Bob Dylan Mixing Up The Medicine
BOB DYLAN, MARK DAVIDSON ET PARKER FISHEL Seghers
Les chiffres sont formels, le meilleur moyen d’avoir les cadeaux dont on rêve à Noël est de se les acheter soi-même. L’autre solution, un classique aussi, est d’offrir aux autres ce qui vous plaît à vous et s’ils vous aiment, ils prétendront n’avoir pas pigé l’astuce. Mais prudence, on ne peut pas offrir tout à tout le monde et si le mastodonte “Bob Dylan Mixing Up The Medicine” est un des meilleurs cadeaux possibles pour à peu près tous, une personne de petite taille pourrait facilement être assommée par le livre qui, en revanche, pourrait lui servir de table basse. On plaisante, on plaisante mais ce livre-monde est presque aussi géant que la carrière de Dylan et les innombrables exégèses qu’elle a suscitées et suscite encore plus depuis que Bob Nobel. Pour nous francophones, comprendre parfaitement l’énigmatique Dylan a toujours été un peu une cause perdue, nous ratons, quel que soit notre niveau d’anglais, certaines références, contextes, sous-textes, minuscules notations qu’un Américain, lui, entend et décrypte, croirions-nous tout du moins puisque, à en juger par la littérature dylannienne, peu sont d’accord entre eux et chacun voit midi standing in the doorway. Enigmatique donc et ultra-secret sur sa vie privée, Dylan sidéra tout le monde quand on apprit que,
1, il gardait des gigantesques archives perso et que
2, il les avait vendues à un milliardaire philanthrope pour ouvrir, à côté du centre culturel Woody Guthrie déjà construit par le mec à Tulsa, un musée autour de ses propres archives. Précisons tout de suite que l’argent n’était pour rien dans cette transaction, la collection de six mille manuscrits — au moins, depuis, Dylan a fouillé ses placards et en sort régulièrement d’autres — a été achetée pour 20 millions, peanuts quand on pense que le seul original de “Like A Rolling Stone” avait été cédé il y a dix ans pour la bagatelle de deux millions. C’est donc autour de cette collection mirifique et de dizaines de milliers d’autres artefacts dylanesques — que s’est donc ouvert pile au coeur de l’Amérique, à Tulsa, ville natale de son idole de jeunesse Woody Guthrie, le centre d’archives officiel du Maître, le Bob Dylan Center. Mark Davidson et Parker Fishel sont respectivement directeur, conservateur et archiviste du centre, et c’est sous leur direction informée qu’a été conçu ce livre hors norme en tous points : ils ont demandé à des centaines d’auteurs, journalistes, poètes, musicologues, historiens, musiciens, spécialistes et artistes de tous bords de venir choisir un objet et d’écrire un texte autour de son importance de son symbolisme ou whatever. Ce livre est donc à la fois un fantastique catalogue subjectif d’une partie des extraordinaires archives mais aussi une collecte de centaines d’oeuvres autour de l’OEuvre, qui abordent aussi bien les processus créatifs de Dylan que parfois ceux des intervenants euxmêmes. Richement illustré serait un doux euphémisme puisque ce titan de culture pop présente donc les six cents objets choisis, carnets, pages déchirées, dessins, mémos, paroles, photos de famille, lettres de fans et d’amis — célèbres, les amis hein, McCartney ou Springsteen — magnifiquement photographiés dans cette véritable corne d’abondance, ce vaisseau-mère de la légende dylannienne qui, au pied du sapin, fera pleurer de bonheur tout fan normalement constitué.
Michel Polnareff, Polnaroïd JEAN-EMMANUEL DELUXE ET RAECHEL LEIGH CARTER Rock&Folk Editions
Même s’il fut le premier artiste en couverture de R&F, Polnareff n’a pas longtemps gardé cette image d’avant-gardiste franc-tireur et très vite, son image de beatnik existentiel a été remplacée par celle d’un artiste brillant, certes, mais aussi un peu trop bizarre, souvent trop variétoche pour les puristes et aujourd’hui un peu poussiéreux. Le livre de Raechel Leigh Carter et Jean-Emmanuel Deluxe est de ce point de vue-là une agréable surprise. Joli et moderne, le livre ne plonge ni dans l’hagiographie ni dans la biographie hyper détaillée, et le récit a toujours assez de recul pour en comprendre les grands mouvements sans être barbé par des analyses trop pointues pour le commun des lecteurs, rafraîchissant ainsi son image et la réelle importance de son oeuvre. Bref, ils ont relooké Polnareff et ça lui va bien. Cadeau parfait pour jeunes ignorants et vieux nostalgiques mais pas ringards.
Debout Dans Les Fleurs Sales, 365 Poèmes A Déployer Castor Astral
On vous a déjà parlé de Thomas Vinau, tendre poète du minuscule quotidien et habile catcher in the rime de ces instants où la vie, loin de tout romanesque, nous souffle malgré tout une fragile éclaircie de beauté et de contemplation. Zéro chichis littéraires, zéro pose, zéro préciosité, Vinau écrit comme on pense, simplement et sans apprêt et la vie quotidienne que l’on devine au fil de ses textes est aussi un peu la nôtre, dans toutes ses menues trivialités et dans ses occasionnelles grâces. Son dernier recueil, “Debout Dans Les Fleurs Sales” reste dans le droit fil de son oeuvre, et on retrouve la même délicate attention et la même économie de moyens dans ces 365 courts poèmes qu’un lecteur mesuré pourra donc lire tout au fil d’une année entière, cette chance ! Offrez donc pour les fêtes une année de poésie, on en a tous, hélas, de plus en plus besoin. ■