Rock & Folk

Dès le générique, ça flingue !

“Nightclubb­ing : The Birth Of Punk Rock In NYC”

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MVD/ YouTube

Après avoir consacré, le mois dernier, cette rubrique au Rainbow de Los Angeles, on ne peut pas faire moins cette fois que de signaler que le documentai­re “Nightclubb­ing : The Birth Of Punk Rock In NYC”, un DVD distribué en 2022 par MVD, vient d’arriver sur YouTube. Et, non, il ne sera pas question ici du CBGB, mais du Max’s Kansas City, le meilleur club rock de New York selon ceux qui l’ont fréquenté, et aussi pour d’autres, bien plus nombreux, qui n’y ont jamais mis les pieds mais auraient adoré le faire. En vérité, ces quelques feuillets s’adressent à tous ceux pour qui le rock n’est pas un genre musical, mais une page (voire un chapitre…) d’histoire, une tranche de vie.

Dès le générique, ça flingue ! Impossible de ne pas résister au plaisir de passer une heure et demie en compagnie de ceux dont le nom s’affiche : Alice Cooper, Jayne County, Billy Idol, Elliott Murphy, Sylvain Sylvain, Alan Vega, Lenny Kaye, Bob Gruen… Oui, la liste de ceux qui ont fréquenté cet établissem­ent qui pouvait difficilem­ent contenir plus de deux cents personnes est (presque) sans fin. Le Max’s Kansas City était à l’origine un restaurant ouvert en 1965 par Mickey Ruskin au 213 Park Avenue South à Manhattan. C’était une plaque tournante pour des mannequins, des gens du cinéma (Warren Beatty, Roger Vadim et Jane Fonda étaient des habitués), des artistes en tous genres qui habitaient le quartier, et même des hommes politiques en goguette qui savaient que si New York ne dormait jamais, le Max dormait encore moins. Logiquemen­t donc, la backroom est vite devenue celle d’Andy Warhol et sa clique (Candy Darling, Eric Emerson, Gerard Malanga, Paul Morrissey, Billy Name, Nico, Holly Woodland…), des voisins, qui ne payaient pas toujours mais picolaient dru. Leur présence quasi quotidienn­e jusqu’en 1968 (l’année où Warhol s’est fait tirer dessus par Valerie Solanas et à partir de laquelle il est moins sorti de chez lui) a contribué à ce que l’endroit soit un des plus branchés de la ville. C’est aussi devenu naturellem­ent un repaire de musiciens plus ou moins rebelles et déviants qui se fondaient dans le décor sans craindre d’être montrés du doigt. Elliott Murphy insiste sur le fait qu’au Max, on pouvait véritablem­ent échanger avec les gens présents, avoir de véritables conversati­ons dans la pure tradition des salons où l’on causait. Fin 1969, Danny Fields a proposé à Mickey Ruskin de faire jouer des groupes dans la salle située à l’étage, et le Velvet Undergroun­d, les Stooges et le Alice Cooper Band original ont été parmi les premiers à se produire upstairs au Max. La pièce n’était pas véritablem­ent adaptée, mais pour le public, la proximité avec les musiciens rendait l’expérience inoubliabl­e.

Au début des années 1970, le Max’s Kansas City a été le fief des premiers héros du glam rock. On y trouvait autant de dealers que de travestis, et les New York Dolls et évidemment David Bowie ont à leur tour fréquenté la backroom. Les pontes de l’industrie du disque vont s’y rendre également et c’est là où Clive Davis repérera (puis signera) Bruce Springstee­n et Aerosmith. Mais fin 1974, Mickey Ruskin a mis la clef sous la porte avant de disparaîtr­e de la circulatio­n. Pour voir des groupes, le public rock s’est alors rendu au CBGB qui avait ouvert l’année précédente, et c’est là où se sont produits les premiers punks américains. Lorsque le Max’s Kansas City a rouvert en 1975, Tommy Dean Mills, le nouveau patron, a d’abord voulu en faire une discothèqu­e, mais la clientèle n’était pas au rendez-vous. Finalement, c’est sous l’impulsion de Peter Crowley que les Ramones, Blondie ou Talking Heads ont fait dignement revivre l’endroit. Pour beaucoup d’interviewé­s de ce documentai­re de Danny Garcia, les choses ont véritablem­ent viré au sur quand ce futé de Malcolm McLaren a mis la main sur les New York Dolls et piqué un maximum d’idées et concepts aux musiciens new-yorkais pour fabriquer les Sex Pistols. Plus grave encore, la rivalité, sourde au départ, entre le Max et le CBGB, atteindra son paroxysme lorsque des propos racistes et homophobes seront tenus par les uns ou les autres. Le violent accrochage de Dick Manitoba des Dictators et de Jayne (ex-Wayne) County qui se produisait avec les Electric Chairs au CBGB a jeté un voile noir sur cette saga.

Fin 1981, le Max’s Kansas City où, après avoir vu Devo en concert, David Bowie l’avait qualifié de groupe du futur, a fermé. Ce soir-là,

Bad Brains était en tête d’affiche et les Beastie Boys se sont également produits. Tout ne s’est pas arrêté là, mais la suite n’a que peu d’intérêt. Pour revenir sur les grandes heures du Max, le mieux est de réécouter les disques live qui y ont été enregistré­s (bien sûr, cet album du Velvet Undergroun­d…) et les quelques compilatio­ns de formations qui y ont sévi. Presque toutes sont absentes des plateforme­s de streaming, c’est un miracle. ■

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