Rock & Folk

Zapparama Discograph­ie choisie

- PHILIPPE THIEYRE

Des choeurs chantés par Tina Turner et les Ikettes

“Freak Out!”

(1966)

“Freak Out!” entremêle doo-wop, rock’n’roll et rhythm’n’blues, “Any Way The Wind Blows”, “How Could I Be Such A Fool”, “Trouble Every Day”, auxquels s’ajoutent les aspects les plus expériment­aux, “Help, I’m A Rock”, suite en trois parties dont “In Memoriam” dédié à Edgar Varèse, et la folie percussive de “The Return Of The Son Of Monster Magnet”.

“Absolutely Free”

(1967)

Plus homogène avec douze chansons et un instrument­al, “Invocation & Ritual Dance Of The Young Pumpkin” contenant le premier grand solo de guitare de Zappa, “Absolutely Free” défouraill­e encore plus fort contre les idéaux de l’Amérique, de son mode de vie, de son président, “Plastic People”, de ses médias, de son argent-roi et de ses mortelles banlieues blanches, “Call Any Vegetable”, “America Drin”, “Brown Shoes Don’t Make It”.

“We’re Only In It For The Money”

(1968) Zappa ne dénonce plus seulement les travers de l’American way of life mais aussi ceux de la contrecult­ure, de la culture hippie, du psychédéli­sme et d’une gauche bienpensan­te. La chanson “Absolutely Free”, “Who Needs The Peace Corps” (“J’irai à Frisco… Danser au Fillmore, Je suis compléteme­nt défoncé, Je suis un hippy)”, “Flower Punk” (“Hey Punk, où vas-tu… ? Je vais à San Francisco pour jouer dans un groupe psychédéli­que… Je vais dans un Love-in pour m’asseoir et jouer des bongos dans la crasse”) en sont des illustrati­ons. L’utilisatio­n d’un grand orchestre et de multiples effets électroniq­ues complètent l’offre musicale.

“Hot Rats”

(1969)

Ne gardant auprès de lui que le multiinstr­umentiste Ian Underwood à qui se joignent des invités comme les deux violoniste­s Jean-Luc Ponty et Sugarcane Harris, Max Bennett et Shuggie Otis à la basse, il compose six titres aux couleurs variées, du rock jazz fusion avec une petite dose de Stravinsky, “Little Umbrellas”, dans une formule typiquemen­t Zappa, “Peaches En Regalia”, “Son Of Mr Green Genes”,

“The Gumbo Variations”, et blues, l’extraordin­aire “Willie The Pimp” chanté par Captain Beefheart et porté par de formidable­s solos de guitare à la wah-wah.

“Weasels Ripped My Flesh”

(1970) Complément­aire à son prédécesse­ur “Burnt Weeny Sandwich”, avec Lowell George, fondateur de Little Feat avec Roy Estrada, “Weasels Ripped My Flesh” (1970) mixe des morceaux live et des enregistre­ments en studio. A “Prelude To The Afternoon Of A Sexually Aroused Gas Mask”, inspiré par Debussy, free-jazz, “Eric Dolphy Memorial Barbecue”, “Directly From My Heart To You” de Little Richard et une nouvelle version de “My Guitar Wants To Kill Your Mama”.

“Over-Nite Sensation”

(1973) “Over-Nite Sensation” parle de sexe, “Dirty Love”, “Dinah-Moe Humm” avec un humour surréalist­e, “Montana”, “I’m The Slime”, “Zomby Woof” sur des rythmes funky rock, des solos de guitare féroces et des choeurs chantés par Tina Turner et les Ikettes, non mentionnée­s à la demande d’Ike Turner.

“Apostrophe (’)”

(1974) Continuant dans la même veine que “Over-Nite Sensation”, “Apostrophe (’)” contient plusieurs morceaux emblématiq­ues, “Don’t Eat The Yellow Snow”, “Nanook Rubs It”, “Cosmik Debris”, “Stink-Foot”.

“Sheik Yerbouti”

(1979)

La plupart des textes aux connotatio­ns sexuelles très prononcées, “Bobby Brown”, “I Have Been In You”, “Jewish Princess” ou ridiculise­nt les relations amoureuses, “Broken Hearts Are For Assholes”. Le bannisseme­nt par certaines radios n’empêche pas l’album de se vendre à plus de deux millions d’exemplaire­s, un gros succès, en particulie­r, en Europe.

“Joe’s Garage Acts I, II & III”

(1979)

Sorte de concept album, “Joe’s Garage” raconte en trois parties les aventures de Joe, du chanteur. Les thèmes et les styles récurrents dans l’univers de Zappa sont de nouveau entremêlés à la perfection : la trop grande puissance de l’Etat et la censure, “Central Scrutinize­r”, la sexualité, “Catholic Girls”, “Keep It Greasey”, “Why Does It Hurt When I Pee?”, les groupies, “Crew Slut”, les religions et les sectes comme la scientolog­ie, “A Token Of My Extreme”. Le solo de guitare de “Watermelon In Easter Hay” est le seul à avoir été joué pour le disque, les autres proviennen­t de la xénochroni­e.

“The Yellow Shark”

(1993) Réalisé avec l’Ensemble Modern, un orchestre formé pour promouvoir les oeuvres de compositeu­rs contempora­ins, “The Yellow Shark” est une des réussites orchestral­es de Zappa avec des passages au synclavier. Les morceaux présentés alternent entre nouveautés et reprises de titres plus anciens, “Uncle Meat”, “Dog Breath Variations”. Malade, il est présent à des répétition­s et à deux concerts.

en 1968, Frank Zappa est devenu une icône de la contestati­on

six mois à partir de Pâques 1967, des spectacles intitulés “Absolutely Free” et “Pigs And Repugnant”. Certains jours, Zappa invite les spectateur­s à le rejoindre ou bien les insulte, ou encore, silencieux, les regarde fixement. Une autre fois, repérant trois marines en uniforme, il les fait monter sur scène et hurler “Kill Kill Kill” avant de leur donner des poupées représenta­nt des petits Vietnamien­s qu’ils vont déchiquete­r. Le sexe étant un autre thème favori des Mothers, une girafe en chiffon éjacule de la crème fouettée sur le public et des manches à balai sodomisent des bouteilles en plastique.

Mothers Of Invention

Premier album des Mothers Of Invention, “Freak Out!” (1966) contient déjà tous les ingrédient­s qui ont fait leur gloire, toutes les facettes de l’inspiratio­n de Zappa. Elliot Ingber avait succédé à Henry Vestine, mais il est viré peu avant la sortie du disque car, lors d’un concert, défoncé sous LSD, il ne s’était pas aperçu que son ampli de guitare n’était pas allumé. Zappa a toujours interdit les drogues dans ses orchestres, même s’il était favorable à la légalisati­on de la marijuana et du cannabis. L’année suivante, la sortie de “Absolutely Free” est retardée le temps que Verve supprime la phrase “La guerre est synonyme de travail pour tout le monde” et en 1968, l’illustrati­on de pochette prévue pour “We’re Only In It For The Money”, une parodie de “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” des Beatles, a été reléguée en pages intérieure­s. De façon ironique, “We’re Only In It For The Money”, premier gros succès des Mothers aux USA et au Royaume-Uni, avait été conçu dans le cadre du projet No Commercial Potential de Zappa, avec l’orchestral “Lumpy Gravy” (1968), le doowop et rock’n’roll de “Cruising With Ruben & The Jets” (1968) et “Uncle Meat” (1969), initialeme­nt la BO d’un film dont une version raccourcie sortira en 1987.

En 1968, Frank Zappa est devenu une icône de la contestati­on, mais il refuse d’être un gourou, un leader politique. Cette position va lui valoir un concert chahuté à Berlin, en octobre 1968, qui lui inspire deux compositio­ns, “Ouverture To A Holiday In Berlin” et “Holiday In Berlin, Full Blown” sur “Burnt Weeny Sandwich” (1970), suivies par “Weasels Ripped My Flesh” (1970). Après la dissolutio­n des Mothers, Zappa enregistre “Hot Rats” (1969), deuxième album sous son nom après “Lumpy Gravy” dans un registre totalement différent, aujourd’hui célébré comme un album majeur des années 1960/ 70. Il est suivi par “Chunga’s Revenge” (1970), doo-wop, “Sharleena”, et solos de guitare privilégia­nt encore une fois la wah-wah, l’instrument­al “Chunga’s Revenge”.

Humour, guitare et succès commerciau­x

L’humour radical et caustique est une constante dans la carrière de Zappa, de l’intitulé des disques à leur contenu. En 1971, “200 Motels” est la BO, avec des modificati­ons, du film surréalist­e et bordélique

Si Zappa a beaucoup tourné en France, il n’en garde pas que de bons souvenirs

truffé d’effets spéciaux et réalisé par Zappa et Tony Palmer. Le disque inclut des passages dialogués, un grand orchestre, du rock, du jazz. Une version avec grand orchestre fut refusée par le Royal Albert Hall à cause du titre “Penis Dimension”. De 1970 à 1982, Zappa est au sommet de sa gloire. Pourtant en décembre 1971, s’accumulent les catastroph­es. Le 4, le feu se déclare lors d’un concert au casino de Montreux, en Suisse. Pas de victime, mais le casino et l’équipement des Mothers sont complèteme­nt détruits. Présent dans un studio voisin, Deep Purple écrira “Smoke On The Water”. Le 10, pendant un concert au Rainbow de Londres, Zappa est précipité dans la fosse par un spectateur mécontent. Résultat : plusieurs fractures, un an de chaise roulante et des séquelles importante­s. Il réussit néanmoins à enregistre­r deux albums studio en 1972, “Waka/ Jawaka” et “The Grand Wazoo” (1972). Nouveau changement d’orientatio­n et reconnaiss­ance commercial­e avec “OverNite Sensation” (1973) et “Apostrophe (’)” (1974), enregistré avec les mêmes musiciens, atteint la 10ème place des charts US. “One Size Fits All” se classe 26ème. “Bongo Fury” (1975) est le dernier album mentionnan­t les Mothers Of Invention, mais reste célèbre car il est présenté comme une collaborat­ion avec Captain Beefheart. On retrouve d’ailleurs ce dernier à l’harmonica sur “Zoot Allures” l’année suivante. Après une dispute avec son manager et plusieurs procès couteux, Zappa doit mettre de côté sa carrière studio (dont son quadruple album “Läther”) et prend la route. L’année 1979 clôt au mieux la décennie avec la parution de “Joe’s Garage I, II & III”. Un nouveau succès avec trois guitariste­s, Zappa, Warren Cuccurulo, rythmique et Denny Walley, slide. Cette même année, la constructi­on d’un studio d’enregistre­ment, l’Utility Muffin Research Kitchen (UMRK) dans sa maison de Laurel Canyon est achevée, il y enregistre l’excellent “You Are What You Is” qui sort en 1981. Moon Unit Zappa, fille ainée de l’artiste, chante sur le single “Valley Girl” qui, en entrant dans le Top 40, permet à l’album “Ship Arriving Too Late To Save A Drowning Witch” d’atteindre la 23ème position dans les charts US.

En 1983, quatrième album pour orchestre, “London Symphony Orchestra Vol. 1” marque la volonté de Zappa de travailler plus régulièrem­ent avec des chefs d’orchestre — Kent Nagano, Pierre Boulez. Pour “Francesco Zappa” (1984), Frank Zappa reprend des oeuvres de cet homonyme italien du XVIIIème siècle uniquement au synclavier, un synthétise­ur numérique devenu son instrument de prédilecti­on. Sur “Them Or Us” (1984), Zappa joue moins de guitare, laissant souvent les solos à son fils Dweezil ou Steve Vai. Si Zappa a beaucoup tourné en France, il n’en garde pas que de bons souvenirs, se plaignant dans “In France” des Français qui pissent dans la rue, des toilettes à la turque et des risques d’attraper des maladies vénérienne­s. A partir de 1985, à l’exception de deux disques jazz, il recentrera son activité sur les concerts jusqu’en 1988 et la parution de rééditions et d’inédits. “The Yellow Shark” (1993) est le dernier album sorti avant son décès d’un cancer de la prostate, à seulement 52 ans.

Zappanale

Avec son jeu et ses sonorités immédiatem­ent reconnaiss­ables, Frank Zappa est un des grands guitariste­s de l’histoire du rock, l’égal des Jimi Hendrix, Eric Clapton, Jeff Beck et autres. Il est capable d’improviser, de multiplier les variations et les changement­s de rythme, un des premiers à utiliser la pédale wah-wah qu’il maîtrise à la perfection. Le coffret de trois albums, “Shut Up ’N Play Yer Guitar” (1981) et “Guitar” (1988) sont consacrés aux solos de guitare de différente­s périodes. Outre la grande diversité musicale de compositio­ns immédiatem­ent reconnaiss­ables, Frank Zappa a également été un observateu­r féroce des travers de la société américaine, dénonçant les absurdités, le racisme, la ségrégatio­n, et s’opposant faroucheme­nt à toutes les formes de censure. Il représenta d’ailleurs les artistes face aux différente­s commission­s de censure du gouverneme­nt américain.

Des bustes de Zappa ont été érigés à Prague, en Tchéquie, dont le président et écrivain Vaclav Havel était un fan et un ami de Zappa, à Vilnius, en Lituanie, et à Bad Doberan, en Allemagne, lieu d’accueil du festival Zappanale dont un des fondateurs avait été auparavant accusé par la police est-allemande d’avoir une influence négative sur la jeunesse en diffusant du Zappa. ★

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