Quitte à zapper la dinde et les cotillons
Winter Break
Loin de faire dans le blockbuster atrophié (“Batman” et “Spiderman”, ce n’est pas sa came), Alexander Payne réalise tous les trois ans un film d’auteur très ciselé où les émotions intérieures flirtent avec l’humour discret. Ce qui donne l’occasion à quelques stars américaines d’interpréter de vrais rôles de composition. Comme George Clooney dont l’angoisse désinvolte fait tout le charme de “The Descendants” ou Paul Giamatti, sublime écrivain raté dans “Sideways”. Grand second rôle du cinéma américain, Giamatti revient donc sous la caméra de Payne pour ce qui est probablement l’un des rôles de sa vie. Celui d’un professeur d’histoire ancienne un peu péteux et coincé dans ses principes qui enseigne dans un lycée de la Nouvelle-Angleterre des années soixante-dix. Et au vu de son absence totale de charisme, personne ne l’aime vraiment. Ni ses collègues, ni ses élèves. Lui seul semble s’auto-apprécier un brin. Pourtant, son quotidien va changer quand, un soir de Noël, il a la charge d’un jeune pensionnaire resté sur place. La relation entre le professeur bougon et l’élève turbulent, d’abord conflictuelle, va basculer peu à peu vers une relation père-fils. Et comme d’habitude chez Alexander Payne, le ton, toujours feutré et souriant, amène peu à peu à des mini-vagues de sentiments et d’empathie qui finissent par se mêler au respect. A voir surtout le 24 ou le 31 décembre au soir. Quitte à zapper la dinde et les cotillons (actuellement en salles).
Vermines
Le cinéma de genre français se porte bien ses dernières semaines. Après “Le Règne Animal”, “Gueules Noires”, “Vincent Doit Mourir” et, dans un registre plus auteur-barré, le “Conann” de Bertrand Mandico, voici “Vermines”, premier long-métrage de Sébastien Vanicek. Soit l’histoire d’une invasion d’araignées dans une tour d’une cité de banlieue. Après une première partie à tendance sociale où se croisent gardiens d’immeubles, trafiquants de baskets et potes qui s’embrouillent, le film dévie quand des araignées investissent tous les recoins du secteur. Douches, faux plafonds, parkings et conduits d’évacuation compris. Et le pire, c’est que certaines de ces bestioles grandissent ! On retrouve alors tout l’esprit de ces séries B venimeuses américaines des années soixante-dix (du nanardesque mais jubilatoire “L’Invasion Des Araignées Géantes” à l’excellent “L’Horrible Invasion”) où la simple vision d’une toile d’araignée s’avère être plus stressante que la machette de Jason Voorhees ou les griffes souillées de sang de Freddy Krueger. De quoi rendre Spiderman arachnophobe (en salles le 27 décembre) !
Dream Scenario
Cela fait une bonne douzaine d’années que ce cinglé et cabot de Nicolas Cage cumule les nanars à deux balles. Tout en s’offrant, de temps à autre, de vrais rôles de composition dans des films bien plus honorables. Comme le détenu en recherche de rédemption dans “Joe”, le chasseur de truffes tristounet dans “Pig” ou, plus récemment, son propre rôle dans le très méta “Un Talent En Or Massif”. Depuis quelque temps, l’acteur semble avoir un vrai but dans la vie : revenir une bonne fois pour toutes dans de bons films et rien que des bons films. Et dans le genre, “Dream Scenario” en est un. Laissant ses excès de jeu au vestiaire des séries Z, Cage incarne un professeur lambda, presque transparent, qui du jour au lendemain se met à apparaître dans les rêves de milliers de personnes. Pour y faire quoi ? Rien de particulier en fait. Il erre dans les songes des autres et ne fait que passer. Comme une version soft et transparente de Freddy Krueger. Devenu un phénomène médiatique, il est la star du moment. Jusqu’au jour où il devient agresseur (malgré lui) dans les songes d’autrui... Un scénario plus qu’original, magnifiquement servi par le jeu de Nicolas Cage qui, ne l’oublions pas, est un immense acteur quand il le veut. Avec son air de cocker triste, il émeut durement et sûrement. Et plus encore grâce à la réalisation de Kristoffer Borgli qui, par de subtils points de montage dans les dialogues, les jeux de regards et les fins de rêve, donne l’impression de projeter le spectateur entre deux mondes impalpables (en salles le 27 décembre).
Les Chambres Rouges
Un serial killer est jugé pour avoir tué trois adolescents. Pire que cela : il filmait ses meurtres en direct sur le dark web à destination d’internautes pervers prêts à payer des fortunes (en bitcoins) pour se délecter de ces atrocités. Préférant le non-dit au gore frontal, le réalisateur canadien Pascal Plante opte pour une étrangeté presque lynchienne en s’attachant non à la psyché du meurtrier mais à la relation à la fois complexe, tordue et intrigante qu’entretiennent une jeune SDF et un mannequin. Toutes deux passent leur temps à assister aux nombreuses séances du procès, comme si elles étaient sous l’emprise addictive de cette affaire sordide. Une façon intimiste d’aborder le thème des snuff movies, ces fameux films amateurs avec meurtres réels déjà abordés au cinéma (“8 mm” de Joel Schumacher, “Ouvre Les Yeux” d’Alejandro Amenábar). Avec sa réalisation tout en douceur et en froideur, “Les Chambres Rouges” joue sans cesse sur l’interrogation (que veulent réellement ces deux femmes ?) jusqu’à nous embarquer dans une étrange transe hypnotique (en salles le 17 janvier). ■