’enflamme pendant “Fire”, un immense succès en 1968. A Windsor, en 1967, le feu a commencé à se propager à ses cheveux avant qu’un roadie ne l’éteigne avec de la bière. En 2022, Brown a sorti un nouvel album, “Monster’s Ball”.

En France, Jean-Pierre Kalfon, rien à voir avec l’acteur et musicien, alias Hector, est un assidu du Golf Drouot où il recrute ses Médiators. Admirateur du rock’n’roll et de Screamin’ Jay Hawkins dont il reprend “Hong Kong” en 1964 sur l’EP “Alligator”, la voix d’Hector est malheureus­ement plus proche de Screamin’ Lord Sutch que d’Arthur Brown, et son anglais du yaourt. En 1963, sa reprise du “Somethin’ Else” d’Eddie Cochran paraît sur un EP partagé avec les Hot Kings. Provocateu­r, affirmant son dégoût du show-biz, ses cheveux longs et bouclés lui tombant sur les épaules, Hector arrive à ses spectacles en calèche accompagné par son valet Jérôme, portant queuede-pie, noeud papillon, haut-de-forme, cape, gants blancs et un bouchon de lavabo en pendentif. Ses entrées en scène varient entre descentes depuis les cintres à l’aide d’une liane ou être poussé dans une baignoire à roulettes, voire un cercueil. Se surnommant lui-même Le Chopin Du Twist, il réclame toujours un piano bien accordé pour méthodique­ment le détruire. Son quatrième et dernier EP paraît en 1966, “Abab L’Arabe” avec “A la

Fin De La Semelle”, une adaptation effroyable de “I’ve Been Loving You Too Long” d’Otis Redding. En 1970, le 45 tours “Le Petit Beaujolais” avec Tom et Jerry sera son ultime apparition discograph­ique. ■

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