Rock & Folk

Un album qui dépasse en inventivit­é les précédente­s production­s

Idles “TANGK” PARTISAN RECORDS/ YALTA

- GEANT VERT

Le temps passe et les choses finissent toujours par aller mieux. Il y a deux ans, la promo de “Crawler” se faisait torpiller par la covid. Dans un échange déprimant, Joe Talbot regrettait amèrement de ne pouvoir défendre un album tout en noirceur et en douleur, les deux maux sentimenta­ux nécessaire­s pour se sortir du gouffre. Si ledit album était déjà considéré comme une rupture avec “Ultra Mono”, que dire pour le nouveau dont le contenu est, cette fois, entièremen­t tourné vers l’amour et la joie de vivre ? “Tangk” est un écrin minimalist­e concocté par le producteur Nigel Godrich, le guitariste Mark Bowen et le styliste du son à casquettes multiples Kenny Beats qui se partagent la production de ce cinquième album. Après un démarrage tout en douceur au pied de grosse caisse et nappes de synthé en boucle, “IDEA 01” est une succession de souvenirs familiaux désordonné­s énumérés dans une longue litanie monocorde. Le chanteur y décrit un monde en pleine désunion d’une voix aussi désabusée que distante. Avec son tempo aussi lent que trompeur, le titre est accrocheur et les auditeurs ont déjà un avant-goût de la vision du bonheur de Talbot qui, tel Néron, se purifie du passé en le jetant au feu. Puis, “Gift Horse” fait monter la joie d’un cran avec une histoire de canassons aussi invraisemb­lable que la diction de son refrain rendu volontaire­ment incompréhe­nsible par un doublement des syllabes. Rien qu’avec cette astuce vocale, “Watch my steed go far” prend une tournure entêtante qui donne tout simplement l’envie de se conduire comme un sauvage sur le dancefloor en hurlant “Fuck the king, he ain’t the king” maintenant que Buckingham Palace vient d’annoncer le cancer de Charles III. Si on y ajoute le passage “No king, no crown” qui figure sur la chanson “Grace” un peu plus loin, le public risque de prendre Talbot pour le nouveau prédicateu­r à suivre. Autre tuerie sur pattes, “POP POP POP”, un titre qui donne dans l’électroroc­k vicieux avec un refrain de défoncés bien lancinant. D’une voix un brin ironique, Talbot aligne tous les petits riens de la vie qui ne peuvent conduire qu’à se réjouir de la félicité des autres. Dans un genre plus tribal, “Roy” est une ritournell­e faussement calme, avec des paroles tordues où il est question de couper la tête de la main nourricièr­e. Avec “Dancer”, le groupe enclenche la vitesse supérieure, durcit la guitare qui se rappelle au bon souvenir des punks toujours accrochés, telles les sempiterne­lles moules au rocher, au premier album “Brutalism”. Mantra hip-hop au phrasé légèrement rottenien, le refrain de “Dancer” a été l’occasion de faire participer Nancy Whang et James Murphy de LSD Soundsyste­m à la fête. Afin de plaire à la frange musclée de leur public, les trois titres suivants :

“Hall & Oates”, “Jungle” et “Gratitude” mettent en avant les guitares de Bowen et Lee Kiernan. Grâce à ce son agressif, les services d’ordre risquent fort d’avoir du boulot dans les concerts à venir. Point final de l’ensemble, “Monolith” est une incantatio­n bluesy/ jazzy à la Robert Plant bien portée par la basse d’Adam Devonshire. En onze chansons et une quarantain­e de minutes, “Tangk” est un album qui dépasse en inventivit­é les précédente­s production­s du groupe. Avec cette succession de chansons bien construite­s aux atmosphère­s aussi variées que logiques, la galette ne devrait pas rencontrer trop de problèmes pour convaincre les foules à une époque où le sucré-salé est définitive­ment rentré dans les moeurs. Cependant, il serait intéressan­t de savoir quelle définition Idles donnent au mot amour ? ★★★★

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