45èmes Rencontres Trans Musicales
DU 6 AU 10 DÉCEMBRE, RENNES Gigantesque événement défricheur, le festival rennais a une nouvelle fois livré ses prévisions musicales pour l’année à venir : spoiler alert, 2024 ne devrait pas être un grand cru pour le rock et les guitares.
Avec 52 000 festivaliers et 2 000 professionnels, la préfecture de Bretagne s’est, de nouveau, érigée en capitale musicale le temps d’un week-end de décembre à la météo relativement clémente. Afin de se retrouver dans les méandres de la programmation, les sessions Fip, ouvertes au public en journée, sont un excellent guide pour s’orienter et ainsi regretter d’avoir loupé le groove psychédélique de Nusantara Beat la veille à l’Ubu ou de voir jouer les Argentins noisy de Blanco Teta à un horaire moins problématique que 2 h 30. Premier cocorico du jeudi, les Vendéens Dynamite Shakers qui, pour leur plus grosse date à ce jour dans un Liberté blindé, ne se ratent pas et offrent une prestation garage débraillée tellement ovationnée qu’ils reviennent pour deux rappels dont un réclamé par Jean-Louis Brossard, fondateur des Trans. Carte de visite royale ! Direction Bruz et le Parc Expo pour l’envoûtante proposition néo-classique de Flore Laurentienne, idéalement mise en lumière avant le concert de Joe Yorke. L’Anglais, branché sound systems britanniques, livre une réjouissante heure avec sa voix de fausset entre reggae et soul. Du côté des Bars En Trans, victimes de leurs succès, la frustration est de mise avec une programmation affriolante d’artistes (After Geography et Civic) dans des lieux aux jauges inadaptées et inaccessibles. Vendredi, c’est le Hall 3 qui attire : entre les Rennais d’Hanry, maîtres de leurs instruments et d’un post-rock cinématographique très Mogwaï, et les Suédois de DiskoPunk, étrange alliage entre ABBA et un chanteur iguanesque qui font gentiment patienter jusqu’aux agréables pralines distribuées par le duo basse/ batterie tokyoïte, Moja. Samedi, les Tame Impala italiens de Post Nebbia
sont planifiés trop tôt dans le Hall 3 qui se remplit cependant pour l’énorme bouffée d’air à guitares de The Silver Lines, leur chanteur, tête à claques magnétique, et leurs morceaux qui rappellent les regrettés Rakes. En clôture le dimanche à l’Opéra, alors que résonnaient la harpiste galloise Cerys Hafana, touchante de grâce, et la guitare électrique du compositeur expérimental barcelonais Raùl Refree
dans les ors de cet écrin magnifique, on s’est demandé si ce n’était pas ici que se situait l’avenir du rock, institutionnalisé et à l’écart, loin de la jeunesse dansant sur les rythmes techno du Parc Expo.
ERIC DELSART ET MATTHIEU VATIN